JEAN-BAPTISTE KLÉBER

KLÉBER PAR JEAN-URBAIN GUÉRIN 1798 – NATIONALMUSEUM STOCKOLM

Il est né le 6 mars 1753 à Strasbourg, au 8 rue des Fossés des tanneurs. Il décède à 47 ans, le 14 juin 1800, au Caire en Égypte. Il est le fils d’un sergent des portes de la ville de Strasbourg, de confession catholique, qui meurt alors que Jean-Baptiste n’a que trois ans, et de Reine Bogart. Il est élevé par son beau-père Jean-Martin Burger, un maître charpentier de la ville, sa mère s’étant remariée. D’un caractère difficile, son beau-père le met en pension chez le curé de Geispolsheim. Sa taille, 1,90 m, ses yeux bleus et son caractère bien trempé impressionnent tous ceux qui le croisent. Il est d’une force herculéenne, il est surtout d’un tempérament fougueux et colérique.
Il fait ses études au gymnase Jean Sturm et à l’école des Arts et Métiers. Après avoir blessé en duel un autre prétendant au cœur d’une jeune fille, il est obligé de s’engager, il a 23 ans. Il s’engage dans l’armée autrichienne où il restera 7 ans, et revient avec le grade de sous-lieutenant. En 1784, il obtient, grâce à son demi-frère François Burger, un poste d’inspecteur des bâtiments publics de Haute-Alsace (Haut-Rhin).
Jean-Baptiste aurait pu être un très bon architecte, mais, il va suivre une autre trajectoire.


STRASBOURG RUE DES FOSSÉS DES TANNEURS

Général d’Armée. Années de service 1769 à 1800. Conflits : guerre de Succession de Bavière. Guerres des la Révolution française. Guerre de Vendée. Campagne d’Égypte. Faits d’armes : siège de Mayence. 1ère bataille de Montaigu. Bataille de Torfou (Vendée).

