Un roi de France qui n’a jamais régné, absent des manuels d’histoire, mort jeune à cause d’un cochon qui divaguait dans les rues de Paris.
Né en 1116, il était le fils aîné de Louis VI, dit le Gros. À l’époque, les rois capétiens avaient pris l’habitude de désigner leur successeur et de le faire sacrer de leur vivant. Philippe est désigné comme héritier du trône à 4 ans, et sacré roi à 13 ans.
Philippe est très aimé, il est vif, intelligent et beau. Bien préparé pour son rôle de souverain et tout s’annonce pour le mieux. Mais en 1131, alors qu’il chevauche dans les rues de Paris avec ses compagnons, un cochon surgit sur son passage et se jette entre les jambes du cheval du jeune roi. Il était courant à l’époque d’élever des cochons dans les villes, les cochons divaguaient librement et se nourrissaient de tout ce qu’ils trouvaient.
Le cochon affolé déboule, le cheval se cabre et le cavalier chute et se fracasse le crâne. De plus, sa monture retombe sur lui et l’écrase. Le prince est ramassé par de pauvres gens qui vivent là et le porte dans une maison proche où il agonise. Nous sommes rue de Martoi, près de l’hôtel de ville de Paris. Il meurt le lendemain.
Il faut noter qu’au Moyen-âge, il était normal de jeter ses ordures dans la rue depuis sa fenêtre. Ce qui nourrissait cochons et autres animaux qui divaguaient librement. En 1372 il devient obligatoire de crier « Gare à l’eau » trois fois avant de jeter ses ordures par la fenêtre. Les rues de Paris, privées de pavage, étaient des bourbiers remplis d’ordures dont chiens et cochons en absorbaient une grande partie.
À la suite de ce drame, Louis VI défendit à tous les propriétaires de laisser sortir leurs pourceaux, sous peine de les voir confisquer. Interdiction renouvelée par Louis IX en 1261, puis par Charles V en 1369. En 1667, une nouvelle ordonnance faisait la même interdiction sous peine d’une amende de 200 livres et séjour aux cachots du Châtelet en cas de récidive. L’interdiction finit par avoir force de loi.
« GARE À L’EAU ! », « GARE À L’EAU ! », « GARE À L’EAU ! »
La mort de Philippe de France, causé par un animal honni par la bible, n’est pas seulement catastrophique ; elle est ignominieuse et elle souille la dynastie. Ce décès a eu plusieurs conséquences, dont l’accession au trône de Louis VII, frère cadet de Philippe, moins bien préparé que son frère au métier de roi et qui se destinait à entrer dans les ordres. Son divorce avec Aliénor d’Aquitaine a eu de désastreuses conséquences, étant à l’origine de la guerre de Cent Ans avec l’Angleterre. Mais aussi l’adoption des symboles de la pureté pour effacer la souillure de cette mort, c’est-à-dire la fleur de lys qui est associée à Marie ainsi que le bleu de sa robe.
Pourquoi cette fin fut-elle considérée à l’époque comme particulièrement ignominieuse ? Dans un premier temps, Philippe est mort sans recevoir les derniers sacrements, pour ses contemporains, c’est terrible. Ensuite, parce que l’animal qui a causé la mort du prince est un cochon, une bête impure, une des formes que prend Satan pour venir tourmenter les humains. Cet animal symbolise tous les défauts et péchés de l’homme : goinfrerie, saleté, colère, violence, luxure, qui se complaît dans la fange et ne répugne pas à se nourrir d’ordures.
Le malheureux prince sera oublié dans les pages de notre histoire.