CAFÉ CRÈME ET CROISSANTS S.V.P !…

image1Quand vous demandez un café crème avec croissants au garçon de café, vous ne vous imaginez pas l’aventure et l’histoire de ce petit plaisir matinal. Nos amis touristes, et principalement britanniques, dégustent sur les terrasses ce breuvage et cette viennoiserie continentale, avec délectation. Ils pensent que le french breakfast est bien de chez-nous ; or…

 ORIGINE ET EXPANSION.

Le caféier est connu depuis le VII°s. Originaire d’Ethiopie, le café n’entamera la conquête du monde que vers la fin du XV°s. par l’intermédiaire des pèlerins musulmans qui se rendent à La Mécque. Le café va principalement se répandre au Yémen et en Arabie. Vers 1690, les marins hollandais introduisent les premiers plants de caféier en Ceylan (actuel Sri Lanka) et en Inde. Ils rapportent des plants de l’île de Java vers l’Europe où ils seront cultivés dans les serres du jardin botanique d’Amsterdam. Quelques plants seront offerts au roi de France, Louis XIV, qui les confiera aux botanistes du Jardin du Roi. De là, le caféier sera introduit dans nos colonies antillaises d’où la France pourra s’approvisionner librement. La culture du café se diffusera ensuite dans toute l’Amérique latine. Au XIX°s., les dirigeants colombiens tentent d’encourager la production de café, mais c’est un échec. En effet, il faut cinq ans au caféier pour donner sa première récolte ; il faut par conséquent avoir les moyens de survivre en attendant. C’est grâce à un prêtre, Francisco Romero, qui officie dans le petit village de Salzaar, que le problème va être résolu. Au lieu d’infliger quelques aves et pater à ses ouailles, après la confession, il leur impose comme pénitence de planter trois, quatre ou cinq pieds de caféiers. L’évêque apprécie la trouvaille et ordonne la pratique générale de cette « pénitence ». La Colombie doit certainement l’abondance de ses récoltes de café aux nombreux péchés de ses aïeux.

PREMIERS AMATEURS DE CAFÉ.

Au milieu du XVI°s., on consomme du café en Egypte, en Syrie, en Perse et en Turquie. On sait que deux Syriens, en 1555, nommés Shems et Heleem, ouvrent le premier débit de café à Istanbul. Au même moment, les guerriers turcs de Soliman le Magnifique font connaître leur boisson aux peuples des Balkans et d’Europe centrale, puis d’Afrique du Nord et d’Espagne. Mais le goût et les arômes vont s’améliorer grâce à deux moines d’une abbaye du Yémen, Sciadli et Aydrus, qui sont chargés de la récolte du café. Par un après-midi d’orage, ils reviennent avec leur récolte entièrement trempée. Pour faire sécher les grains, ils les placent dans la grande cheminée de la salle commune où brûle un bon feu. Puis, ils se rendent à la prière. Lorsqu’ils reviennent, les grains sont plus que secs ; ils sont rôtis mais une odeur très agréable se dégage dans la pièce. Les deux moines venaient de découvrir le principe de la torréfaction.

L’EUROPE ET LE CAFÉ.

image2Au milieu du XVI°s. le café part de Turquie à la conquête de l’Europe. Il arrive dans un premier temps à Venise, mais ce n’est qu’une curiosité. Dans la première moitié du XVII°s., la boisson est connue à Marseille, puis la consommation s’étend lentement en Italie, en France, en Angleterre et en Allemagne. En 1669, l’ambassadeur de l’Empire ottoman à Paris, Soliman Aga, fait connaître les subtilités de ce breuvage à la haute société parisienne, mais sans véritable succès. Mais un événement va être déterminent ; pour la seconde fois, Vienne est assiégée par une armée turque commandée par Kara Mustapha Bassa, dit « Mustapha le Terrible ». En septembre 1683, Vienne est sur le point de tomber aux mains des Turcs. Une armée chrétienne se dirige vers la cité assiégée, mais pour intervenir efficacement, l’armée de l’archiduc de Lorraine a besoin de renseignements sur les positions et sur l’armement adverse.

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 Le siège de Vienne du 14 juillet au 12 septembre 1683. A ne pas confondre avec le premier siège en 1529.

Le commandant de la cité assiégée est le comte Ernest Rudiger Starhemberg ; il tente depuis plusieurs nuits de faire passer un messager à travers les lignes ennemies. A chaque fois les Turcs les interceptent et tranchent la gorge des malheureux messagers. Un soir, un jeune noble polonais du nom de Franz Kolschitzky, âgé de 23 ans, propose ses services. Il parle le turc et a vécu à Istanbul pendant dix ans, il pense pouvoir traverser les lignes ottomanes, habillé à la turque, accompagné de son valet, Georges Mikalowski. Il arrive à passer et à rejoindre Charles de Lorraine. Fort de ces informations, l’archiduc attaque les Turcs et les mets en déroute. En fuyant, ces derniers abandonnent canons, munitions et vivres dont cinq cents sacs de café. Kolschitzky est fêté en héros et décoré. On lui offre la nationalité autrichienne et les cinq cents sacs de précieux café et, bien sûr, l’autorisation d’ouvrir un débit de café qu’il appellera « Zue Blaue Flasche » (la Bouteille Bleue). Il y faisait un café comme il avait appris à Istanbul ; une décoction bouillie à l’eau. Mais les Viennois n’appréciaient pas cette boisson forte et acre. Son affaire marchait mal. Il eut alors l’idée de filtrer son café, d’y ajouter une cuillère de crème et une cuillère de miel. Le succès fut immédiat et son établissement ne désemplissait plus. Pour relancer l’intérêt de ses clients, il demande à l’un de ses amis pâtissiers, Peter Wender, d’imaginer un cake spécialement pour lui. L’idée qui émerge de leurs discutions et de donner une forme de croissant à cette pâtisserie, comme sur le drapeau des Turcs vaincus.

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 Statue de Frantz Kolschitsky.

 C’est ainsi que naquit le Kippel que nous appelons aujourd’hui des « viennoiseries ».

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