HISTOIRE DU DRAPEAU FRANÇAIS

AU COMMENCEMENT… 

L’histoire de notre drapeau ne peut se résumer en quelques lignes ; il faut donc remonter le temps et tenter de comprendre pourquoi les hommes se ralliaient sous ses plis et pourquoi cet emblème décuplait bien souvent leur courage face à un danger.

Dès l’Antiquité, pour se reconnaître dans les combats et transmettre des informations, les guerriers utilisaient en guise de signal, des objets naturels comme des branchages, des têtes d’animaux ou de la paille placée au sommet d’un javelot. Petit à petit, ces moyens de reconnaissances vont se perfectionner pour devenir plus solide et chaque peuple voulait être reconnu par un symbole qui lui était propre. C’est ainsi que les Juifs possédaient, pour chacune des douze tribus d’Israël, un tissu de couleur différente sur lequel était peint un symbole représentatif de la tribu. Les Egyptiens avaient adopté le crocodile et le taureau ; les soldats grecs plaçaient au bout d’une lance, un casque ou une cuirasse. Les Corinthiens avaient pour emblème un cheval ailé, tandis que les Messéniens se contentaient de la lettre M. Les Perses avaient pour signe de reconnaissance, un aigle d’or au bout d’une lance, placé sur un char, la garde en était confiée à deux officiers choisis parmi les plus braves. Les Romains, après avoir opté pour le loup, le cheval, le Minotaure et le sanglier, vont choisir définitivement l’aigle ; le fameux aigle romain. En période de paix, les légions romaines déposaient leurs enseignes dans le temple de Saturne. Elles ne sortaient que pour la guerre et les soldats saluaient en passant devant les aigles que l’on couronnait de lauriers après les victoires.

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 Enseignes romaines

Nos ancêtres les Gaulois, lors des expéditions guerrières, avaient comme emblèmes des taureaux, ours, lions, mais le plus connu était le sanglier. C’est devant ce dernier que les légions de César ont reculé à Gergovie. Les Francs ripuaires (tribus du bord du Rhin) avaient pour symbole une épée, la pointe vers le haut, tandis que les Francs saliens (au nord des Pays-Bas) exhibaient une tête de bœuf. A aucun moment de notre histoire, les Gaulois n’adoptèrent le coq pour emblème. Le « légendaire » coq ne surmonta seulement notre drapeau qu’après la Révolution et fut mis à l’honneur sous Louis-Philippe après 1830. Cette légende a certainement pour origine un « bon mot » de César qui trouvait que le peuple gaulois était aussi fier qu’un gallinacé (du latin gallus) qui trône dans une basse-cour.

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 Enseigne militaire gauloise

Avec le christianisme qui s’installe dans toute l’Europe, les bannières religieuses et sacrées vont pendant de longs siècles, guider les nations converties. Bannière, étendard, labarum, enseigne, oriflamme, gonfalon, sont autant d’appellations dans lesquelles on retrouve la même idée ; un signe de ralliement pour une même cause.

 NOTRE PREMIER EMBLEME NATIONAL.

C’est en l’an 507, à l’occasion de la bataille de Vouillé (N.O. de Poitiers) où les Francs (Clovis) taillèrent en pièces les troupes d’Alaric II, qu’il est fait mention, pour la première fois, d’un étendard du nom de Chape de Saint-Martin. Deux siècles plus tard, en 732, les Francs et les Maures s’affrontent à Moussais, (aujourd’hui Moussais-la-Bataille), près de Vouneuil-sur-Vienne (N.E. de Poitiers). Charles, qui à dater de ce jour, aura le nom de Martel, se tient au premier rang. La Chape de Saint-Martin voit reculer les hordes d’Abder Rhaman qui seront repoussées au-delà des Pyrénées. La Chape de Saint- Martin était un voile de taffetas de couleur bleu, sur lequel le saint était peint. Avant la bataille, on la plaçait quelques jours sur le tombeau du saint, dans l’abbaye de Marmoutier, près de Tours. La Chape de Saint-Martin fut notre premier drapeau et durant près de six siècles, il va accompagner les troupes sur tous les champs de bataille. C’est sous Philippe 1ier, quatrième de la dynastie des capétiens directs, qu’une autre bannière va lui succéder.

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 Reliquaire de la Chape de Saint-Martin. Tours.

