UN VIEUX SOUVENIR DE L’ÉCOLE
ÉCOLE DE LA CITÉ SARREGUEMINES 1957 (Troisième rang, troisième en partant de la gauche, c’est moi)
Pierre Mendès France venait d’être élu président du Conseil en juin 1954. Son inquiétude, la malnutrition et la consommation d’alcool des enfants. Lors d’une de ses « causeries du samedi » radiophonique, c’était un 18 septembre 1954, il s’adresse à « ses p’tits amis » pour leurs dire qu’ils allaient recevoir chaque jour de classe, un verre de lait et du sucre, gratuitement. (C’est la période d’après-guerre). Il était encore courant à cette époque que les parents mettaient du vin ou de la bière, voir du schnaps (surtout en hiver), dans le panier casse-croûte. Je me souviens que les instituteurs débouchaient les gourdes pour renifler s’il n’y avait pas une petite goutte de schnaps dans le café.
Le décret n° 54.981 du 1er octobre 1954 précise que « les fonds disponibles du compte spécial pourront être utilisés, sous forme de subventions versés pour l’amélioration de l’hygiène alimentaire et plus particulièrement pour la distribution gratuite de lait et de sucre aux enfants des écoles primaires ».
Cela faisait longtemps que Mendès-France était en campagne contre ce fléau. Alors qu’il était député de l’Eure, 1937-38, Il faisait distribuer un tiers de litre de lait par jour aux enfants des écoles d’Évreux.
En 1951, il profite d’une expérience et des travaux de Raymond Paumier, le créateur des cantines scolaires et de la protection Maternelle et infantile, sur la nutrition des enfants à l’internat de la Roseraie de Montgeron pour intégrer le lait dans le menu des pensionnaires.
Je ne me souviens plus de la date exacte du premier bol de lait, mais c’était à la « récré » l’après-midi, au moment du goûter. On sortait de la classe pour monter sous les combles, et, dans la salle de cinéma, la femme du concierge nous servait du lait chaud dans des bols tout neuf. Ces initiatives vaudront au chef du gouvernement des sarcasmes à l’Assemblée et le surnom méprisant de « Mendès-lolo ».
Je ne lisais pas les journaux à l’époque, mais j’ai su plus tard que la presse avait été conviée pour relater l’évènement. Ce ne fut pas le cas à Sarreguemines, mais dans la presse nationale, le Figaro dépêcha un jeune envoyé spécial de 25 ans, à la plume déjà bien acérée, un certain Philippe Bouvard.
Au milieu du XXème siècle en France, la consommation d’alcool est à son plus haut niveau. Les enfants, à cette époque, partaient à l’école, non seulement avec leurs cahiers et leurs livres dans leur cartable, mais aussi avec un demi-litre de vin, de bière ou de cidre (suivant les régions).
Pierre Mendès-France va interdire l’alcool à l’école en 1956.
Pour Mendès-France, l’État ne peut cautionner la consommation d’alcool et les conséquences qui ne touchent pas que les adultes. Il va organiser une riposte pour éradiquer l’alcoolisme infantile. Pour la rentrée scolaire de 1956, il va interdire purement et simplement de servir toute boisson alcoolisée dans les écoles aux enfants de moins de 14 ans. Une décision qui ne passe pas très bien auprès des familles elles mêmes. Il n’était pas rare de voir arriver à l’école, un gamin déjà pinté, car les parents avaient donné la « ration quotidienne d’alcool » dès le petit déjeuner. Il faut dire que la publicité de l’époque encourageait la consommation.
Sous l’impulsion de Mendès-France, une circulaire du 8 août 1956, signée du ministre de l’Éducation nationale, va interdire l’alcool pour les écoliers. Il faudra attendre 1981, sous François Mitterrand, pour que les boissons alcoolisées soient aussi interdites dans les lycées.