LA FRANCE ÉQUINOXIALE

MAIS QUÉSACO ?

BLASON PROPOSÉ AU JEUNE ROI LOUIS XIII POUR SON NOUVEAU ROYAUME DE LA FRANCE ÉQUINOXIALE

Le terme « équinoxiale » est le terme consacré à la durée égale du jour et de la nuit sous ces latitudes (Guyane) et tout au long de l’année.

1612, port de Cancale, en Bretagne, l’amiral François de Razilly et un capitaine de la marine française, Daniel de la Touche, partent pour une expédition de découverte vers la Guyane, qu’on appelait alors la France équinoxiale. Il y a aussi une volonté de colonisation puisque 500 colons sont à bord. Il crée Fort Saint-Louis, aujourd’hui Sǎo Luis, capitale de l’État brésilien de Maranhǎo. Daniel de la Touche avait déjà découvert cette région en 1604, mais la mort d’Henri IV en 1610 avait reporté le projet de colonisation de cette région. La colonie ne subsistera pas très longtemps, en 1615, les Français sont chassés par les Portugais.

En 1638, Richelieu décide de coloniser les territoires plus au Nord. En 1643, Charles Poncet de Brétigny, qui a obtenu une concession du roi Louis XIII, rejoint les premiers colons de 1626 et s’installe sur le site qui va devenir Cayenne en 1645. C’est seulement en 1674 qu’un gouverneur  sera nommé, la France équinoxiale devient une réalité.

L’origine du mot Cayenne a évidement sa légende.  Le roi Cépérou, chef des Galibis, avait un fils du nom de Cayenne, ce dernier aimait passionnément la princesse Bélem. Il fit appel à un sorcier du nom de Montabo,  pour l’aider à conquérir le cœur de la princesse. Cayenne put franchir, monté sur un taureau, une immense rivière aux eaux tumultueuses. Il put ainsi rejoindre Bélem et l’épouser. Cépérou décida alors que le village au pied de sa colline s’appellerait Cayenne.

Moins romantique, au XVIIème siècle, dans la marine, une caïenne était un réchaud sur lequel on faisait la cuisine. A chaque escale, le capitaine faisait débarquer la caïenne pour cuisiner le produit de la chasse et de la pêche. L’équipage pouvait avoir des vivres frais. Par extension, Caïenne signifiait un lieu où l’on pouvait se reposer des rigueurs de la mer. Les dépôts de vivres dans les ports  comme Brest et Rochefort, se sont appelés caïenne.

LA COLLINE DE CÉPÉROU ET LE FORT SAINT-MICHEL

Christophe Colomb avait longeait les côtes guyanaises en 1498. Les amérindiens originaires d’Amazonie arrivent à la fin du IIIème siècle et s’installent sur le littoral. Ce qui va devenir Cayenne, connaîtra une première tentative de colonisation dès 1539, mais ce n’est qu’en 1643 que débutera véritablement l’histoire de la ville de Cayenne.

Au total, le capitaine Daniel de La Touche, sieur de La Ravardière, 1200 colons s’installent en Guyane. L’amiral Charles Poncet de Brétigny en ramènera 400 autres en 1643. Ce dernier débarque dans l’anse d’Armire, qui deviendra la ville de Rémire-Montjoly. C’est lui également qui va acquérir le « morne Cépérou », butte qui offre une grande visibilité. L’amiral y ferra construire un fort ou il s’installe avec 1200 hommes. Deux ans plus tard, Poncet de Brétigny meurt. En 1648, il ne reste plus que 25 colons français. Dès 1652, Cayenne fait l’objet d’affrontements entre les différentes puissances coloniales. Français, Anglais, Portugais et Hollandais occuperont à tour de rôle Cayenne.

La première population d’origine africaine à Cayenne est constatée au début des années 1650 et de la création en 1651 de la compagnie de Paris, chargée par le roi de développer la culture de la canne à sucre. Ces africains venaient de la Barbade anglaise.

Pendant que les Anglais et les Hollandais se disputent pour le commerce du sucre, les Français organisent deux expéditions, une avec Huet de Navarre de la Compagnie de Rouen et ancien capitaine de Poncet. L’autre, par la Compagnie de Paris, avec les sieurs Balthazar Le Roux de Royville et Du Plessis. Les colons seront rapidement décimés par les fièvres et les combats avec les Indiens Galibi. Les survivants vont fuir vers le Surinam.