Cette bannière s’appela d’abord l’enseigne de Saint-Denis, puis fut nommée oriflamme après les luttes victorieuses contre les Normands. C’était « une soie de couleur rouge unie, sans représentation, fixée dans sa partie supérieure, à un bâton transversal, qui lui-même tenait par des cordons au fer de lance. Le bas était fendu en deux endroits, ce qui faisait trois pointes. Elle était bordée de soie verte et au bas pendaient des houppes de même couleur. L’ensemble était fixé sur une lance dorée ».

Il y avait d’autres bannières, mais toutes se regroupaient autour de celle-ci. Les chevaliers, distingués par une flamme triangulaire clouée sur la hampe de leurs lances, se ralliaient à la bannière carrée d’un feudataire d’un ordre plus élevé… Mais tous se rassemblaient et s’inclinaient devant l’oriflamme de Saint-Denis s’il s’agissait d’une guerre « nationale ». Le chevalier qui avait l’honneur de porter l’oriflamme, se confessait, recevait l’eucharistie et faisait serment sur l’hostie de garder l’oriflamme jusqu’à la mort.

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 Louis VI le Gros  prend l’oriflamme de Saint-Denis. (Pierre Jules Jollivet-1837)

MONTJOIE !  MONTJOIE  SAINT–DENIS !

( cri de ralliement des rois de France )

L’oriflamme a été levée pour la première fois, et pour une cause nationale, par Louis VI contre l’empereur Henri V, gendre  et allié de  Henri 1ier d’Angleterre, en 1124. L’oriflamme va ensuite accompagner notre Histoire jusqu’à la funeste bataille d’Azincourt. Elle fut levée une fois par Louis VII, pour la seconde croisade, en 1147 ; trois fois par Philippe-Auguste, en 1183 contre les Flamands ; en 1190, à la troisième croisade, puis à Bouvines en 1214 ; par Louis VIII, contre les Albigeois ; trois fois par Louis IX, en 1242 contre les Anglais et le comte de la Marche ; en 1248 et en 1270 pour les croisades ; Philippe l’aborda deux fois, en 1276 contre Alphonse de Castille, et en 1285, contre Pierre d’Aragon. Philippe le Bel ne la leva qu’une fois, à l’occasion de la bataille de Mons-en-Puelle, contre les Flamands, en 1304 ; Philippe de Valois l’a pris trois fois, en 1328, à Mont-Cassel, contre les Flamands, à Crécy en 1346, contre les Anglais, et en 1347, au siège de Calais. Le roi Jean l’utilisa contre les Anglais, à la bataille de Poitiers, en 1356 ; Charles VI la leva sept fois, en 1381, contre le comte de Foix ; en 1382, à Rosbecq, contre les Flamands, en 1383 et 1386, contre les Anglais, en 1412, contre ses propres sujets révoltés, en 1414, contre le duc de Bourgogne, et en 1415 à la bataille d’Azincourt. En 1594, le dénommé Félibien, chargé de l’inventaire de l’abbaye de Saint-Denis, observe que l’oriflamme était encore à l’abbaye mais que l’étoffe était mangée par les mites.

Voici donc l’histoire de nos deux premiers drapeaux, ou, plus précisément, nos deux premiers étendards, car le mot drapeau ne va apparaître qu’en 1583.

LE LONG CHEMINEMENT VERS LE DRAPEAU TRICOLORE.

Avant d’entreprendre le cheminement de la grande épopée du drapeau tricolore, recherchons l’origine de nos trois couleurs.

Le bleu était la couleur préférée des Gaulois, cette nuance convenait parfaitement aux cheveux blonds de leurs femmes ; la Chape de Saint-Martin, qui était bleue, a été notre premier étendard. Le bleu est également le symbole de loyauté et de la fidélité et fut, de Clovis à Charles X, la couleur du manteau royal.

Le blanc symbolise la perfection, la supériorité, le commandement. Jeanne d’Arc, investie du commandement supérieur, portait l’étendard blanc, de la couleur du lys. Les colonels commandant les régiments, avaient leur propre compagnie dont l’étendard était blanc. C’est aussi la couleur royale.

Le rouge a dans tous les pays symbolisé le sang, la guerre, la vaillance et le courage. Parce que Saint-Denis fut martyr, sa bannière rouge va succéder à celle, bleue, de Saint-Martin.