Curieuse trajectoire qui va mener cet Alsacien de la profession d’architecte à Besançon, puis à Strasbourg, en 1775, à une carrière militaire brillante. Carrière qu’il embrassa une première fois à Munich comme sous-lieutenant. Démissionnaire en 1785, il retourne dans son pays natal pour devenir inspecteur des bâtiments publics. Pour compléter ses maigres revenus de fonctionnaire, Il va construire le château de Grandvillars, l’hôpital de Thann et la maison des chanoinesses de Masevaux.
Jean-Baptiste aurait pu être un très bon architecte, mais il est écœuré par l’arrogance de la noblesse accrochée à ses privilèges. La Révolution va enthousiasmer le jeune architecte qui croit qu’enfin la société va être meilleure.
Quand la guerre est déclarée, l’armée l’attire à nouveau en 1792, il est élu lieutenant-colonel au 4ème bataillon de volontaires du Haut-Rhin. Il a 39 ans. Il participe à la prise des villes de Spire, Worms, Frankfort et Mayence en octobre 1792.
Louis XVI est guillotiné le 21 janvier 1793, frappé de stupeur, toute l’Europe se coalise contre la France. Le 14 avril 1793, l’armée du Rhin est encerclée à Mayence par 40 000 Prussiens. Le siège va durer 3 mois. Jean-Baptiste multiplie les sorties et coups de main contre les ennemis. Il vit étroitement avec ses soldats, comme eux sous la tente. Son souci du bien-être de la troupe le rend bientôt populaire, popularité qui dépasse très vite les limites du camp.
La capitulation de Mayence sera condamnée par la Convention, le général en chef Custine et son chef d’état-major Alexandre de Beauharnais (l’époux de la future impératrice Joséphine) son tous deux guillotinés. Jean-Baptiste échappe aux geôles du gouvernement révolutionnaire et il est nommé général de brigade à l’armée des Côtes de La Rochelle. Il se fait remarquer comme le véritable organisateur de la victoire de Cholet, ce qui lui valut le grade de général de division le 17 octobre 1793. Bon tacticien, il n’hésite pas à s’exposer à la tête de ses hommes, il participe à la victoire du Mans le 12 décembre 1793, et à celle de Savenay le 22 décembre de la même année. Général d’armée, il fut l’un des vainqueurs de Fleurus le 26 juin 1794. Jusqu’en décembre 1796, il sert dans l’armée de Sambre et Meuse. Opposé à Jourdan, général avec un gros caractère, Kléber démissionne, mais il reprendra du service en 1798 dans l’armée d’Angleterre, puis dans l’armée d’Orient. Bonaparte va accueillir avec beaucoup d’égards ce général de seize ans son aîné.
Kléber se rend compte qu’il n’y a rien à espérer des politiques, de leur fanatisme et leurs excès doctrinaires. Contre toute attente, il est nommé à la tête de 20 000 hommes et est envoyé en Vendée pour réprimer la révolte. Le voilà embarqué dans une sale affaire. Il se retrouve au milieu d’une guerre civile.
Malgré son dégoût affiché des généraux « sans-culottes » et des représentants du peuple totalement fanatiques et incompétents, Jean-Baptiste est promu général de division en octobre 1793, ce qui attire la haine de certains conventionnels et du ministre Bouchotte qui signe sa destitution, il risque une fois de plus la guillotine. Heureusement, il bénéficie de l’aide de Lazare Carnot qui siège au comité de Salut Public, ce dernier supplie le député Laignelot : « Surtout, aidez-moi à conserver Kléber, c’est le meilleur officier de notre armée et ils veulent me l’enlever ».
En mai 1794, Jean-Baptiste reçoit l’ordre de rejoindre l’armée du Nord. Il est heureux de quitter le « panier de crabes » nantais pour rejoindre un champ de bataille. Il reçoit le commandement de l’armée de Moselle (40 000 hommes) subordonnée à l’armée des Ardennes commandée par le général Jourdan (65 000 hommes). Ils font face à 165 000 coalisés aux ordres du duc de Saxe-Cobourg, en Belgique. Kléber et Jourdan battent les Impériaux à Fleurus, prennent Charleroi et le 8 juillet Bruxelles. Kléber assiège ensuite Maastricht qui se rend le 4 novembre, et obtient la capitulation de Düsseldorf le 7 octobre. La gloire de Kléber est considérable, mais il préfère demander des promotions pour ses valeureux soldats et officiers comme François-Joseph Lefèvre (futur maréchal), ou Jean-Baptiste Bernadotte (futur roi de Suède) ou encore Ney (futur maréchal) qui deviennent ses amis.
Le 28 juillet 1794, la chute et l’exécution de Robespierre change le paysage politique. Après la Terreur, l’année 1795 voit le retour à une situation plus calme. Le 5 avril 1795, à Bâle, la paix est signée avec les Prussiens ce qui confirme les victoires de l’Est. Le 18 mai, Jean-Baptiste rejoint Jourdan à l’armée de Sambre-et-Meuse qui doit traverser le Rhin pour attaquer les Autrichiens. Jean-Baptiste commande 4 divisions de 10 000 hommes. Jean-Baptiste peste contre le manque de prévoyance, il n’y a pas de pont, pas de bateaux … Il va s’occuper de tout, il détermine les points de passage embauche des centaines de charpentiers pour réaliser ponts flottants et bateaux qui porteront en une fois 6 000 hommes vers l’autre rive. Le 6 octobre 1795, Jean-Baptiste passe le Rhin avec son armée et se jette sur les Autrichiens. C’est une victoire de l’Alsacien ; il prend 168 canons, 3000 livres de poudre et 10 000 fusils à l’ennemi. Mais les armées autrichiennes reprennent le dessus et le 31 décembre 1795, un armistice est signé.

