QUAND LES POLITIQUES FABRIQUENT…

QUAND LES POLITIQUES FABRIQUENT L’HISTOIRE DES DEUX CÔTÉS DU RHIN

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Ce n’est pas par chauvinisme que je vais commencer ce récit par notre héros national, Vercingétorix, héros de la rive gauche du Rhin, mais plus simplement, en respectant la chronologie historique des faits. Je franchirai pacifiquement le Rhin, pour vous parler de son collègue, le héros de la rive droite du même fleuve : Hermann der Cherusker.

LE CAS VERCINGÉTORIX.

1870/71 – Napoléon III vient de perdre la guerre contre la Prusse. La France est à genoux, endettée, la Commune a aggravé le désordre et la division dans le pays. Le moral est au plus bas.

Parler de Vercingétorix en démarrant par la guerre franco-prussienne de 1870 peut étonner et pourtant…Les dirigeants politiques français de l’époque vont faire de grandes réformes, l’armée et ses chefs bien sûr, mais aussi l’école. Le gouvernement voulait faire de chaque enfant un futur soldat, capable de défendre son pays et surtout motivé par le sentiment de victoire (création des Bataillons scolaires en 1880). Il fallu donc trouver un modèle.

Il était impossible de choisir un roi, la République ne voulait pas créer un courant royaliste. Il n’était pas question de prendre pour modèle un Napoléon 1ier ou un Napoléon III, il ne fallait pas encourager l’impérialisme chez les jeunes. Pas question de prendre comme modèle un révolutionnaire, la Révolution française ayant dégénéré en massacre en 1790. Restait Jeanne d’Arc, mais l’Eglise et les Républicains rivalisaient pour s’accaparer son histoire. Les dirigeants décidèrent alors de remonter le temps, très loin, pour trouver…un Arverne, Vercingétorix.

La France de l’époque n’était pas un pays unifié, n’avait pas de roi ; elle était peuplée par une multitude de tribus que nous appelons aujourd’hui les Gaulois ; autre erreur de l’Histoire. 150 ans plus tard, cette fausse idée, répandue en France et dans nos colonies du moment, est toujours présente dans l’esprit de nos compatriotes.

Ensuite, la République des instituteurs en blouse grise, l’a façonné à l’image voulue par l’Etat. Vercingétorix apparaît très vite dans la mémoire collective, comme une force tranquille qui a plié devant César, certes, mais ne s’est pas humilié. Les républicains, traumatisés par la débâcle de 1870 ont seulement recherché à faire un parallèle entre « Gaulois-Romains et Français-Prussiens ». M. Christian Amalvi (Dialogue d’histoire ancienne) a très bien décrit l’état d’esprit de ce moment d’Histoire : « Derrière cette belle image d’Epinal, qui fleure bon « l’encre violette », le cartable neuf, le tableau noir et les feuilles mortes de la rentrée des classes, et à laquelle son caractère naturel conférait un aspect intemporel, se profile en fait un des mythes fondateurs les plus difficiles à cerner… ».

Pour qui veut étudier l’époque « Gauloise », le mythe gaulois se révèle être un chemin tortueux dans tous les domaines d’étude. C’est un mélange d’ambiguïtés et de contradictions qui mènent à des « certitudes » ancrées définitivement dans la mémoire collective.

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Pour qui veut se donner la peine de trouver sur une carte, la tribu des Gaulois, il en sera pour ses frais. Une multitude de tribus indépendantes les unes des autres, aucune unité, des chefs, plein de chefs…Il faut entendre Gaule comme France, Gaulois comme Français. Globalement, nous sommes convaincus que nos ancêtres étaient Gaulois ; mais en fait, ils étaient également Romains, Phocéens, Wisigoths, Francs, Huns…La liste n’est pas exhaustive, tellement de fois que notre pays a été envahi.

A propos d’invasions ; en – 58, César décide d’intervenir pour empêcher les Germains d’Arioviste de menacer la paix en Gaule, le bat en Alsace, près de Mulhouse, et fixe pour des siècles la frontière entre Gaulois et Germains sur le Rhin. Ceux-ci ne peuvent plus franchir le fleuve pour s’établir en Gaule sans l’aval de Rome. Dommage que Rome ait sombré, nous aurions pu éviter la guerre de 1870/71, 1914/18, 1939/45.