De 1654 à 1676, c’est un va-et-vient entre Hollandais, Portugais et Anglais pour la possession de la Guyane avec en arrière plan une lutte pour acquérir le plus grand nombre d’esclaves pour l’exploitation de la canne à sucre.

La reprise de Cayenne par l’amiral d’Estrées se fera en 1676. En octobre, l’amiral avait appareillé de Brest avec quatre vaisseaux de cinquante canons et quatre frégates armées, comprenant 400 hommes. Le navire amiral était «  le Glorieux », avec « le Fondant », « le Laurier », « le Soleil d’Afrique », « l’Intrépide », « le Marquis », « la Friponne » et « la Fée ». Le 21 décembre, ils vont reprendre Cayenne de nuit.

En 1713, par le traité d’Utrecht, on considère le fleuve Maroni comme frontière ouest de la Guyane française. Par ce traité, le roi Louis XIV abandonne le bassin de l’Amazone aux Portugais, la difficulté à fixer les frontières en Amazonie va être la source de disputes durant deux siècles. La France et le Portugal ne cessent de rechercher l’extension de leur territoire respectif par l’installation de comptoirs commerciaux, de missions religieuses ou de postes militaires. Ce n’est qu’en 1900, par un arbitrage Suisse que les frontières seront fixées.

Vers 1750, de nombreux Amérindiens s’installent sur le territoire. En 1762, les Jésuites sont expulsés de Guyane sur ordre de Louis XV. Le ministre français Choiseul veut tenter une nouvelle colonie de peuplement. Choiseul ignore tout de la Guyane, de son climat et des fièvres, de plus, rien n’a été préparé pour l’accueil des colons. Ce sera un échec.

En 1764, une campagne de propagande menée en Alsace et en Lorraine conduira  environ 15 000 Français dont 12 000 Alsaciens et Lorrain, vers les savanes de l’Ouest guyanais. Ils embarquent à Rochefort. Après la perte du Québec, Choiseul veut une présence française en Amérique, il s’imagine la Guyane comme un paradis luxuriant, mais il a une méconnaissance totale du terrain. Les colons, dont beaucoup sont déjà malade suite à un long voyage sur des bateaux surpeuplés, débarquent à Kourou en pleine saison des pluies et dans les marais. 12 000 colons vont mourir dans l’année, de dysenterie, fièvre jaune, paludisme … Cette nouvelle expédition est un échec, une soixantaine de familles de survivants se réfugient sur un petit archipel en face de Kourou, baptisé « île du Salut » pour l’occasion, avant un retour hypothétique vers la métropole.

Un gouverneur compétent est enfin nommé en 1776, Pierre-Victor Malouët. Il entreprend un programme de réforme pour l’agriculture et l’aménagement du territoire. La Guyane va connaître une période de relative prospérité jusqu’à la Révolution française.

LES ÎLES DU SALUT (L’ÎLE ROYALE, L’ÎLE SAINT JOSEPH ET L’ÎLE DU DIABLE)

À partir de 1792, la Révolution française va faire de Cayenne un lieu de déportation pour les prêtres réfractaires et les ennemis politiques. Un premier bagne est implanté à Sinnamary. Jusqu’en 1805, la Guyane sera un lieu de déportation pour les opposants politiques aux différents régimes qui se succèdent en France. En 1794, la République Française abolit l’esclavage, elle va remplacer les esclaves par les prêtres Français et Belges déportés. C’est le conventionnel André Pomme, premier député de Guyane, qui est à l’origine de ces déportations. L’arrêté du 7 décembre 1802, présumé du consul Cambacérès, rétablit l’esclavage pour ceux qui n’ont pas été affranchis, sous une forme déguisée, « la conscription de quartier ». Une partie de la population noire refuse  et s’enfuit en forêt, privant de fait la main-d’œuvre nécessaire à l’économie locale. Ces personnes prennent le nom de Marrons et s’installent sur les berges d’un fleuve qui prendra le nom de Maroni.

