DUNKERQUE 1940

Après la percée allemande des Ardennes et l’avance fulgurante en direction de l’Ouest, puis du Nord, les Alliés vont se retrouver acculés à la mer à Dunkerque.

Une remarquable improvisation militaire va être organisée par les Anglais, l’opération « Dynamo ». Initialement estimé pour l’évacuation de 45 000 soldats en deux jours, ce sera plus de 338 226 hommes évacués en neuf jours, du 27 mai au 4 juin 1940. Parmi les évacués, 221 504 Anglais, et 123 095 Français. Menée par l’amiral Gray, l’opération « Dynamo » démarre. Il installe son PC dans la cave du château de Douvres où était installé auparavant un groupe électrogène. D’où le nom de code de ce sauvetage d’une armée entière, sauvetage qui se résume à, trop d’hommes et pas assez de bateaux.

L’opération « Dynamo » était la conséquence d’une défaite colossale des Alliés, avec un coût humain considérable. Les pertes britanniques se chiffraient à 66 426 hommes, dont 11 000 tués et plus de 41 000 disparus ou prisonniers. Les Belges comptaient 23 350 victimes et les Français perdirent 90 000 hommes. Le coût en matériel était également important, 63 879 véhicules, 20 548 motocyclettes, 77 318 tonnes de munitions et 423 630 tonnes de provisions. 236 navires de guerre furent coulés, la RAF va perdre 177 avions en neuf jours.

Du côté allemand, également de lourdes pertes, 156 000 hommes. Winston Churchill déclara à la Communes le 4 juin : « Nous devons faire très attention de na pas donner à cette délivrance les attributs d’une victoire. Les guerres ne sont pas gagnées par des évacuations ».

Dunkerque a été un moment crucial de la Seconde guerre mondiale, cette évacuation, qualifiée de « miracle » par les britanniques qui célébreront cette évacuation comme une victoire. L’Angleterre a pu continuer à se battre jusqu’à la victoire.

Nos livres d’Histoire nous parlent de l’opération « Dynamo » et des flottilles de petits bateaux privés lourdement chargés de soldats évacués, une flotte de 848 navires de tout tonnage et de tous types, dont certains ont affronté la haute mer pour la première fois. Ces mêmes livres d’Histoire occultent les faits d’armes de l’arrière-garde, sans leur bravoure et leur sacrifice, l’opération « Dynamo » n’aurait pas eu lieu.

Surprise !

Le 24 mai, les panzers de Guderian avaient franchi l’Aa, à 15 km de Dunkerque. Ils reçurent l’ordre d’Hitler de stopper leur marche en avant. Il est difficile, encore de nos jours, de comprendre et de démêler les raisons de cet ordre ; ménager la Grande-Bretagne pour aboutir à un accord de paix ? Motivation tactique pour regrouper ses forces blindées pour faire face à un éventuel sursaut français ? Le maréchal Goering a obtenu du Führer, l’honneur d’écraser, par les airs, la poche de Dunkerque ? La vérité est plus banale. Les blindés allemands étaient trop avancés, isolés de l’infanterie, des ravitaillements en carburant et de munitions. C’est donc pour réorganiser l’armée du Reich qu’Hitler donne l’ordre de stopper. Ce qui est sûr, l’ordre d’Hitler va permettre le succès de l’opération « Dynamo ». Quand les Allemands submergent, le 4 juin, les dernières défenses de Dunkerque, ils ne feront que 40 000 prisonniers. A cette date, l’armée allemande s’était emparée de près d’un million d’hommes et de la totalité du matériel des divisions alliées. Quatre-vingt trois ans après, légendes et faits se télescopent encore dans les mémoires.

Initialement, seuls les Britanniques étaient évacués, mais le 30 mai, Churchill autorise aussi l’évacuation des Français. Ce jour-là, 54 000 hommes quittent la poche de Dunkerque dont plusieurs milliers de Français. Les dernières évacuations se font dans la nuit du 3 au 4 juin car ce n’était plus possible de jour en raison de la proximité des troupes allemandes.

Derrière eux, les Anglais abandonnent 2 500 canons, plus de 60 000 véhicules divers et 450 blindés. Près de 48 000 soldats sont morts au cours de cette bataille, la plupart à bord des navires coulés. Dans la seule journée du 29 mai, la Luftwaffe envoie 200 embarcations par le fond.

