LA GUERRE D’ALGERIE 1954-1962

Pendant la Révolution et l’Empire, la France entretenait de bonnes relations avec le dey d’Alger avec qui elle commerçait. Sous la Restauration, à la suite d’une affaire embrouillée de créances dues par la France, le dey Hussein se livra à toutes sortes de tracasseries et au cours d’une scène publique, il frappa d’un coup de chasse-mouches le consul de France Deval (1827). Il ne s’agissait, pour le dey, que d’un geste d’impatience suite aux lenteurs du règlement d’un achat de blé. Cet affront sera le prétexte de la prise d’Alger en 1830.

Cette conquête laissa l’opinion publique française presque indifférente et ne correspondait à aucun projet politique précis. La Monarchie de Juillet se trouva donc très embarrassée de ce « leg » onéreux de la Restauration. Le gouvernement français voulait se contenter d’une « occupation restreinte » à quelques ports. Mais la sécurité de ceux-ci était menacée par l’anarchie qui régnait à l’intérieur du pays et des rivalités tribales. Ce sont les révoltes successives qui feront que la conquête française en Algérie va durer un siècle : elle a débuté avec le débarquement d’une armée à Sidi Ferruch le 14 juin 1830 et s’est achevée en 1934 dans la région de Tindouf. Cette situation d’insécurité permanente va créer un climat de guerre et de méfiance entre les Algériens et les colons jusqu’au moment de l’indépendance. Le gouverneur général Bugeaud voyait dans la colonisation une suite logique à une conquête militaire, le moyen de pérenniser ce résultat par la création d’une nouvelle province française. Pour les gouvernements de la métropole, ce sera l’occasion de résoudre un problème social en éloignant les fortes têtes des « classes dangereuses ». L’espoir de Bugeaud de peupler l’Algérie de colons en grand nombre pour submerger les Arabes a été un échec. La population dite européenne, c’est-à-dire : citoyens français d’origine ou naturalisés, étrangers non naturalisés et juifs indigènes assimilés collectivement par le décret Crémieux en 1870, n’ont représenté que 14% de la population totale de l’Algérie. Elle est retombée à moins de 10% en 1954 selon le recensement de cette année-là. Politiquement, l’histoire des rapports entre la France et l’Algérie, de 1840 à la fin du XIX° s., s’analyse comme une succession de tendances entre colonisation et assimilation. « Assimilation » qui deviendra « intégration » sous la V° République ; le mot a changé mais pas les mentalités.

LA TOUSSAINT ROUGE.

Le 1ier novembre 1954, un petit groupe, de tendances nationalistes entame la lutte armée pour l’indépendance. De minuit à 7 h du matin, des actions vont être menées à Boufarik et à Blida contre des casernes, à Alger des bombes sont posées devant l’immeuble de la radio et de l’usine à gaz, dans l’Oranie deux fermes sont attaquées et la gendarmerie de Cassaigne est mitraillée. Sur la route venant de Biskra, un car est attaqué. Une rafale de pistolet-mitrailleur tue le caïd de M’Chounèche. Deux instituteurs, Guy Monnerot et sa femme, récemment arrivés de métropole, sont touchés. Lui succombera à ses blessures, sa femme sera secourue au bout de plusieurs heures. Ces attentats marquent le début d’une longue guerre de huit années.

 VERS L’INDEPENDANCE.

 Au même moment, Ben Bella fonde au Caire, le Front de libération national (F.L.N.).  auquel Messali Hadj refuse de se rallier et crée son propre parti, le Mouvement national algérien (M.N.A.). Le FLN proclame sa volonté de lutter « pour l’indépendance nationale par la restauration de l’État algérien ». En France, le gouvernement Mendès France réplique que les départements d’Algérie constituent irrévocablement une partie de la République, aucune négociation ne peut donc être engagée avec le FLN. Le 25 janvier 1955, Jacques Soustelle est nommé gouverneur général de l’Algérie, mal accueilli par les « pieds-noirs », il devient le champion de la politique d’intégration.