En 1809, les forces portugaises venant du Brésil occupent la Guyane, en représailles à l’invasion française du Portugal par Napoléon 1er. Occupation qui ne perturbe pas la vie locale. Les Portugais se retirent en 1814, après la première abdication de Napoléon 1er.

À partir de 1828, les sœurs de Saint-Joseph de Cluny, sous l’impulsion de la mère Anne-Marie Javouhey, rachètent des esclaves pour les libérer. Le député Victor Schœlcher va soutenir l’action des religieuses qui aboutira au décret du 27 avril 1848, confirmé par la Constitution du 4 novembre 1848, à l’abolition de l’esclavage. Ce décret-loi concerne près de 13 000 personnes sur les 19 000 habitants de la Guyane.

La loi nouvelle sur l’abolition de l’esclavage implique que tout esclave touchant le sol français est déclaré libre. Conséquences immédiat, fuite massive des esclaves du Brésil voisin.

Les Brésiliens vont réagir, ils entrent en territoire français, à Mapa, pour récupérer 200 esclaves en fuite, ce qui réanimer les différents entre la France et le Brésil sur les limites de territoire. Deuxième problème, le départ de la main-d’œuvre servile et donc de l’économie de la Guyane. Napoléon III décide en 1852, la déportation des forçats vers la Guyane et dans le même temps, des coolies originaires des Indes et de Chine sont recrutés sous contrat.

ESCLAVES DANS UNE EXPLOITATION DE CANNES À SUCRE

MONUMENT SCHOELCHER À CAYENNE

À partir de 1854, Napoléon III va faire construire les bagnes de Cayenne, des îles du Salut et de Saint-Laurent-du- Maroni (1858). Saint-Laurent-du-Maroni va devenir le centre administratif des bagnes de Guyane. 90 000 hommes et 2 000 femmes y seront envoyés. Plus d’un tiers des détenus meurt en Guyane.

DÉPART POUR LE BAGNE

 

APPEL APRÈS CHAQUE ACTIVITÉ

En 1855, un dénommé Félix Couy découvre un site aurifère sur un affluent de l’Approuague. Des tonnes d’or sont extraites de la rivière Inini, un affluent du Maroni. C’est la ruée vers l’or.

EXPLOITATION AURIFÈRE DANS UNE RIVIÈRE

Qui dit or, dit conflit. En 1861, la France et la Hollande se disputent le territoire richement aurifère du cours supérieur du Fleuve Maroni. La contestation sera arbitrée par le tsar de Russie au détriment de la France qui va perdre un territoire de 25 000 km², riche en minerais d’or.

La délimitation de la frontière entre la Guyane et le Brésil était restée très vague depuis la création de la colonie française. La France prétendait que le fleuve Amazone constituait la limite territoriale du Sud de la Guyane, le Brésil prétendait que c’était l’Oyapock. Cette fois-ci, se seront les Suisses qui vont arbitrer le litige. Une fois de plus, la France va perdre 260 000 km² de territoire.

La découverte en 1894 d’immenses gisements d’or dans cette zone contestée va mettre le feu aux poudres. Les Brésiliens y avaient installé de nombreux aventuriers et d’anciens soldats prospecteurs sans le moindre contrôle, afin de décourager les Français. À cette époque les aventuriers Français et Brésiliens proclament l’indépendance de ce territoire : la république de Counani était née.

En mai 1895, le capitaine Trajane, représentant de la France à Counani, est pris en otage par des aventuriers Brésiliens et conduit à Mapa. Un détachement militaire français dépêché de Cayenne fait mouvement vers Mapa. Lors des négociations, le détachement français tombe dans une embuscade, le capitaine d’infanterie de marine Lunier ainsi que six de ses hommes furent tués.

Le sacrifice de ces hommes ne servit à rien, le 1er décembre 1900, le Conseil Fédéral Helvétique chargé d’arbitrer le différent franco-brésilien accorde la totalité du territoire contesté au Brésil.

A la même époque, viennent s’installer en Guyane des Libanais et des Chinois de Formose (Taïwan), de Singapour et de Chine continentale.

Au XXème siècle, après l’éruption de la montagne Pelée, le 8 mai 1902, qui a détruit la ville de Saint-Pierre en Martinique, tuant 28 000 personnes en quelques minutes, de nombreux Martiniquais se réfugient en Guyane.