Pendant longtemps, la légende a voulu que la RAF, par abnégation et dévouement de ses pilotes, avaient conservé durant dix jours la supériorité aérienne sur Dunkerque en infligeant même des pertes sévères à la Luftwaffe pour protéger les fantassins sur les plages. On a aussi accusé la RAF d’avoir été totalement absente. En vérité, la protection de la ville de Dunkerque ne pouvait se faire qu’avec des chasseurs monomoteurs, disposant d’une assez faible autonomie. Les rotations sont donc brèves, mais parfois massives. Le 28 mai, douze patrouilles se succèdent au-dessus de Dunkerque avec à chaque fois une vingtaine d’avions. Les Allemands lanceront cinq raids aériens sur Dunkerque entre le 28 mai et le 4 juin. La RAF ne sera en mesure de s’opposer qu’à deux d’entre eux.

A la fin de la bataille, les Français qui n’ont pas été tués sont capturés, en grande partie sur la plage de Malo-les-Bains. Ils vont marcher jusqu’à la frontière allemande avant d’être répartis dans différents camps de prisonniers. Après un séjour en Angleterre de 3 à 4 jours, ceux qui sont parvenus à être évacué, seront renvoyés en France, à la demande du gouvernement français, qui cherche désespérément des renforts, vers Cherbourg et Brest, pour continuer le combat. Le 10 juin, il ne reste en Angleterre qu’environ 2 000 blessés français intransportables.

L’ « incroyable armada ».

La « home fleet » va rassembler tout ce qui navigue, flotte et ne prend pas l’eau. 39 destroyers, des dragueurs de mines et des bâtiments de toutes les tailles. Les navires de guerre à fort tirant d’eau, les empêchent de s’approcher des côtes et sont obligés de mouiller au large. Des ferries, des chalutiers, des canots de sauvetages, des remorqueurs et des yachts privés, sont alors mobilisés pour assurer le transport des soldats entre la plage et les gros navires. 848 navires traverseront le channel pour porter secours aux soldats. Il y a des chalutiers, des bateaux de pêche, des yachts de plaisance, des remorqueurs … 226 seront détruits dont « La Malle of the Channel » et 6 destroyers. Une trentaine de caboteurs néerlandais ayant échappé aux Allemands viendront également se joindre à cette flotte hétéroclite. Ils sauveront 25 000 hommes. Il y a aussi, et en on parle peu, la Marine française avec 69 bâtiments et 86 bâtiments de la flotte auxiliaire, 50 navires de commerce et 91 bâtiments de pêche. Ils sauveront 48 474 soldats français.

Effectué dans des conditions effroyables, près de 800 avions de la Luftwaffe mitraillent les plages et les petits navires. Ils en couleront près de 250. Entre le 26 mai et le 3 juin, la RAF  fera 171 reconnaissances, 651 bombardements et 2 739 rotations d’avions de chasse. Les allemands perdront 262 appareils dont 106 chasseurs. Du côté britannique, 133 pertes de chasseurs sont enregistrées.

Pendant longtemps, le mythe tenace de l’inutilité de la Ligne Maginot nous a été vendu comme étant responsable de la tragédie de 1940, c’est plutôt l’inverse. Le plan Dyle-Breda, prévoyait, en cas d’attaque allemande, de porter nos réserves et les troupes mobiles en Belgique. Malheureusement, les Allemands ont choisi de passer par les Ardennes, ce qui eu des conséquences désastreuses pour le commandement français, incapable de réagir et pour les forces britanniques qui se trouve encerclées et coupées de l’armée française.

Anglais et Français avaient établi un accord stipulant qu’aucun des deux ne conclurait de paix séparée (le maréchal Pétain signera pourtant le 22 mai l’armistice à Compiègne). Le 19 mai, le général Gort accepte le principe d’une attaque conjointe dans le secteur d’Arras, avec deux divisions d’infanterie et une brigade blindée et des éléments de la 3ème Division légère mécanisée française. La 7ème Division blindée du général Rommel fera les frais de cette contre-attaque avant que l’aviation allemande ne rétablisse la situation.

ROMMEL ET SON E-M PRÈS D’ARRAS EN 1940

Rommel et sa 7ème Panzerdivision avait l’intention de contourner Arras pour s’emparer des ponts sur la Scarpe, mais il va se heurter à une très forte opposition des chars britanniques et français. Dans la forêt de Mormal, les combats ont fait rage toute la nuit. Vers 08h00, les tirailleurs de la 5ème division d’infanterie Nord-Africaine tentent d’échapper à l’encerclement. A Englefontaine, ils attaquent à la baïonnette les nids de mitrailleuses allemandes.