La guerre d’Algérie se réduit de la part du FLN, à des opérations de guérilla et à de nombreuses actions terroristes dans les campagnes et dans les villes. Ces actions sont dirigées non seulement contre l’armée et les colons, mais aussi contre les Algériens favorables à la France et les « messalistes » qui combattent à la fois le FLN et les Français. L’armée française qui a officiellement la mission de « maintien de l’ordre », ne peut réaliser cette tâche que par un quadrillage systématique du pays, ce qui nécessite des effectifs importants. Dès 1955, les réservistes sont rappelés et les effectifs engagés en Algérie vont s’élever à 400 000 hommes. L’emploi croissant du contingent va contribuer à faire évoluer l’opinion publique française. Les sanglantes opérations terroristes du FLN, ( massacres du Nord-Constantinois, 20/21août 1955, massacres de Palestro, mars 1956…) vont atteindre leur but. Il devient de plus en plus difficile aux forces de l’ordre, de distinguer entre les rebelles et la population musulmane, laquelle subit les effets de la répression. Les anciens Bureaux arabes, réactivés sous le nom de Sections Administratives Spéciales (SAS), procèdent au regroupement de 1 250 000 ruraux musulmans.  L’année 1956 est marquée par la mise en œuvre d’une politique de réformes : dissolution de l’assemblée algérienne, suppression des communes mixtes, réformes communale et agraire … et par les premiers contacts secrets entre le gouvernement français et le FLN.

En 1957, la pacification marque des progrès importants : la « bataille d’Alger » janv/sept 1957, dirigée par le général Massu, anéantit l’organisation terroriste algéroise. La construction d’un barrage fortifié et électrifié, dit « ligne Morice » à la frontière tunisienne, prive de leurs bases logistiques, les unités de l’ALN, isolées en Algérie même par les regroupements de population sous contrôle de l’armée française.

A l’extérieur, la France est mise en accusation devant l’ONU dès 1955. La politique de réformes aboutit péniblement, en février 1958, au vote d’une loi-cadre, aussitôt rejetée par le FLN. Le bombardement par l’aviation française de la base tunisienne de Sakiet Sidi Youssef, le 8 février 1958, utilisée par les fellaghas, fait baisser encore le prestige du gouvernement français incapable de prendre des décisions constructives. La crise du 13 mai 1958 provoque la chute de la IV° République et le retour du général de Gaulle à la tête de la France. Au cours d’un voyage triomphal en Algérie, il proclame solennellement qu’il n’y a plus dans ce pays « que des Français à part entière ». Le FLN riposte en formant, au Caire, un gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) LE 19 sept. 1958. Les assurances données par de Gaulle, la destruction militaire de la rébellion au cours des années 1958/59, le vaste programme d’investissement économique français en Algérie, vont convaincre les militaires et les colons que l’Algérie ne sera jamais abandonnée ; d’où un terrible malentendu qui va provoquer la cassure de l’armée française et acculer les colons au désespoir.

Par le référendum du 8 janv.1958, de Gaulle se fait donner un blanc-seing par la métropole pour finir cette guerre. Pour arrêter l’évolution vers l’indépendance, plusieurs anciens chefs militaires en Algérie, les généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller, tentent un putsch à Alger (21/26 avril 1961) et après son échec, ils passent dans la clandestinité dans l’Organisation armée secrète (OAS). La guerre se termine ainsi sur le sol algérien, entre « soldats perdus », colons, forces de police envoyées de la métropole, terrorisme européen et musulman. C’est dans ce contexte tragique que le gouvernement français signe les accords d’Evian avec le GPRA, le 18 mars 1962, lesquels, en établissant le cessez-le feu, reconnaissent la souveraineté de l’État Algérien. Ces accords sont ratifiés en métropole par le référendum du 8 avril 1962. Les Algériens se prononcent dans leur quasi-totalité, pour l’indépendance lors du référendum du 1ier juillet 1962.

Dès la signature des accords d’Evian, dont les garanties sur les personnes et les biens français vont se révéler rapidement illusoires, un exode massif des pieds-noirs se produit vers la métropole (968 685, recensement du 1ier juillet 1985). Notables algériens et harkis, fidèles à la France, sont massacrés par l’ALN. Un chiffre difficile à établir, les estimations varient entre 30 000 et 100 000 personnes. Les pertes militaires françaises sont plus précises ; 27 500 soldats tués et un millier de disparus. Pour les civils français d’Algérie, le nombre officiel est de 2788 tués et 875 disparus jusqu’au moment du cessez-le feu.  Il faut y ajouter 2273 disparus entre le 19 mars et le 31 décembre 1962. Les pertes de la population musulmane sont difficiles à évaluer, car les sources sont trop divergentes. On peut considérer que le chiffre probable de cette « guerre »,  doit se situer aux alentours de 500 à 600 000 morts, toutes les parties confondues.

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