1914 – PAPEETE

1914 – LA MARINE ALLEMANDE ATTAQUE PAPEETE.

Alors que les érudits de la chose historique se chamaillent depuis un siècle pour savoir si la Grande guerre fut mondiale ou continentale, un fait tente à démontrer que la guerre de 1914-1918 fut… MONDIALE.

image1
Polynésie française, Bora Bora, Tahiti,…Un rêve. Comment une région aussi éloignée, peuplée de gens souriants et sympathiques, pourrait-elle être confrontée à une guerre ? Et pourtant, la guerre de 1914-1918 a frappé cette région du monde. Encore une histoire méconnue qui ne figurera jamais dans nos livres d’Histoire.

Tahiti, éloignée de tout et surtout de la « Mère Patrie », était en 1914 un point de charbonnage important pour tous les navires à vapeurs du Pacifique. Un stock important de charbon y était entretenu en permanence.

Le 12 août 1914, la canonnière « Zélée », au mouillage à Raiatea, avait pris connaissance de la déclaration de guerre (l’Allemagne a déclaré la guerre à la France le 3 août) par l’intermédiaire des Anglais, la France avait oublié d’avertir les autorités de Polynésie. La « Zélée » était commandée par le lieutenant de vaisseau Destremau qui décide aussitôt de regagner Papeete à 220 km de là. En cours de route, il s’empare au passage du vapeur allemand le « Walküre » qui venait de charger des phosphates à Makatea et ignorait tout de la guerre.

En 1880, la Marine française avait fait équiper un fort sur les hauteurs de Papeete, avec une batterie d’artillerie de neuf canons. 25 ans plus tard, les neuf canons gisaient dans les herbes hautes, les affûts sous les plantes grimpantes. Pas d’entretient, pas d’artilleurs, loin dans le Pacifique…Que risque-t-on ?

image2La canonnière le « Zélée »

image3
Le « Zélée » et sa prise, le « Walküre » arrive à Papeete.

image4Le lieutenant de vaisseau Destremau.

Au même moment, l’escadre allemande du comte von Spee croisait en Polynésie. Elle comportait les croiseurs cuirassés « Scharnhorst » et « Gneisenau », le croiseur rapide « Nürnberg », deux croiseurs auxiliaires et huit charbonniers. Charbonniers vitaux pour ces gros consommateurs. Bien qu’ayant une capacité de soute de 2 000 tonnes, « Scharnhorst » et « Gneisenau » n’avaient que 4 jours ½ d’autonomie à 20 nœuds.

Les radios de Yap (Caroline) et d’Apia (Samoa) n’émettaient plus, von Spee avait compris que ces archipels n’étaient plus sous contrôle allemand. Il se présente néanmoins devant Apia où il constate que le drapeau Néo-Zélandais flotte sur la ville. Il s’éloigne donc ; mais de fait, il vient de dévoiler sa présence dans les parages.

Les cuirassés jumeaux :

image5
Le Scharnhorst

image6

Et le Gneisenau

Destremau n’a plus de temps à perdre. En cinq jours, il va organiser la défense de l’île de Tahiti. Avec l’aide de Tahitiens emmenés par l’enseigne de vaisseau de réserve Octave Morillot (artiste peintre qui vit depuis huit ans en Polynésie), il va monter une partie de l’artillerie du « Zélée » vers l’emplacement des anciennes batteries, le mont Faiere. La pièce de 100 provenant de l’arrière du « Zélée » demande un effort extraordinaire. Quatre canons de 65 viennent compléter la batterie.

Le 22 septembre, les navires allemands se présentent devant la passe de Papeete. A 200 m du récif de corail, ils essuient trois salves de la batterie de Destremau. Surpris, les Allemands se mettent hors de portée des canons de l’île et profitant de leur supériorité (12 pièces de 210 et 12 de 150) tirent plusieurs salves vers la forêt. Puis, ils se présentent de nouveau.

Destremau saborde alors le « Walküre » capturé quelques jours auparavant, pour obstruer la passe. Il met également le feu au dépôt de charbon. La batterie de l’île reste habilement silencieuse ce qui met un doute dans l’esprit de von Spee qui craint un piège. Le charbon est en feu, il ne veut pas perdre bêtement un navire en insistant. C’est alors qu’il ouvre le feu sur la ville.

image7Les obus des deux cuirassés embrasent Papeete. Deux obus touchent également le « Zélée » qui coule pavillon haut. Après leurs tirs destructeurs, les navires allemands font demi-tour et s’éloignent.

Face à une puissante escadre ennemie, la détermination d’un simple lieutenant de vaisseau a sauvé Tahiti. Mais un tiers de la ville est en cendres, deux civils sont tués, un Chinois et un Maori. Aventure surprenante à l’autre bout de la Terre, mais les deux morts de Tahiti seront vengés le 8 décembre suivant par…les Anglais. Au cours de la bataille navale des Falkland, le « Scharnhorst » sera coulé et le « Gneisenau » se sabordera.

Injustement dénigré par les autorités civiles de Tahiti, le brave lieutenant de vaisseau Destremau, décédé en mars 1915, recevra la Légion d’Honneur à titre posthume.

image8
image9

Quelques photos du bombardement de Papeete.

image10C’était le 22 septembre 1914. En France métropolitaine, le même jour et à 20 000 km de là, Alain Fournier, écrivain, lieutenant au 276° R.I. est tué au combat.