Contrairement aux État-major alliés, les Allemands ont une vision très précise de la situation. Il y a 12 fois plus d’opérateurs radio que dans l’armée française.

Hitler donne aux panzers l’autorisation de repartir vers l’avant. Rommel veut renouveler ses exploits de l’Avesnois et fait démarrer ses chars à toute allure. Derrière lui, la division SS Totenkopf et l’infanterie ne suivent pas le rythme. C’est une aubaine pour les Britanniques et les Français qui décident de contre attaquer en début de l’après-midi. L’infanterie allemande se trouve nez à nez avec 88 chars anglais près d’Achicourt. Parmi les blindés britanniques, 14 chars Matilda au blindage de 80 mm. L’infanterie allemande ne peut rien contre eux. 60 chars français attaquent en direction de Dainville. L’attaque est si violente que les lignes d’infanterie allemandes sont percées. A 16h00, Rommel fait demi-tour pour venir en aide à ses fantassins. Localement, les chars alliés remportent des combats. Lorsque des chars Matilda écrasent sous leurs chenilles une batterie de canons et ses artilleurs, la panique gagne de nombreux Allemands. Mais Rommel reprend les choses en main au plus près du terrain, s’exposant dangereusement et frôlant la mort. Son officier d’ordonnance est mortellement blessé à côté de lui. Finalement, en utilisant les canons anti-aériens de 88 mm en tir tendu, les Allemands trouvent la parade au blindage des chars alliés. Avec 300 interventions de Stukas, la contre-offensive alliée est définitivement stoppée. Rommel perd 700 hommes en une après-midi ainsi qu’une vingtaine de blindés.

Sans appui aérien, avec trop peu d’infanterie et d’artillerie, l’offensive des chars alliés était vouée à l’échec. A Berlin, l’État-major allemand imagine qu’une autre contre-attaque est possible. Il ordonne une nouvelle fois de stopper l’avancée des Panzers. Les Britanniques en profitent pour se retrancher dans Arras, et les Français s’organisent pour bloquer l’avancée allemande vers le bassin minier.

Sans en référer au commandement français, le corps expéditionnaire britannique se met en route vers Dunkerque, abandonnant à elles-mêmes sept divisions de la 1ère armée française (ce qui en reste) qui aux ordres du général Molinié, vont défendre héroïquement Lille pendant six jours.

Le bilan sera lourd puisqu’en combattant jusqu’à épuisement des munitions, les troupes françaises laissent 40 000 prisonniers aux mains de l’ennemi avec une demi-douzaine de généraux (dont le futur maréchal Juin).

Le général Janssen, à la tête de la 12ème Division d’infanterie motorisée (D.I.M.)  va parvenir à échapper à l’encerclement des armées du Nord, le 29 mai, avec le reste de sa division, environ 8 000 hommes exténués. Le capitaine Pommery du 3ème bureau de la division écrira : « De tous côté, il y a des brasiers. Ce sont des maisons qui flambent ou des bateaux qui se consument. Une extraordinaire armada attend, dans le port ou au large des plages, les détachements britanniques et on distingue nettement les files humaines qui pénètrent dans l’eau à la rencontre des chaloupes. Bien entendu, la Luftwaffe se rue à la curée et elle pilonne sans arrêt les carrefours, les plages, les môles et les bateaux. Des centaines de flocons bleus de la DCA escortent ses formations. L’artillerie allemande à longue portée vient de se manifester et ses salves espacées commencent à s’abattre sur le port, les abords du bastion et les ruines de l’arsenal ». (Archives militaires françaises. Vincennes)

Au bastion 32, PC de l’amiral Abrial, responsable de la défense de Dunkerque, le général Janssen qui avait reçu initialement la mission d’embarquer au plus vite sa division, afin d’évacuer le maximum de combattants en Angleterre et de là en France, pour leur faire reprendre le combat, reçoit une nouvelle mission, défendre le flanc Est de la tête de pont, la région des Moëres, très menacée par l’avant-garde de la 9ème Panzer. Après trois semaines d’enfer, les unités acceptent de tourner de dos à la mer et de faire face à l’ennemi avec pour seule promesse : « Vous embarquerez les derniers ».

