LA QUATRIÈME GÉNÉRATION DU FEU

Depuis des siècles, l’histoire de notre pays est une succession de conflits presque ininterrompue. En particulier le XX° siècle, qui, plus que les autres, a été particulièrement meurtrier avec les deux guerres mondiales qui ont marqué profondément la mémoire collective.

Dans le prolongement de la deuxième guerre mondiale, vont se succéder les guerres de décolonisation avec l’Indochine en particulier. L’intervention en Corée et l’affaire du Canal de Suez seront les prémices des conflits du XXIème siècle.

La Tunisie, le Maroc, mais surtout l’Algérie, va nécessiter la mobilisation en masse du contingent. Les opérations de maintien de l’ordre vont se transformer en une véritable guerre de sept ans.

La première génération du feu, nos vaillants « Poilus », aujourd’hui disparue, a laissé un grand vide dans le monde associatif. La seconde génération du feu, celle de 1939/45, est en nette régression puisqu’on estime à 420 000 les survivants de ce conflit en 2006, Indochine compris.

La troisième génération du feu, celle de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, représente actuellement le plus grand nombre avec 1 200 000 A.C. A partir de 2018, cette population d’A.C. va décroître très vite (80 ans en 2020 pour ceux qui ont eu « 20 ans dans les Aurès » en 1962).

Enfin, nous voyons apparaître la quatrième génération du feu issue des nouveaux conflits comme le Tchad, le Congo, le Zaïre et la participation de notre armée aux actions de maintien ou au rétablissement de la paix au sein de l’O.N.U. ; Liban, Somalie, ex-Yougoslavie…Ces nouveaux venus, dont les plus anciens arrivent à l’âge de 65 ans, augmentent de façon sensible en nombre. En effet, ces nouveaux conflits ont débuté en 1968 et n’ont cessé depuis.

ASPECTS DE LA GUERRE DE LA 4ème GÉNÉRATION

Les grandes batailles du XIX° siècle étaient basées sur la masse, disposée en ligne ou colonnes, et armée de mousquets. Au début du XX° siècle, le développement technique du fusil et de la mitrailleuse provoque un changement tactique comptant sur la concentration de la puissance de feu pour affronter un ennemi de face. La Seconde guerre mondiale va nécessiter un nouveau changement tactique illustré par le « blitzgrieg » allemand. L’idée nouvelle consistait à contourner rapidement l’ennemi de manière à isoler l’adversaire de son commandement et de son soutien logistique. Une deuxième vague venait ensuite nettoyer le secteur des quelques poches de résistance.

Pour la quatrième génération du feu, le conflit est planétaire ; l’Afrique, l’Asie, le Moyen-Orient, l’Europe, il n’existe plus de front et il ne s’agit plus de détruire des lignes ennemies. Les champs de bataille sont les villes, la distinction entre civil et militaire disparaît bien souvent. Il s’agit en fait de réduire le soutien populaire à des groupes armés. Dans ces versions « modernes » du combat, les Etats-nations, ou les organismes comme l’O.N.U., se battent contre des groupes ethniques, religieux ou claniques et non contre un pays, un Etat. Dans ces guerres nouvelles, où les cailloux peuvent faire reculer une armée, les géants de ce monde sont souvent impuissants. Il faut se rappeler qu’un clan Somalien a bouté les U.S.A. hors de Mogadiscio. Le Hezbollah a expulsé l’armée israélienne du Sud Liban. Les Tchétchènes ont humilié l’armée russe. Tout l’armement de pointe de ces nations ne donne pas nécessairement la victoire contre des combattants qui sont cachés parmi la population et qui sont souvent eux-mêmes des civils.

Notre armée doit donc changer ses méthodes de combat, réapprendre le combat de rue, travailler par petits groupes… Une étude américaine récente estimait à 38% les pertes humaines en zone urbaine. En Irak, les Marines sont parvenus à réduire ces pertes à 12% par des changements tactiques. Ils ont appris à ne pas se grouper pour le combat à courte distance ; les chefs de groupes utilisent de petites radios pour commander et les fantassins ne sont donc plus à portée de voix. Au lieu d’arroser les foules par de grandes rafales, ils ont conclu d’utiliser des contre-snipers pour abattre la poignée de combattants portant effectivement des armes dans une foule hostile. Sans le soutien de ces combattants armés, les femmes et les enfants sont moins hardis. Dans de nombreux cas, les forces spéciales ont plus de chance de gérer la pression que les troupes régulières (Américains, Anglais, Français en Afghanistan par exemple).