À Paris, une énième révolution de palais a renversé le gouvernement grâce à un jeune officier de vingt-six ans, sans affectation, Bonaparte. Le général « Vendémiaire » n’a aucun scrupule, il est nommé commandant en chef de l’armée de l’intérieur et devient le bras armé du gouvernement. Un Directoire est créé en octobre 1795 avec cinq Directeurs qui se partagent le pouvoir : Barras, La Révellière-Lépaux, Carnot, Reubell et Le Tourneur.
Au cours de cette même année, les armées du Rhin et Sambre-et-Meuse, ont enchaîné de belles victoires dont la bataille d’Altenkirchen que Kléber remporte avec le général Lefèvre.
Kléber sort très éprouvé de cette campagne. Il méprise les politiques et refuse toute promotion ou commandements supérieurs : « la vérité a peu d’accès à cette cour qui veut toujours avoir raison et qui se croit plus infaillible que le Vatican. Nous sommes au bout de la pièce…et je crains fort la catastrophe. Si nous n’avons point d’armistice, notre armée est perdue ».
Le 19 septembre 1797, son meilleur ami, le général Marceau est abattu par un civil allemand : « Le dégoût que j’éprouve useront bientôt toute mon énergie … » Il démissionne le même jour et écrit : « Soldat de la Révolution, la liberté est conquise ; l’ennemi est loin de nos frontières. Je ne veux être et ne serai jamais l’instrument passif d’aucun système de conquête qui puisse différer d’un instant la félicité de mes concitoyens ». Il retourne en Alsace et pour occuper le temps, il rédige un mémoire pour réorganiser l’armée qu’il juge en piteux état.
Bonaparte, de retour d’Italie, rentre à Paris le 5 décembre 1797 auréolé de gloire. Jean-Baptiste est fasciné par la réussite de ce jeune homme de vingt-huit ans qu’il rencontre en cette fin d’année. Bonaparte lui manifeste respect et égards et sollicite son avis sur les grandes entreprises qu’il imagine. Jean-Baptiste est subjugué par l’enthousiasme et l’exaltation de l’homme et son destin sera, dès lors, lié au futur empereur.
En mars 1798, l’expédition d’Égypte est décidée par le Directoire qui pense se débarrasser de l’encombrant Corse. Bonaparte propose à Kléber de faire partie de cette aventure. Ce dernier est sur un nuage : « Plus je vois événements extraordinaires qui sont autant d’occasions au développement du génie vaste de mon général, et plus mon dévouement à le seconder s’accroît… Je pars pour voir ce que ce petit bougre a dans le ventre ».
Il est vrai que l’armée semble avoir belle allure : 13 vaisseaux de lignes bordés chacun de 100 canons, 35 frégates et petits bateaux ainsi que 300 bâtiments de transport qui embarquent 28 000 fantassins, 2 000 cavaliers, 2 000 artilleurs, en tout 50 000 hommes. Il y a aussi 154 savants, ingénieurs et artistes, chargés d’étudier l’Égypte dans tous les domaines. Mais Jean-Baptiste va déchanter lorsqu’il voit arriver Bonaparte avec sa sœur et une partie de sa famille. L’esprit de cour qui règne déjà ne lui convient pas du tout. La flotte quitte Toulon le 19 mai 1798.
Bonaparte arrive avec son armée en face de Malte, il demande à faire « aiguade » (remplir les barriques d’eau). Maître Ferdinand Hompesch réunit le Conseil et refuse de laisser entrer dans le port plus de quatre navires à la fois. Bonaparte fait alors débarquer ses troupes et s’empare de l’île le 10 et 11 juin 1798. Le Maître de l’Ordre est expulsé, Bonaparte fait main basse sur les biens des chevaliers de Saint-Jean, (évalués à 3 millions de francs en or et argent), et le 19 juin, la flotte met le cap sur Alexandrie après avoir laissé une garnison de 3 000 hommes et 3 compagnies d’artilleurs.


1798 BONAPARTE DÉBARQUE SUR L’ÎLE DE MALTE

Après une traversée pénible, la flotte arrive en vue d’Alexandrie le 1er juillet. Sitôt débarqué, Bonaparte se précipite et ordonne l’attaque de la ville avec 4 000 hommes. Kléber est au centre du dispositif, le général Menou à gauche et le général Bon à droite. L’assaut est donné baïonnette au fusil et la ville est prise rapidement. Jean-Baptiste prend une balle en plein front qui heureusement n’a pas perforé l’os. Il restera à l’arrière comme gouverneur du gros bourg.
Le 21 juillet, Bonaparte remporte la « victoire des Pyramides » sur les 40 000 mamelouks en utilisant la stratégie des carrées. Chaque carré de plusieurs milliers d’hommes formés de 6 rangs attaque ou défend selon les besoins et les cavaliers mamelouks s’y brisent à chacune de leurs charges. Les mamelouks ont 10 000 tués, du côté français, 30 tués.