Le général Janssen rameute tout ce qu’il peut, soldats égarés qu’il fait rééquiper avec du matériel abandonné, même quelques chars, et organise la défense du réduit de Dunkerque formant un trapèze, la mer entre Mardyck et la frontière belge constitue la base. Côté Ouest, de Mardyck à Spicker, ce secteur est tenu par la 68ème D.I. du général Beaufrère. Le côté Sud suit les canaux de la Haute et Basse-Colme, elle est à la charge des troupes du secteur fortifié des Flandres (S.F.F.) renforcées par le 137ème R.I. et un bataillon des Loyals, qui sans préavis se retirera vers le port le 1er juin. Le côté Est revient à la D.I.M., elle va de Hondschoot jusqu’à la mer. Janssen installe son PC à Malo-Terminus et établit sa principale résistance sur le canal des Chats.

Général Janssen
Fort des Dunes le 1er juin 1940

Il faut noter qu’à ce moment-là, le roi des Belges, Léopold III, qui avait ordonné la reddition de son armée le 28 mai, parce qu’il estimait que l’abandon des Britanniques qui se dirigeaient vers Dunkerque avait laissé le flanc droit subitement dégarni, sans possibilité de combler le vide. Le roi ne contactera non plus les Français pour les avertir de sa décision. L’armée belge, 400 000 hommes, et son roi sera fait prisonnier, le roi voulant rester avec ses soldats.

Le 1er juin, à l’aube, après une violente concentration d’artillerie, les Allemands attaquent sur tout le périmètre du réduit. L’ennemi n’est plus qu’à huit kilomètres du port. Contraint d’évacuer son PC pris sous les bombes, le général Janssen s’installe dans l’après-midi au fort des Dunes. Sur un champ de bataille en partie inondé, les Français se battent sous les assauts des Stukas A trois contre un, les Allemands gagnent du terrain, mais ne perce nulle part.

Le 2 juin, les derniers Anglais quittaient la terre de France. Le même jour, à 18h15, le  général Janssen est tué par une bombe dans son PC du fort des Dunes. C’est le colonel Blanchon, le plus ancien des colonels de la division, qui prend le commandement de la division.

Une fois les Anglais sauvés, c’est maintenant au tour des Français d’embarquer. La nuit du 2 au 3 juin, est fixée par l’Amirauté comme étant la dernière évacuation de l’opération « Dynamo ». Mais trop d’hommes sont laissés sur la ligne de feu. Plusieurs navires attendent en vain et repartent à vide.

Le 3 au soir, l’ennemi n’est plus qu’à trois kilomètres du port, mais épuisé par les durs combats, ils marquent une pause avant l’assaut final. L’ordre est donné aux défenseurs de Dunkerque de décrocher. Fantassins, artilleurs, sapeurs, quittent alors leurs emplacements de combat et se dirigent vers le port. Ces vaillants combattants vont se heurter à une véritable muraille humaine qui encombre les plages et le port. Aucun de ce qui reste des 40 000 défenseurs de Dunkerque n’aura la possibilité de monter à bord d’un navire.

Les trompettes de la propagande anglaises vont parler abondamment de cette victoire. Et c’en est une ! Mais peu parleront des soldats Français qui, par leur courage, ont permis la réussite de l’opération « Dynamo ». Le sacrifice des soldats Français, qui ont contenu partout l’ennemi, sans armes lourdes et en infériorité numérique, un contre dix, voire un contre trente dans certains secteurs.

Liste des divisions et régiments français ayant pris part à la défense de Dunkerque :

  • Secteur fortifié des Flandres (SFF) avec le 110èmeI., 124ème R.I. et 16ème Rgt Régional
  • La 12èmeI.M. avec le 8ème Zouaves, 106ème R.I., 150ème R.I., 25ème R.A., 225ème RAL, 3ème GRDI
  • La 21èmeI. avec le 48ème R.I., 137ème R.I., 65ème R.I., 35ème R.A., 235ème RAL, 27ème GRDI
  • La 32èmeI. avec le 7ème R.I., 143ème R.I., 122ème R.I., 3ème R.A., 203ème R.A.
  • La 60èmeI. avec le 241ème R.I., 270ème R.I., 271ème R.I., 68ème GRDI, 50ème R.A.
  • La 68èmeI. avec le 224ème R.I., 225ème R.I., 341ème R.I., 89ème R.A., 289ème R.A., 59ème GRDI
MÉDAILLE COMMÉMORATIVE DE DUNKERQUE