LES BAGAUDES

L’Histoire de France, drôle de matière. En fait, l’histoire de notre pays commence à quel moment ? Clovis ? Le peuple gaulois ? En réalité, l’Histoire existe réellement depuis que des écrits grecs, datant du 6ème siècle av. J.C., nous relatent les événements du monde (connu). C’est donc par les écrits que la connaissance du passé nous est transmise. Avant, la préhistoire, ce n’est que des suppositions que nous laissons à l’interprétation des archéologues. Ensuite, les États, la politique souvent, interviennent pour arranger les faits pour qu’ils deviennent « patriotiques » ; les Gaulois, Vercingétorix, Jeanne Hachette … par exemple. Ensuite, c’est la manière de transmettre l’Histoire à nos élèves ; vaste programme. La 3ème République, par un choix nationaliste, a donc décidé que notre Histoire de France démarre avec le peuple gaulois. Oubliant que les tribus de ce peuple s’étendaient en Espagne, en Italie, en Suisse, en Belgique, en Grande-Bretagne  … Les celtes en somme.

Je vais donc me permettre de vous raconter dans les lignes qui suivent, une histoire méconnue de notre passé : les Bagaudes.

Le moine Salvien, ancien moine de Trèves, fixé dans les îles de Lérins vers 450, s’exprimait ainsi : « Nous les appelons les rebelles, des hommes perdus, nous les avons poussés à être des criminels. S’ils sont devenus des bagaudes, n’est-ce pas à cause de nos injustices, de la malhonnêteté des gouverneurs, de leurs confiscations, de leurs rapines, eux qui, sous le prétexte de percevoir les impôts publics, détournent à leur profit les sommes perçues … ».

C’est sous ce nom de bagaude que l’on désignait les paysans qui se sont révoltés contre Rome, à l’époque de Dioclétien. Troubles qui commencèrent en 283 et qui vont durer jusqu’en 311, d’une manière très violente, puis jusqu’en 480, d’une manière épisodique.

Pourquoi cette révolte contre Rome ? Qui étaient-ils ? Marmentier, un contemporain de ces évènements, les décrits ainsi : « … ces laboureurs devenus fantassins, bergers mués en cavaliers … », ces bandes dévastaient les campagnes comme les barbares.. Leur nom, d’origine celtique dérive de bagad qui veut dire groupe, bande, combattant. Pour tenter de comprendre cet épisode peu connu de notre passé, il faut se replonger dans la société gallo-romaine du 3ème siècle.

À cette époque, l’Empire romain dérive vers son déclin et s’est replié sur ses frontières du Rhin et du Danube plus faciles à défendre. Cependant, les richesses de Rome attiraient toujours autant ses voisins. À l’est, les Goths accentuent leur pression. Au sud, les Maures multiplient les razzias. À l’intérieur, l’instabilité sociale s’installe et une période d’anarchie militaire fait rage suite aux assassinats des empereurs Sévère Alexandre en 235 et Carin en 285. Durant un demi-siècle, plus de 60 prétendants vont se disputer le pouvoir et lever des armées. Entre 260 et 274, il existe même des « empereurs » gaulois dans une Gaule indépendante. Toutes ces querelles vont ruiner l’économie et le tissu social.

 

               Chronologie des Empereurs gaulois.

                             Postumus (260-269)

                          Lélien (268 usurpateur)

                                  Marius (269)

                           Victorinus (269-271)

                    Domidianus (271 usurpateur)

                          Tétricus 1er (271-274)

Sesterce à l’effigie de Postumus

 

Rome est à la dérive. Les légions s’entre-déchirent et la sécurité de l’Empire n’est plus assurée. Cette crise politico-économiquo-militaire s’inscrit dans une période de pleine mutation sociale. L’édit de Caracalla en 212, a fait de tous les hommes libres de l’Empire des citoyens romains, mais pas égaux pour autant. En réalité, la société est scindée en trois. D’un côté la classe des « honestiores » (sénateurs, militaires, fonctionnaires), c’est eux qui détiennent les postes-clés, richesse et pouvoir. Ils ne payent pas d’impôt. De l’autre côté, l’immense majorité du peuple, les « humiliores » soumis à l’impôt, les corvées et droits réduits. Une troisième classe, les citoyens déchus et les esclaves.

À cette situation interne, s’ajoute aussi la misère des campagnes causée par le refroidissement du climat et le pillage des barbares venus du nord. Les raids des pirates conduisent à l’abandon de nombreux villages côtiers normands et bretons. Par exemple, les ateliers de salaison installés à l’endroit où se trouve Douarnenez de nos jours, cessent de fonctionner.

En région parisienne, c’est sur les bords de la Marne que les bagaudes vont s’installer. Un village a, de nos jours encore, le souvenir de ces bagaudes ; un nom de rue, un centre équestre, c’est Saint-Maur-des- Fossés dans le Val-de-Marne.

La mention « Peuplade gauloise » est de trop …

Les révoltes des petits n’ont jamais trop intéressé les historiens. Il faut vraiment fouiller dans les bibliothèques pour trouver un ouvrage sur ce sujet, et encore. Il faut déjà connaitre le mot « bagaude » pour entamer une recherche.