En 58 av JC, le gouvernement de la Gaule occupée est confié à Jules César. Durant six ans, César va tenter d’étendre la domination de Rome sur l’ensemble de la Gaule. Au début, l’avance romaine est assez facile du fait de la division des tribus qui n’avaient même pas de langue commune, qui se faisaient continuellement la guerre entre eux. César en profite et son avance est rapide jusqu’au jour où…

Un jeune guerrier de la tribu des Arvernes, Vercingétorix, parvient à unir plusieurs tribus pour se rebeller contre les envahisseurs romains. En 52 av JC, les tribus unifiées écrasent les légions romaines à Cénabum (Orléans, tiens, tiens, déjà, et bien avant Jeanne d’Arc). Vercingétorix se fait élire chef des tribus unifiées. Mais, finalement, notre héros doit se replier sur la colline d’Alésia où César l’encercle avec ses troupes durant plus d’un mois. Finalement, Vercingétorix se rend pour épargner ses hommes.

César enverra son captif dans un cachot à Rome où il dépérira durant sept ans avant d’être supplicié lors du triomphe de César à Rome.

Voici donc, succinctement, l’histoire d’un héros dont on ne parlait plus depuis 19 siècles. L’image de « nos ancêtres les Gaulois » a longtemps constitué un enjeu idéologique et identitaire de poids via les livres scolaires. Les régimes politiques successifs de la France ont toujours admis la thèse suivante : « La France n’a pas de frontière « ouverte » qu’au nord-est. Dangereusement ouverte, quand l’Allemagne est maîtresse de la Rhénanie… ». Aussi, la France comprit depuis longtemps que sa sécurité exigeait la garde militaire du Rhin. César, Charlemagne, les rois de France, Richelieu, les Conventionnels, Napoléon, Foch, Maginot…Les temps ont changé, mais les Français d’aujourd’hui sont toujours aussi râleurs, divisés politiquement…des Gaulois comme le désiraient les politiques de 1871.

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Vercingétorix se rendant à César

Dans son récit « La guerre des Gaules » César nous fait part de ses difficultés à envahir les territoires des Germains.

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Hermann der Cherusker

Si les Romains n’avaient pas réussi à envahir la Germanie, ils avaient néanmoins créé bon nombre de cités sur la rive gauche du Rhin, comme Trèves et Cologne. En l’an 9 de notre ère, l’empereur Auguste veut en finir avec les Germains. Il demande à Varus, à la tête de 20 000 hommes, d’envahir la rive droite du Rhin et de progresser vers le nord de la Germanie.

Mais voilà, un jeune trouble fête va contrecarrer le désir de conquête d’un empereur et ternir la gloire des légions romaines. Ce jeune guerrier porte un nom latin ; Arminius. C’est le fils d’un germain de la tribu des Chérusques. Le père, germain « assimilé », l’a expédié dans une école d’officiers à Rome afin de l’éduquer et le former. Le jeune Arminius a un commandement et participe à la campagne. Face aux exactions des troupes romaines de Varus, ses origines reprennent le dessus et il redevient Hermann le Chérusque. Il fédère les guerriers germains et inflige une sévère défaite à Varus qui est contraint de stopper sa progression.

L’armée romaine est massacrée en l’an 9 de notre ère et tout comme pour la bataille d’Alésia, les historiens ne sont pas d’accord sur le lieu exact de cette victoire historique. Est-ce la sombre forêt de Teutoburg où au nord-ouest d’Osnabrück ? Une chose est certaine ; après la défaite, l’empereur Auguste s’écria en pleurant : « Varus ô Varus, rends-moi mes légions ».

Sept ans plus tard, Hermann sera finalement vaincu par Germanicus, sans doute le meilleur stratège que Rome ait eu, et le guerrier chérusque tombera dans l’oubli ……jusqu’au XIX° siècle, quand l’Allemagne aspire à son unité. On se souvient alors de ce héros, on oublie son nom latin pour se souvenir d’Hermann, plus germanique. En 1875, après plusieurs années de travaux, on lui érige un monument de plus de 53 mètres de haut, le Hermannsdenkmal, près de Detmold, en Westphalie.Jacky - Politiuques 5

Germania (la Marianne allemande) devant son héros Hermann (le Vercingétorix de l’autre rive du Rhin)

Si tous les petits français connaissent l’histoire de Vercingétorix, héros national toujours en service il n’en est pas de même en Allemagne aujourd’hui. Bien peu d’Allemands sont capables d’associer quoique ce soit avec le nom Hermann qui est pourtant parvenu à détruire des légions entières de Romains.