Pour tenter de comprendre la logique de la numérotation de nos rois de France, il faut s’en remettre aux moines, abbés, évêques, souvent chroniqueurs de leur temps. En premier lieu, Grégoire de Tours et son histoire des premiers rois Francs. Ces historiens médiévaux vont jeter les bases écrites de notre Histoire de France. Notons au passage que nos chers moines n’ont pas seulement inventé des liqueurs, de la bière et des fromages, ils nous ont transmis par écrit les moments forts de leur époque.
Pendant plusieurs siècles, les rois avaient un surnom mais pas de numéro. Il fallait bien que les chroniqueurs s’y retrouvent. Pour donner une suite logique aux évènements, ils ont donné des surnoms aux rois homonymes pour éviter de s’égarer. Chez les Carolingiens, le nombre de prénoms était très limité, cinq à vrai dire, Carloman, Charles, Lothaire, Louis (Clovis) et Pépin. Nous trouvons donc pour les différencier les surnoms de « Gros », « Bref », « Le Fol », « Le Chauve », « Le Bel » etc. Il en était ainsi pendant presque tout le Moyen Âge, Saint-Louis était pour ses contemporains le Roi Louis et non Louis IX.
Tout démarre avec Charles le Gros (839-888), ce petit-fils de Charlemagne aux trois couronnes (roi d’Alémanie, roi d’Italie et Empereur d’Occident) il ne doit son chiffre III qu’en tant empereur, pas en tant que roi de France. En pays Francs, Carloman II meurt en 884 sans héritier. Les nobles Francs élisent Charles III roi de France. Considéré comme un usurpateur, il ne sera même pas dans la liste officielle des rois de France.
Sa mort, en 888, sans postérité, marquera la fin de l’Empire carolingien.
CHARLES III EMPEREUR D’OCCIDENT
Il faudra attendre la fin du XIIIème siècle pour que la pratique de la numérotation de nos rois fasse son apparition et se normalise.
Charles V le Sage, premier roi de France numéroté de son vivant (ne pas confondre avec Charles Quint Empereur). C’est le début de la saga de nos rois de France. Le choix du numéro V pour Charles le Sage nous explique pourquoi Charles le Gros, Empereur d’Occident, n’est pas considéré comme roi de France. En effet, en excluant Charles le Gros, il ne restait que quatre numéros à attribuer aux cinq Charles qui l’avaient précédé.
Un siècle plus tard, Louis XI va fixer pour longtemps la numérotation et le nom de Louis. Il faut savoir qu’à l’époque, la lettre « u » et le lettre « v » s’écrivent de la même façon. Si on enlève le « c » au début du mot Clovis et que l’on corrige le « v » en « u », Clovis devient Louis. C’est ainsi que Louis devient un prénom royal prestigieux.
Hé ! Vous là-bas au fond de la classe, vous suivez ?
Un cas particulier, celui d’Henri III, roi de France de 1574 à 1589. Henri de France est le quatrième fils d’Henri II, roi de France, il est baptisé sous le prénom d’Alexandre-Édouard. Ce prénom inhabituel chez les Valois, était un hommage à son parrain, Édouard VI, roi d’Angleterre. Il reçut une éducation soignée par son maître Jacques Aymot. Ce dernier, véritable puits de savoir, avait décelé chez le jeune Valois, les qualités qui feront de lui un souverain cultivé et éloquent : « l’un des mieux disants de son siècle ». Devenu roi, suite à la mort de son frère aîné Charles IX, il change de prénom pour prendre celui de son père. Il sera assassiné par un moine fanatique du nom de Jacques Clément. Ainsi prit fin la dynastie des Valois.
D’autres particularités viennent nous perturber pour la compréhension de ce sujet. Celui de Louis-Charles de France, fils de Louis XVI, plus connu sous le nom de Louis XVII, qui n’a jamais régné, est qui est portant numéroté et homologué comme roi de France. Le malheureux enfant est mort le 8 juin 1795 à la prison du Temple, à l’âge de dix ans, suite au manque d’hygiène et des conditions de détention.
Révolutions et empires sont passés par-là. Nous n’avons plus de roi en France. L’actuel prétendant au trône de France est S.A.R. Louis de Bourbon, duc d’Anjou, né en 1974, il serait Louis XX s’il était roi de France.
Passionné d’Histoire, Michel-André Lévy, ancien élève de l’École Polytechnique s’est posé cette question est a fait paraître un livre : « Louis I, II, III… XIV… L’étonnante histoire de la numérotation des rois de France », éditions Jourdan, 268 pages, en 2014. Un conseil de lecture.