PIERRE DUPONT, CHEF DE MUSIQUE DE LA GARDE RÉPUBLICAINE
Le 31 juillet 1931, la sonnerie « Aux Morts » est jouée pour la première fois sous l’Arc de Triomphe, à l’occasion du ravivage de la Flamme du Souvenir, devant le ministre de la Guerre de l’époque, André Maginot. Cette sonnerie va devenir réglementaire et on l’entend depuis 92 ans à chaque cérémonie devant nos monuments « Aux Morts », elle est même rentrée dans la mémoire collective des Français.
Cette sonnerie a été composée par un chef de musique de la Garde Républicaine, Pierre Dupont.
Mais qui était Pierre Dupont ? Encore un oublié de notre Histoire.
Pierre Dupont est né le 3 mai 1888 à Saint-Omer. Jeune flûtiste à l’École Nationale de sa ville natale, il part ensuite au Conservatoire de Paris en 1905. Il choisit la carrière militaire et devient soliste au sein de la Musique d’Artillerie de Versailles en 1907. Le voici lancé vers les sommets et en 1927 il devient Chef de la Musique de la Garde Républicaine. Il sera le premier Chef de Musique à obtenir le grade de chef d’escadron (commandant), le 25 mars 1931.
Dédicace figurant sur la partition remise au général Gouraud par le commandant Dupont.
C’est un novateur, il tient à sortir des traditionnelles marches militaires pour toucher un large public et compose et fait des arrangements tel que le « Boléro » de Maurice Ravel que ce dernier dirige lui-même lors d’un concert de la Musique de la Garde, en 1931. Beaucoup d’œuvres ne sont pas composées pour un orchestre d’harmonie, Pierre Dupont va écrire d’innombrables transcriptions afin de pouvoir jouer ces morceaux.
En 1929, la TSF diffuse, en direct, le premier concert de la Musique de la Garde. De multiples enregistrements sont réalisés et obtiennent Le Grand Prix du Disque. L’orchestre de la Garde fait des tournées en France et à l’étranger. Les festivals de musique militaire prennent de l’ampleur en France comme pour l’inauguration du beffroi de Lille (15 octobre 1932), mais également en Angleterre et en Belgique. La Musique de la Garde est devenue une ambassadrice de la France dans le monde.
Très proche de ses musiciens, il a réussit à améliorer leur situation matériel. Il a aussi participé à la fondation de la Société Amicale et d’Aide Mutuelle des Artistes Musiciens de la Garde Républicaine.
Mais des évènements vont changer le destin de la Musique de la Garde. Le 11 juin 1940, le commandant Dupont préserve ses archives et les instruments de musique en les envoyant à Montluçon. Le 13 juin, veille de l’entrée des troupes allemandes dans Paris, la Musique de la Garde reçoit l’ordre d’évacuation sur Châteauroux puis Bordeaux, avant de rejoindre le gouvernement à Chamalières. En septembre, la Musique de la Garde est incorporée à la « Légion de la garde personnelle du chef de l’État » à Vichy.
Situation difficile pour les musiciens. Ils donnent des concerts radiophoniques à raison de 50 minutes par semaine en 1941, 30 minutes en 1944. Quelles responsabilités pourraient avoir la Musique de la Garde dans le régime de Vichy ? A la Libération, les autorités mises en place vont dissoudre la Garde personnelle le 9 septembre 1944, et donc la Musique. Pierre Dupont et ses musiciens retournent à Paris libérée, la musique reprend son nom et le chef de Musique reprend la direction de son orchestre.
Pierre Dupont a payé pourtant par sa seule présence à Vichy, il n’a eu aucune responsabilité au sein de ce régime. Il n’a fait que de la Musique, la politique n’était pas son fait. Son crime : obéir aux ordres de repli, son infamie, faire de la musique durant le régime de Vichy, son déshonneur, monter en grade durant cette période (grade confirmé à la Libération).
Le lieutenant-colonel Pierre Dupont quitte ses fonctions le 18 novembre 1944 de part sa limite d’âge (56 ans). Il faut signaler qu’il avait obtenu la Croix de Guerre 14/18 pour une action d’éclat au front. Il était alors chef de musique au 67ème régiment d’infanterie. Une fois civil, il prend la direction de l’harmonie de Courrières et la vice-présidence de la S.A.C.E.M. Il meurt à Surenes le 18 septembre 1969.
Un tambourin et des clairons, c’est tout. Pierre Dupont a volontairement composé la sonnerie la plus simple et la plus émouvante possible. Écoutons-la ensemble :