Il existe d’autres moyens pour contenir une foule. Il est possible de créer des « barrières » avec de la mousse adhésive qui durcit et immobilise les manifestants ; il existe également des nappes glissantes faisant perdre l’équilibre, etc…

Le plus grand problème à résoudre est l’élément idéologique contre lequel il n’y a pas de solution technique. L’affaire des caricatures montre bien que le problème peut devenir planétaire en un clin d’œil grâce aux moyens de communications, le tout manipulé par des extrémistes religieux. Il faut donc se battre contre des armes invisibles qui sont dans l’esprit des fauteurs de troubles. Il faut se méfier de ceux qui prennent Dieu à témoin ; de 1933 à 1945 un certain A. Hitler avait cru que Dieu était avec lui…Pour bien comprendre et analyser ce type de situation, l’Occident doit comprendre que les pays qui se disent être des républiques islamistes ne fonctionnent pas comme nos démocraties. Nous avons une Constitution, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, un code civil, une justice, tandis que ces républiques ne possèdent que le Coran qui fait office à la fois de Constitution, de justice et de bible. Mélanger le spirituel à la politique d’une nation est un mélange explosif, et, si Dieu existe, cela m’étonnerait qu’il souhaite par la voix de la haine, la disparition de la moitié des êtres vivants de notre planète.

C’est dans ce trouble permanent que nos jeunes camarades de la quatrième génération du feu exercent leur métier de soldat. Il ne faut pas que les Français se détachent de leur armée sous prétexte que c’est désormais une armée de métier. Depuis bientôt 40 ans, nos soldats se battent dans le monde dans des conditions très difficiles et ils doivent savoir manier les armes certes, mais souvent aussi la diplomatie pour convaincre. Ils doivent aussi s’interposer entre les belligérants, prenant parfois des coups mortels venant des deux bords.

Nous, les plus anciens, avons le devoir de les soutenir, il est même souhaitable que les associations patriotiques se manifestent en envoyant un message de soutien aux troupes en missions extérieures et particulièrement les associations des villes de garnison qui ont des relations suivies avec les unités. Nous avons un devoir de mémoire, ayant aussi celui du soutien moral et de la fraternité d’armes.

Dans ce contexte, plusieurs députés, sénateurs, associations d’anciens combattants ont demandé l’attribution de la croix du combattant volontaire pour les soldats de la quatrième génération du feu. Cette croix est attribuée… aux appelés volontaires. Le ministre de la Défense ignore sans doute que nous n’avons plus une armée de conscription mais une armée de métier, volontaires permanents pour servir la France et honorer ses engagements politiques. L’état signalétique et des services d’un militaire commence ainsi : EV (engagé volontaire) pour X ans a/c du… Ces demandes restent sans réponse du ministre, comme les questions posées par les sénateurs et députés sur ce sujet. Monsieur H. Morin a émis des éloges sur notre armée lors de la dernière fête nationale, très bien, il est dans son rôle. Il faut maintenant montrer aux soldats que la Nation sait récompenser les mérites dont le ministre parlait devant les micros de la presse. Nous avons la fâcheuse habitude de nous émouvoir des actes héroïques quand les acteurs de ces tragédies ont disparu…ou presque. Ce fut le cas pour nos « Poilus » avec une vingtaine de Légion d’Honneur pour les centenaires survivants. Napoléon III, en son temps, a récompensé les « Grognards » de son oncle, 42 ans après, en créant la médaille de Sainte-Hélène par le décret du 12 août 1857, la plus ancienne commémorative de l’armée française. Ce record sera sans doute battu. Le mécontentement grandissant a des conséquences sur le nombre d’adhérents dans les différentes associations. Il est déjà difficile de trouver une association qui veut bien de nous, la 4° génération du feu, car très sectaire, les associations du type 2°DB, Rhin et Danube, bien qu’en voie d’extinction, reste hermétique aux « étrangers ». Les Croix de guerre, idem, tous n’ont pas de croix de guerre, etc…C’est l’autodestruction des associations patriotiques. Si en plus, les autorités de l’Etat traînent la jambe pour récompenser les soldats méritants, il ne restera pas grand monde pour venir aux commémorations aux Monuments aux Morts de nos communes. L’être humain est ainsi fait, il aime bien montrer aux autres qu’il a participé à quelque chose pour servir son pays. Une décoration est tout simplement le signe distinctif et visible de cette action, sa fierté. De plus, elle ne coûte rien à l’Etat, le récipiendaire achète sur ses propres deniers la récompense qu’il a pourtant méritée. Ne tombant pas dans le ridicule en octroyant des récompenses sur le tard. J’ai eu la médaille d’outre-mer avec la barrette « Tchad », 10 ans après les engagements de 1969-70 avec la 6° CPIMa (27 morts au combat et plus de 60 blessés). Je n’ai jamais été autant décoré que depuis que je suis à la retraite ; croix du combattant, titre de reconnaissance de la Nation. Cela frise le ridicule de nos institutions.

 

Jacky HEIM

Carte du combattant N° 52 540 (Aude)