LA BATAILLE DES PYRAMIDES PAR FRANÇOIS –ANDRÉ VINCENT

Pendant que Jean-Baptiste se morfond à Alexandrie, Bonaparte s’installe au Caire dans les fastueux palais orientaux et s’affiche avec Pauline Fourès, la femme d’un lieutenant. Il organise les travaux des scientifiques de l’expédition. Une des premières découvertes sera la Pierre de Rosette. Pierre-François-Xavier Bouchard, lieutenant du génie, lors de cette campagne d’Égypte, découvre le 19 juillet 1799 la Pierre de Rosette, lors de la réfection du Fort Julien, une ancienne fortification de la ville de Rachid (Rosette en français).


DÉCOUVERTE DE LA PIERRE DE ROSETTE
HAUTEUR : 112 cm LARGEUR : 76 cm ÉPAISSEUR : 28 cm POIDS : 760 kg

Elle fut prise en butin de guerre par l’armée anglaise après la défaite française à Aboukir. La Pierre de Rosette est conservée depuis lors au British Muséum de Londres.
Ces inscriptions vont permettre à Jean-François Champollion, grâce à ses connaissances du grec et du copte, de déchiffrer définitivement les textes le 14 septembre 1822. Le Musée Champollion de Figeac et l’un des rares musées à posséder un moulage de la Pierre de Rosette, avec l’aimable autorisation du British Muséum de Londres.

Le 1er août 1798, la flotte britannique encercle la flotte française dans la baie d’Aboukir en détruisant quatre navires et en capturant neuf autres. Les Français déplorent 5 000 morts. L’armée française est bloquée en Égypte.

Le général Caffarelli, ami de Kléber, va convaincre Bonaparte de rappeler Kléber au Caire : « Voyez-vous cet Hercule. Son génie le dévore et le tue ; il y a de lui cent actions militaires magnifiques et ce n’est rien en comparaison de ce qu’il est capable de concevoir et d’exécuter ». Bonaparte lui confie alors le commandement en chef de l’armée « par intérim » car il veut participer aux études scientifiques avec ses savants, dans l’isthme de Suez. Jean-Baptiste découvre un autre Bonaparte, un chef imprévisible : « Jamais de plan fixe, tout va par bonds et par sauts, le jour règle les affaires du jour ! ». Jean-Baptiste rejoint le Caire le 18 octobre et y restera trois mois.
Bonaparte, contre l’avis de Kléber, décide de faire mouvement vers la Syrie pour s’approprier les routes commerciales anglaises. La division Kléber est au centre du dispositif lors des batailles victorieuses d’El-Arich, du Mont-Thabor, Gaza et Jaffa où Bonaparte fait exécuter 3 000 prisonniers. Mais c’est un échec devant Saint-Jean-d’Acre.
Jean-Baptiste Kléber en a marre de ce général : « Il ne sait ni organiser, ni administrer et pourtant il veut tout faire. De là désordres et gaspillages en tous genres ; de là cette misère même au milieu de l’abondance ».

