LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS, C’EST TOUTE UNE HISTOIRE.
De 1790 à 2021, c’est une suite constante de réformes pour organiser les départements de la France métropolitaine et d’Outre-mer. On peut retenir dix dates clés :
1790 : Afin de rationaliser l’organisation administrative héritée de l’Ancien Régime, l’Assemblée Constituante décide de découper la France en 83 départements, organisés autour de chefs-lieux. Leur administration est confiée à un Conseil général dont les membres sont désignés par le pouvoir central.
1848 : Le 3 juillet 1848, la 2ème République instaure l’élection des Conseillers généraux au suffrage universel, à raison d’un élu par canton.
1871 : Avec la loi du 10 août 1871, le département devient une collectivité territoriale de plein droit et le Conseil général reçoit une compétence générale pour régler les affaires d’intérêt départemental. Le Conseil général, dont les membres sont élus pour six ans au suffrage universel, est renouvelé par moitié tous les trois ans.
1982 : Grâce aux lois de décentralisation de 1982 et1983, le département devient une collectivité territoriale de plein exercice. La tutelle du préfet est remplacée par le contrôle de légalité. Le président du Conseil général exerce désormais le pouvoir exécutif départemental. Il assure la préparation ainsi que la mise en œuvre du budget du département. Les Conseils généraux reçoivent de nouvelles compétences : action sociale, ports de commerce et de pêche, transports scolaires, gestion des collèges.
2003 : La loi du 18 décembre 2003 confie aux départements, à compter du 1er janvier 2004, la responsabilité et la gestion de l’allocation du revenu minimum d’insertion (RMI, remplacé en juin 2009 par le revenu de solidarité active, RSA) et organise les modalités de suivi statistique et d’évaluation du dispositif.
2004 : La loi du 13 août 2004 constitue un nouvel acte de décentralisation qui conforte la vocation du département en matière d’action sociale et médico-sociale. La gestion des routes, précédemment classées dans le domaine public routier national, lui est transférée. Les départements se voient également confier le recrutement et la gestion des techniciens et ouvriers ainsi que des agents de service (TOS) des collèges et l’organisation des transports scolaires leur est confiée.
Entre 2005 et 2008 : De nouveaux transferts ou extensions de compétences sont réalisés au bénéfice des départements, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance (loi du 5 mars 2007) et de l’accompagnement des personnes handicapées (loi du 11 février 2005).
2013 : La loi du 17 mai 2013 prévoit que les conseillers généraux deviendront des conseillers départementaux. Les conseillers départementaux seront au nombre de deux par canton et chaque binôme devra être composé d’une femme et d’un homme. Le nombre de cantons est ainsi divisé par deux. Ces nouvelles règles électorales ont été appliquées pour la première fois lors du scrutin de mars 2015.
2014 : La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) permet au département d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités et des intercommunalités pour l’exercice des compétences relatives à l’action sociale, au développement social et à la contribution à la résorption de la précarité énergétique, à l’autonomie des personnes et à la solidarité des territoires.
2015 : La loi du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République supprime la clause de compétence générale des départements. La culture, le sport, le tourisme, la promotion des langues régionales et de l’éducation populaire deviennent des compétences partagées. La loi conforte les départements dans leurs missions relatives aux solidarités humaines et territoriales.
2016 : Trois autres lois modifient les missions du département : la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.
C’est lourd, c’est le langage administratif. Et pour faire encore plus simple, il y a les cas particuliers. Par exemple Paris : Jusqu’en 2018, Paris était un département à lui seul. La loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris, fusionne commune et département. Une nouvelle collectivité à statut particulier, dénommé « Ville de Paris » est créée. Elle exerce à la fois les compétences de la commune et celles du département de Paris depuis le 1er janvier 2019.
La Métropole du Grand Lyon, créée le 1er janvier 2015, est une collectivité territoriale à statut particulier. Elle cumule les fonctions d’un département et celles d’un EPCI et regroupe toutes les communes de la Communauté urbaine de Lyon. Depuis le renouvellement de 2020, 166 conseillers métropolitains composent le Conseil de la Métropole, élus au suffrage universel direct.
La Corse, depuis le 1er janvier 2018, la « Collectivité de Corse » (et non plus la Collectivité territoriale de Corse) est devenue une collectivité à statut particulier en lieu et place de la Collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse-du-Sud et Haute-Corse.
Saint-Pierre-et-Miquelon est depuis 2003 une collectivité d’Outre-mer placé sous le régime de l’article 74 de la Constitution et dénommée « collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Un conseil territorial qui exerce en grande partie les mêmes compétences qu’un conseil régional et un conseil départemental de métropole. Il, comprend 19 membres élus, 15 pour Saint-Pierre et 4 pour Miquelon-Langlade.
Les départements d’Outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon), bénéficient de compétences spécifiques et leur budget présente des différences importantes avec ceux de la Métropole (fiscalité indirect, octroi de mer, taxe sur la consommation de rhum). Le statut de collectivité territoriale unique s’applique pour Mayotte depuis 2011, la Martinique et la Guyane depuis les élections régionales de décembre 2015. Ce statut confère aux collectivités concernées l’exercice, sur leur territoire, des compétences à la fois de la Région et du Département.
On le constate, c’est une évolution perpétuelle, les temps changent, les besoins nouveaux se font jour. Mais reprenons l’histoire de nos départements à son début :
Le décret décidant la division de la France en 83 départements a été voté par l’Assemblée Constituante le 22 décembre 1789. La liste des départements et leurs limites, sont fixées le 26 février 1790 et leur existence prend effet le 4 mars 1790.
