HISTORIQUE DE LA 6ème CPIMa (Extraits)

HISTORIQUE de la 6ème C.P.I.Ma

(Compagnie Parachutiste d’Infanterie de Marine)

BREF HISTORIQUE DES UNITÉS PEU CONNUES DES PARACHUTISTES COLONIAUX FRANÇAIS (PUIS TROUPES DE MARINE) EN AFRIQUE ÉQUATORIALE FRANÇAISE ET AU CAMEROUN (AEF-CAMEROUN).

Dès la fin du 2ème conflit mondial, les responsables de la défense de l’Empire, comme on disait alors, comprirent l’intérêt de disposer d’unités parachutistes positionnées dans nos colonies, pour parer à toute éventualité, alors que l’Indochine et Madagascar s’embrasaient. En 1947, ne pouvant simultanément fournir les personnels professionnels pour les opérations d’Indochine et de Madagascar, les chefs d’état-major décidèrent d’envoyer d’urgence des unités fournies par les parachutistes métropolitains à Dakar, Tananarive et  Brazzaville. En 1948, la situation était rétablie à Madagascar. Alors, les troupes coloniales formèrent et mirent en place :

  • Le 4ème Bataillon Colonial de Commandos Parachutistes (BCCP) à Dakar. Il deviendra, à l’issue de notre conflit indochinois, le 7ème Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine,
  • Un Groupe Colonial de Commandos Parachutistes à Tananarive, ultérieurement transformé en 5ème Bataillon de Parachutistes Coloniaux, puis en 2ème Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine,
  • Un Groupe Colonial de Commandos Parachutistes (GCCP AEF/Cameroun)) à Brazzaville.

Formé au camp de Meucon en mai 1948, le GCCP est une unité formant corps, créée administrativement le 11 septembre 1948, jour de son embarquement à Bordeaux sur le SS Foucauld. Le premier chef du GCCP fut le capitaine Ferrano, ancien de l’épopée de la France Libre en AEF et notamment au Tchad, Compagnon de la Libération. L’unité comprend environ 150 officiers, sous-officiers et parachutistes, organisés en un élément de commandement, une section technique des unités parachutistes (STUP) chargée du pliage et de la conservation des parachutes, et de deux commandos de combat d’une quarantaine d’hommes, engagés et appelés volontaires pour le service outre-mer. Le GCCP débarque à Pointe-Noire le 30 septembre 1948, et il rejoint Brazzaville le 10 octobre 1948. La période est calme. Le GCCP s’instruit et s’initie à la vie en brousse sous des climats sévères. Il participe essentiellement à des actions de présence, et aux manœuvres des différents territoires de l’AEF et du Cameroun. Il faut rappeler que la domination française dans nos colonies s’est exercée avec des effectifs minimes : moins de 5 000 hommes pour l’ensemble de l’AEF-Cameroun de 1945 à 1962. En 1956, le GCCP a traversé au Moyen-Congo, à 300 kilomètres de Brazzaville, des zones où l’on n’avait plus vu de militaires français depuis la conquête ! Et jusqu’à cette année, les cartes comportaient, quand elles existaient, d’immenses blancs « zones non reconnues ». Les cadres devaient participer à de nombreuses reconnaissances, et nous rapportions à chaque sortie des relevés d’itinéraires. En 1956 et 1957, le GCCP forma les premiers parachutistes africains, issus des différents territoires de l’AEF et du Cameroun. Initialement, ils devaient nous servir d’interprètes, mais ils furent les cadres des meilleures unités nationales après leur indépendance.

Le GCCP AEF-Cameroun fut transformé, sans changement de structure, en Compagnie de Parachutistes Coloniaux d’AEF, le 1er août 1957, puis en Compagnie Parachutiste d’Infanterie de Marine d’AEF (CPIMa) le 1er décembre 1958, en Compagnie Autonome Parachutiste d’Infanterie de Marine (CAPIMa) le 1er février 1963. Le 1er octobre 1964, elle devient la 6ème Compagnie Parachutiste d’Infanterie de Marine (6ème CPIMa) rattachée au 6ème Régiment Interarmes d’Outre-mer (RIAOM) installé d’abord au Camp Leclerc à Bouar (Centre-Afrique), puis, à partir du 23 mars 1965, au Camp Dubut à Fort-Lamy (N’Djamena aujourd’hui). Sa structure fut alors modifiée et elle compta jusqu’à quatre commandos.