Depuis le règne de Henri 1er, jusqu’à celui de Charles VII, notre emblème national fut donc rouge, étendard historique sous lequel nos pères combattirent Rome. Sous le règne de Charles VII, c’est-à-dire à l’époque où le système des armées permanentes fut établi en France, l’étendard blanc prit la place de l’étendard rouge. Sans doute aussi, pour distinguer nos drapeaux de ceux des Anglais, les envahisseurs, qui avaient abandonné le blanc qui était la couleur de Saint-Georges, pour prendre le rouge, afin d’affirmer leur droit de souveraineté sur la France.

C’est sous Charles VIII, au retour de son expédition d’Italie, qu’apparaît un mot nouveau : drapeau. Mot francisé de l’italien drapello, signifiant enseigne d’équipement, provenant du latin drapellum. Les milices italiennes utilisaient l’expression drapella pour désigner le fer de lance et avaient composé le verbe indrapellare qui signifiait, ranger les hommes sous un même drapeau. ( Bardin, Dictionnaire de l’armée de terre ).

Un fait est à noter ; jusqu’au moment de la Révolution de 1789, l’étendard de la compagnie colonelle était blanc (signe de commandement). Les unités des mestres de camp avaient un étendard rouge et chez le commissaire général, bleu. Je note simplement que ces trois couleurs ont toujours été présentes dans l’histoire de notre armée.

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 Drapeau du royaume de France.

 VERS LES TROIS COULEURS.

Ce fut Camille Desmoulins qui, le 12 juillet 1789, proposa un nouveau signe de ralliement ; il a raconté lui-même le grand événement dont il fut le principal acteur,  voici ce qu’il écrivit à son père :

« Je vais sur les trois heures, au Palais-Royal, et je gémissais, lorsque trois jeunes gens passent, se tenant par la main et criant : « aux armes !… ». Je me joins à eux ; on voit mon zèle, on m’entoure, on me presse de monter sur une table ; dans la minute, j’ai autour de moi six mille personnes. « Citoyens !, dis-je alors, vous savez que la Nation avait demandé que Necker lui fut conservé, qu’on lui élevât un monument, et on l’a chassé ! Peut-on vous braver plus insolemment ? Après ce coup, ils vont tout oser, et, pour cette nuit, ils méditent, ils disposent peut-être une Sainte Barthélemy de patriotes. » J’étouffais d’une multitude d’idées qui m’assiégeaient ; je parlais sans ordre : « Aux armes ! Ai-je dit, aux armes !…Prenons tous des cocardes vertes, couleur de l’espérance ! L’infâme police est ici ! Eh bien, qu’elle me regarde ! Qu’elle m’observe bien ! Oui ! C’est moi qui appelle mes frères à la liberté ! » Et, levant un pistolet : « Du moins, ils ne me prendront pas en vie et je saurai mourir glorieusement ; il ne peut plus m’arriver qu’un malheur, et c’est celui de voir la France devenir esclave ! »

La Révolution était lancée. Deux jours après, le peuple victorieux avait enlevé la Bastille. Mais la cocarde verte acceptée dans ce grand moment d’histoire, en fait, les feuilles des arbres du jardin du Palais-Royal, ne fut pas adoptée par la nation. C’est avec la cocarde bleue et rouge, couleurs de la ville de Paris, que le peuple parisien prit la Bastille. Quelque mois plus tard, La Fayette offre à Louis XVI, dans la grande salle municipale de l’Hôtel de Ville, la cocarde tricolore arborée en signe de victoire. Plusieurs décrets de la Constituante, de la Législative et de la Convention vont officialiser ces trois couleurs. Le drapeau tricolore fut accepté avec enthousiasme ; il rappelait le passé, résumait bien notre histoire, était un gage pour l’avenir. M. Amédée de Ponthieu écrit dans son recueil des Fêtes légendaires : « Un drapeau ne s’improvise pas. Ce qui le rend national, c’est la longue et solennelle consécration de tout un peuple ; ce qui le rend glorieux, c’est son baptême de victoires ; c’est qu’il fut pendant plusieurs siècles le témoin des plus beaux et des plus grands dévouements enfantés par le patriotisme. A ce compte, la France a le droit être fière de ses trois couleurs, car elles ont fait le tour du monde ».