En 1902 également, nouveau conflit entre les Pays-Bas et la France qui se disputent le territoire du cours supérieur du Lawa. En 1935, un accord est trouvé, cette fois-ci à l’avantage des Français qui récupèrent une zone de 6 000 km², très riche en minerais d’or.

Entre 1910 et 1930, c’est l’apogée de la ruée vers l’or. Plus de 10 000 chercheurs écument la forêt guyanaise, entraînant la croissance du commerce local mais aussi la fermeture des dernières grandes plantations.

À partir de 1923, une vaste campagne d’opinion menée par Albert Londres, le député de la Guyane Gaston Monnerville et de nombreux journalistes, aboutit en 1938 à une loi mettant fin au bagne et en interdisant de nouvelles déportations. Les peines de travaux forcés sont abolies dans le droit pénal français. La fermeture définitive du bagne n’aura lieu qu’en 1946, et les derniers rapatriements se feront le 1er avril 1953. La fermeture du bagne aura un impact important sur l’économie locale et va entraîner un dépeuplement.

En 1938, une commission franco-néerlando-brésilienne va déterminer les limites entre les territoires français, surinamais et brésilien.

Au cours de la Seconde guerre mondiale, la Guyane était restée sous l’autorité de Vichy jusqu’en 1943 où elle rallie la France combattante. En 1946, la Guyane va devenir un département français, le département aura beaucoup de peine à décoller économiquement. En 1961, la population va atteindre 33 000 habitants.

Après la guerre d’Algérie, il faut trouver un nouveau site spatial français, pour remplacer celui de Colomb-Béchar. Le général de Gaulle prendra la décision de construire en Guyane le Centre Spatial Guyanais (CSG) en 1964. Une aventure spatiale française avec le lancement de sondes, « Véronique », « Diamant B », puis européenne avec le lanceur « Europa II » puis le programme « Ariane », immense succès commercial et mondial.

Le 9 avril 1968, date du lancement de la première fusée-sonde « Véronique » et depuis cette date le CSG a réalisé plus de 500 lancements à partir de Kourou, dont plus de 160 lancements « Ariane » (le premier, le 24 décembre 1979). Le premier vol commercial d’Ariane a lieu le 10 décembre 1999.

Désormais, le niveau de vie de la Guyane surpasse largement celui de cette région du monde et cela provoque des mouvements migratoires des pays voisins en crises économiques et sociales, comme Haïti, le Suriname et le Brésil. En 2017, la population de la Guyane était de 268 700 habitants.

La population amérindienne est estimée entre 6 000 et 9 000 personnes, dont la majorité vit dans des zones protégées à l’accès strictement réglementé. Cette population se divise en six groupes, les Kalina (anciennement Galibis), et les Wayana de langue Caribe, les Palikur et les Arawak, de langue Arawak, les Wayampi (ou Oyampis) et les Tekos anciennement appelés Emerillons, de langue tupi.

DRAPEAU DES SIX TRIBUS

Il y a 46 ans, en 1977, les premiers réfugiés politiques Hmong qui fuyaient le régime communiste du Laos, arrivaient en Guyane. Ces damnés de la mer que l’on a appelé « boat people » avaient été les alliés de la France lors de la guerre d’Indochine. Ils furent installés à Cacao, sur la Comté, qui était alors un ancien camp d’orpaillage abandonné, situé à 80 km de Cayenne, un lieu que les réfugiés ont transformé en un lieu agricole et touristique. Ils représentent aujourd’hui 2 % de la population guyanaise et sont surtout devenus les premiers cultivateurs du territoire. On estime que les productions des Hmong répondent à 70 %  des besoins en fruits et légumes de Guyane. La France à l’époque avait accueilli 128 531 réfugiés d’Asie, un millier d’entre-eux partiront en Guyane. C’est incontestablement une réussite sur le plan de l’intégration.

CACAO DE NOS JOURS

La Guyane est un département d’Outre-mer de 84 000 km², recouvert de 95 % de forêt. C’est le seul territoire d’Outre-mer qui n’est pas une île. L’erreur du président Macron lors de la campagne présidentielle, en affirmant que le Guyane était une île, est sans doute dans l’imaginaire français, un territoire d’Outre-mer est forcément une île.