Le 11 juillet 1799, une armée turque de 20 000 hommes débarque à Aboukir, à l’endroit même où la flotte française a été coulée voici près d’un an. La réaction de Bonaparte est immédiate. Le 25 juillet, les troupes françaises arrivent en vue de la rade où l’ennemi s’est retranché, l’assaut est lancé. Murat, Lannes et Marmont se précipitent dans la mêlée et enlèvent une à une les positions ottomanes. À la tombée du jour, Bonaparte peut être satisfait, il vient de remporter sa troisième grande bataille en Orient. Les Turcs laissent 12 000 morts sur le terrain.
Bonaparte s’apprête à regagner la France, il n’a pas de nouvelles depuis dix mois. Ce qui le préoccupe c’est la situation en métropole. Il va négocier avec l’amiral Sidney Smith qui, en échange de prisonniers, lui offre des journaux français. Les dépêches confirment ses craintes, l’Italie est retombée aux mains de l’Autriche, les Russes progressent vers l’Ouest et la situation sur le front du Rhin n’est pas brillante. Il faut rentrer à Paris. Le 23 août 1799, accompagné de ses plus proches compagnons, Murat, Lannes, Berthier, Bessières et Davout. Il va confier à Kléber le commandement suprême de l’armée. Jean-Baptiste est ulcéré « Ah, l’oiseau s’est déniché ! ». Le dégoût l’emporte maintenant concernant cet homme qui lui apparaît comme un déserteur. Dans l’armée, si beaucoup se scandalisent du départ de Bonaparte, d’autres trouvent ce départ plutôt amusant et affubleront leur général en chef du nom de « Bonattrape ».
« Me voilà, sans pouvoir me défendre, avec l’Égypte sur le dos. Notre homme est parti comme un sous-lieutenant qui brûle sa paillasse après avoir rempli du bruit de ses dettes et de ses fredaines les cafés de la garnison ! ».
Le capitaine Moiret raconte : « Nous ne fumes pas fâchés de voir passer le commandement au général Kléber. La réputation de bravoure, la prudence qui l’avait partout accompagné, l’impartialité avec laquelle il rendait la justice lui gagnèrent la confiance de l’armée. Son caractère reconnu nous fit espérer qu’il parviendrait à nous rendre à notre patrie. Bonaparte ne travaillant que pour son intérêt personnel. Kléber ne pensait pas à lui et ne voyait que le bonheur et le soulagement du soldat ».
Jean-Baptiste Kléber ne pense plus qu’à organiser le retour en France de ses soldats. « Les troupes sont nues » écrit-il dans ses carnets. Les caisses sont vides, Bonaparte a emporté ce qui restait pour « ses frais de route ». L’armée manque de tout. Il va négocier avec le grand vizir turque et l’amiral anglais Sydney Smith, et le 23 janvier 1800, il signe la convention d’El-Arich qui prévoit le rapatriement honorable de ses soldats en France. Le 7 février, il apprend le coup d’état de Bonaparte du « 18 brumaire » et la création du Consulat. Mais les anglais refusent l’accord et demande à Kléber de rendre les armes et de se constituer prisonnier. Kléber éclate de colère : « On ne répond à une telle insolence que par des victoires ; soldats, préparez-vous à combattre ». (Déclaration inscrite au bas de son monument Place Kléber à Strasbourg).
La bataille a lieu à Héliopolis.


BATAILLE D’HÉLIOPOLIS DE LÉON COGNIET (1837)

Deux divisions françaises, soit 11 000 hommes, font face à 60 000 (ou 45 000 suivant les sources) musulmans. Une fois de plus les carrés français font merveille et la cavalerie turque est rapidement décimée. Les Turcs perdent près de 9 000 hommes alors que les français comptent 600 tués ou blessés.
Au Caire, la population s’est révoltée croyant à une victoire des Turcs. Jean-Baptiste mettra un mois pour reconquérir la ville. Il convoque les cheiks et leur annonce qu’il les frappe d’une amende énorme de 10 millions de francs. Il les enferme et les fait bastonner jusqu’à ce qu’ils payent l’amende.
Ses triomphes récents vont faciliter son action de colonisation de l’Égypte. Il réorganise les finances, forme différents corps indigènes, rétablit l’ordre. Sa fidélité à sa parole avait gagné la confiance de chacun, la justice de son administration acheva leur soumission.
Nous sommes le 14 juin 1800, il terminait de déjeuner chez le général François-Étienne Damas, son chef d’état-major, parmi les invités quelques généraux et des membres de l’Institut. Vers deux heures, Kléber accompagné de Protain son architecte, se rend à son palais pour examiner les travaux en cours. Pour y parvenir, ils suivaient une longue galerie ombragée d’une épaisse vigne, qui reliait son palais à celui de son chef d’état-major.
Un jeune musulman surgit et s’approche de Kléber, s’incline devant lui comme pour embrasser sa main, se relève et porte un coup de poignard au général en chef de l’armée d’Égypte. Kléber s’écroule et baigne dans son sang. Protain engage une lutte avec l’assassin et reçoit six blessures avant de s’évanouir. L’assassin revient sur Kléber et le frappe à trois reprises. Les cris avaient attiré les convives et les gardes. Kléber ne peut parler, Protain revenu à lui, reconnu l’assassin qui s’était caché dans la végétation du jardin. Il est jeté en prison ainsi que trois ulémas complices de la grande mosquée du Caire. Kléber venait d’être assassiné par un étudiant kurde de 23 ans, nommé Soleyman el-Halaby. Jean-Baptiste Kléber avait 47 ans.