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L’Assemblée constituante ordonna le 24 octobre 1790, que le pavillon français serait composé de trois couleurs de bandes égales et disposées verticalement : le rouge, le plus près de la hampe, le blanc au milieu, le bleu à l’extrémité. C’est ainsi que la marine mis nos couleurs sur ses bâtiments de guerre.  A terre, chacun  faisait selon son idée et de décrets en lois, nous arrivons au 27 pluviôse an II, l’Assemblée nationale rendit un nouveau décret qui a définitivement fixé l’ordre des couleurs de notre drapeau. « Le pavillon, ainsi que le drapeau national, sera formé des trois couleurs nationales disposées en trois bandes égales, de manière que le bleu soit attaché à la garde du pavillon, le blanc au milieu, et le rouge flottant dans les airs. »

Cette fois nous y sommes ; la Nation française a réuni les couleurs que les trois puissantes nations gauloises brandissaient il y a huit siècles. Le bleu de la Gaule celtique, le blanc de la Gaule belge et le rouge de la Gaule d’Aquitaine.

LES PREMIERS LAURIERS DE LA GLOIRE.

En avril 1792, le ministre des Affaires étrangères fait savoir à l’Assemblée que l’Autriche demande avec insistance la restitution de l’Alsace aux princes allemands, ainsi que les terres d’Avignon au Pape. Face à cette menace, l’Assemblée nationale française vote la guerre. Mais, fidèle aux principes de la Constitution, la France n’entreprend aucune guerre dans un but de conquête ou contre la liberté d’un peuple. S’il faut prendre les armes, c’est pour défendre la liberté et notre indépendance. C’est dans ce contexte que le drapeau tricolore va prendre une signification nouvelle et noble ; la défense de la Patrie, de la liberté, non seulement pour la France, mais pour tous les hommes. Lorsque la levée en masse fut décrétée, le 23 août 1793, tous les bataillons de volontaires et ceux des Gardes nationales, brandiront haut le jeune drapeau avec l’inscription : « Le peuple français debout contre les tyrans ».

Nos armées étaient inférieures en nombre, beaucoup d’officiers ont émigrés vers l’Allemagne ou vers l’Angleterre. L’Europe monarchique s’était liguée contre la France ; pourtant, nos soldats mal vêtus, sans chaussures, sans vivres, vont faire reculer la coalition toute entière. En courant sus à l’ennemi en chantant la Marseillaise, le drapeau tricolore flottait devant eux. On souffrait, on se battait, on mourait pour la Déclaration des droits de l’homme. La Constitution de 1793 fut le premier pacte social qui, depuis l’origine du monde, aura fait un dogme de la fraternité humaine.

Après le baptême de feu de Valmy, le nouveau drapeau va inaugurer vaillamment ses trois couleurs à Jemmapes avant de l’immortaliser dans les plaines d’Italie. Marengo mettra le sceau de la gloire sur nos couleurs. Puis ce sera l’épopée glorieuse à travers toute l’Europe. Napoléon va déployer notre drapeau sur tout le vieux continent, épopée superbe, mais qui fit verser des flots de sang. Celui qui devait son ascension à la République, mit un aigle à la hampe du drapeau, mais ruina la nation.

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Le retour de Louis XVIII en France, en 1814, va provoquer un nouveau changement ; le drapeau tricolore est remplacé par le drapeau blanc fleurdelisé. Mais pas pour longtemps. En 1830, le premier soin de Louis Philippe sera de reprendre notre drapeau ; le 27 mars 1831, les troupes acclamèrent la réapparition du drapeau tricolore, surmonté d’un coq gaulois. Lors de la révolution de 1848, le drapeau à trois couleurs faillit être remplacé par le drapeau rouge. Des hommes comme Lamartine vont défendre nos trois couleurs. Le gouvernement provisoire déclara que le drapeau tricolore serait rétabli dans les mêmes dispositions et avec l’inscription :

 LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE

Ces trois mots expliquent le sens de notre doctrine démocratique dont ce drapeau est le symbole. Depuis, le drapeau tricolore est resté et restera le drapeau de la France. Il serait insensé de rêver mettre en place un autre. En 1873, lorsqu’il fut question de remettre un drapeau blanc, le maréchal Mac-Mahon eut raison de dire qu’au cas où le drapeau blanc serait adopté, il ne répondait plus de l’ordre et de la discipline dans l’armée. « Les chassepots partiraient tout seuls ». On ne touchera plus au drapeau depuis.

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 Drapeau du 21ème RIMa

 Sur les plis de nos drapeaux, l’Histoire de France par le sang versé, sur tous les continents.