Il faut noter au passage qu’une approche dans ce sens avait été faite au roi en 1665 par René de Voyer de Paulmy d’Argenson (1623-1700). On retrouvera ce souhait de départementalisation dans les cahiers de doléances de 1788.
À la veille de la Révolution française, l’organisation territoriale du royaume était d’une extrême complexité, les circonscriptions militaires, ecclésiastiques, judiciaires, fiscales ne se recoupaient pas systématiquement. Dès le début du 18ème siècle, de nombreuses voix demandaient la simplification géographique administrative du royaume
Le 7 septembre 1789, l’abbé Sieyès propose à l’Assemblée nationale de réorganiser administrativement le royaume. Ce projet est confié à un comité dont le rapporteur et le député Thouret. Ce dernier présente au comité son projet le 19 septembre ; Il prévoit la division de la France en 81 départements, chacun formant, à l’exception de Paris, un carré de 18 lieues de côté, eux-mêmes fractionnés en 9 districts de 6 lieues de côté eux-mêmes fractionnés en 9 cantons de 2 lieues de côté.
La proposition géométrique du comité Sieyès-Thouret.
À la tête de chaque département, une assemblée de 81 membres dont le rôle principal consisterait à nommer les députés à l’Assemblée nationale, à raison de 9 députés par département soit 720 députés nationaux.
Dès le 11 novembre 1789, l’Assemblée nationale constituante adopte un nouveau projet, cette fois-ci avec le principe de la cartographie de la famille Cassini. (Jean-Dominique Cassini a succédé à son père, César-François Cassini, mort en 1784). Soixante années de travail, pour les quatre générations de Cassini, avaient donné naissance à la première carte du royaume dans son ensemble. L’échelle adoptée est une ligne pour cent toises, soit une échelle de 1/86 400 (une toise vaut 864 lignes). Les mesures par triangulation géodésique ont donné un résultat tel, qu’aujourd’hui, en superposant des photos satellite (à la même échelle) on obtient de spectaculaires résultats.
Pour le nouveau découpage en départements, les noms sont choisis en fonction de la géographie et de l’hydrographie.
Les départements organisés en 1790, vont être remaniés en 1795 avec la suppression des districts et la création des municipalités de cantons. L’administration était alors au niveau des chefs-lieux de canton, les communes perdant leur autonomie.
Le 17 février 1800 (28 pluviôse an VIII), nouvelles modifications, avec la redécoupe des arrondissements, cantons et communes. Sur le plan administratif, sont créées les préfectures et les sous-préfectures ainsi que les conseils généraux. (Napoléon Bonaparte)
Le nombre de départements va atteindre 130 en 1810 avec les conquêtes révolutionnaires et napoléoniennes. Puis, à la suite du traité de Paris du 20 novembre 1815, la France sera réduite à 86 départements.
Il y aura aussi des réajustements comme le redécoupage, par décret impérial, du département Tarn-et-Garonne le 21 novembre 1808.
Le 9 décembre 1848, l’Algérie sera divisée en trois départements. En 1860, la France compte 89 départements en métropole et trois en Algérie, avec le rattachement de Nice et de la Savoie.
Les trois départements d’Algérie, Oran, Alger et Constantine.
La loi du 10 août 1871 va créer la commission départementale et l’élection du Conseil général au suffrage universel avec le canton comme circonscription électorale. Cette organisation va rester inchangée jusqu’en 1982, la loi du 2 mars 1982 va transférer l’exercice de l’exécutif du préfet au Conseil général.
Suite à la défaite de 1871 et la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, est créé le département de Meurthe-et-Moselle. Ce département subsistera après le retour à la France de l’Alsace et de la Moselle en 1918. Le Territoire de Belfort (partie du Haut-Rhin restée française) garde un statut spécial de 1871 à 1922, date à laquelle il devient département.
La loi Césaire du 19 mars 1946 fait des quatre colonies, Guyane, Guadeloupe, Martinique et La Réunion, des départements. Le 4 octobre 1946, la Constitution crée la catégorie des départements d’Outre-mer (DOM).
La réorganisation de la région parisienne en 1964, transforme les deux départements de la Seine et de Seine-et-Oise en sept départements : Paris, Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Val-d’Oise. Ceci prendra effet en 1968.
En 1975, la Corse sera scindée en deux : la Corse-du-Sud et la Haute-Corse. Depuis, le 1er janvier 2018, les deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud ont fusionnés en une collectivité unique, tandis que les services de l’État sont maintenus à Bastia et à Ajaccio dans deux circonscriptions administratives séparées.
En 1976, le territoire d’Outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon devient le cinquième département d’Outre-mer, statut qui changera en 1985 pour devenir une collectivité d’Outre-mer.
Le 31 mars 2011, le département de Mayotte est devenu le cent-unième département de France et son cinquième département d’Outre-mer.
Le 1er janvier 2019, le département de Paris et la commune de Paris fusionnent en une collectivité à statut particulier nommé Ville de Paris.
Le 1er janvier 2021, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin fusionnent et deviennent la collectivité européenne d’Alsace. Les deux circonscriptions administratives de l’État sont maintenues.
Quel avenir pour les départements ?
Fragilisés par de multiples réformes, soumis à de fortes contraintes financières, menacés un temps de disparition, les départements trouvent aujourd’hui une légitimité en temps qu’échelon d’action publique de proximité dont l’importance s’est particulièrement illustrée au cours de la crise sanitaire de la Covid-19.
Il est fort probable que d’autres refontes soient mises en œuvre, l’augmentation de la population en sera certainement une raison majeure.