LE POIGNARD QUI SERVIT À TUER KLÉBER EST EXPOSÉ AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE CARCASSONNE. IL A ÉTÉ RAPPORTÉ PAR SON SECRÉTAIRE ANDRÉ PEYRUSSE ET OFFERT À LA VILLE PAR SON FRÈRE, LE TRÉSORIER DE NAPOLÉON, GUILLAUME PEYRUSSE.

 

Soleyman est condamné à avoir le poing brûlé jusqu’à l’os et à subir ensuite l’affreux supplice du pal, à vif. Ses complices auront la tête tranchée.
Le commandement est alors repris par le général Menou. Converti à l’islam et marié à une Égyptienne, il se fait appeler Abdallah-Jacques. Il aura la charge de liquider l’expédition d’Égypte.
La mort de Kléber embarrasse Bonaparte qui s’oppose à des obsèques nationales, il ne veut pas d’une sépulture en France. Au Caire, le médecin Larrey embaume le corps de Jean-Baptiste avant de le déposé dans un cercueil de plomb, disposé lui-même dans un cercueil de chêne. On l’enterre dans le carré militaire du fort Ibrahim-Bey. Ses restes seront plus tard déposés au château d’If, au large de Marseille. En 1818, le général, Damas, alors Pair de France, propose de transférer les restes de Kléber dans sa ville natale, Strasbourg, ce que Louis XVIII accepte. Il repose alors dans la cathédrale de Strasbourg avant d’être transféré dans un caveau construit au milieu de la place d’armes, au centre de la ville. En 1838, la place prendra le nom de Place Kléber. Au-dessus du caveau, une statue en bronze le représentant sera inauguré le 14 juin 1840, quarante ans, jour pour jour, après sa mort.
La dépouille sera encore déplacée par les Allemands lors de l’occupation pendant la Seconde guerre mondiale et inhumée au cimetière militaire de Cronenbourg. La statue sera enlevée et la place débaptisée. Après la Libération, la dépouille sera remise dans le caveau, la statue réinstallée et la place retrouve son nom, Place Kléber.

LA STATUE DE JEAN-BAPTISTE KLÉBER À STRASBOURG

Napoléon dira à Sainte-Hélène : « De tous les généraux que j’ai eu sous moi, Desaix et Kléber ont été ceux qui avaient le plus de talents ; pour Kléber ; courage, conception, il avait tout … Sa mort fut une perte irréparable pour la France et pour moi. C’était Mars en personne ». Napoléon avouera aussi : « Si Kléber fut rentré en France, il m’eût peut-être donné de l’embarras ».
Soleyman el-Halaby va connaître un destin posthume peu commun. Depuis plus de deux siècles, son squelette, comme d’autres, attend l’oubli éternel dans la pénombre des réserves du Musée de l’Homme, à Paris. Récupéré par le médecin-chirurgien Dominique-Jean Larrey, le squelette de l’assassin du général Jean-Baptiste Kléber, en 1800, se retrouve l’année suivante en France. Tout au long du XIXème siècle, il accompagne à sa façon le développement de la science, voyageant au rythme de cette dernière, du premier cabinet d’anatomie comparée du Muséum d’histoire naturelle, au Jardin des Plantes, à la première galerie d’anthropologie, puis à partir de 1937, Place du Trocadéro, face à la Tour Eiffel, au siège du nouveau Musée de l’Homme. Les os du squelette portent le numéro 3065, inscrit à l’encre noire.

Les derniers soldats de l’Armée d’Orient ne rentreront en France qu’en 1801, non sans autres faits d’armes signés Kléber et Desaix.