Les élections en Afrique donnent souvent lieu à des incidents. Le 2 janvier 1956, lors des élections législatives, des émeutes éclatent entre les partisans de l’ancien député Tchicaya, un côtier de Pointe-Noire, et ceux de Fulbert Youlou, de l’ethnie Bacongo. Les rivalités entre côtiers et peuples de l’intérieur de l’Afrique sont tenaces ; beaucoup de côtiers furent les intermédiaires entre les négriers européens et africains à l’époque de l’esclavage. Le GCCP, aux ordres du capitaine Dupouy, fut employé pendant deux semaines pour protéger les personnes et les biens à Poto-Poto, le village de la banlieue de Brazzaville où se mélangeaient toutes les ethnies de l’AEF, et pour rétablir le calme.

Cameroun 1956

Depuis 1955, la situation se tendait au Cameroun, en particulier dans la région forestière de la Sanaga maritime. Les incidents se multiplièrent : Ruben Oum Niobé avait créé une union des peuples du Cameroun (UPC) qui prônait l’indépendance, ainsi qu’un régime marxiste. Le GCCP fût placé en alerte du 10 au 19 décembre 1956. Le 20 au matin, l’alerte fut levée, mais en fin de matinée, l’ordre de partir au Cameroun est donné, car des incidents graves avaient éclaté dans la nuit. Le GCCP est aérotransporté à Yaoundé, capital du Cameroun, où il reçu les ordres pour un parachutage à Eséka, alors important centre de l’industrie de l’aluminium, isolé par la rébellion. Parachutés dans l’après-midi sur une étroite piste d’aviation ouverte au cœur de la forêt, Le GCCP est rejoint le lendemain par une compagnie du Bataillon de Tirailleurs de Yaoundé. C’était l’heureuse époque où le parachutage d’une section rétablissait le calme à 200 kilomètres à la ronde. Le 25 décembre, le GCCP est aérotransporté sur Brazzaville.

Opération du Gabon 1964

Le 17 février 1964, un coup d’état militaire renverse le Président Léon M’Ba, président du Gabon.

Le Général Kergaravat, commandant la Zone d’Outre-mer n°2 (c’est-à-dire l’ex AEF) reçoit l’ordre de restaurer la légalité au Gabon et de libérer le président M’ba. Une opération est montée avec le 6ème RIAOM, une compagnie du 7ème RPIMa et la CAPIMa, alors aux ordres du capitaine Dominique.

Le capitaine Dominique

L’aérotransport d’un commando de la CAPIMa permet de contrôler l’aéroport de Libreville, où se posent ensuite les divers éléments qui participent à l’opération. Reste à neutraliser le camp Baraka, où les rebelles se sont retranchés. Dominique parvient à faire admettre que la meilleure solution est d’infiltrer de nuit la CAPIMa, jusqu’aux abords du Camp Baraka, tandis que le 6ème RIAOM progressera par les axes routiers. À l’aube du 19 février 1964, les parachutistes sont en place. Les mutins ouvrent le feu lorsque Dominique tente de les inciter à se rendre. L’assaut qui suit permet de nettoyer le camp. Nous avons notre premier tué, le parachutiste Arnaud, et trois blessés. Cette action permet la liquidation de la rébellion et la libération du Président Léon M’Ba deux jours plus tard.

Tchad, 1968-1975

Deux fois et demie grand comme la France, avec au Sud, des populations chrétienne ou animiste qui furent, durant des siècles, le terrain de chasse des négriers musulmans du Nord, le Tchad a subi bien des vicissitudes depuis l’indépendance prématurée de 1960. Le premier chef d’État, François Tombalbaye et son administration accumulèrent les fautes politiques. Elles déclenchèrent dès 1965, des jacqueries, des révoltes musulmanes, puis un coup d’état militaire en 1975. Ensuite, les menées du Soudan, du Nigéria et surtout de la Libye, provoquèrent des interventions de la France. Des intellectuels, formés en Corée du Nord, en Égypte, etc, créèrent différents mouvements (Front de Libération Nationale du Tchad, Front de Libération Tchadien, etc) qui avaient des bases ethniques, et surtout musulmanes. Les Toubous, habitants des massifs montagneux du Nord, luttèrent pour le respect de leurs libertés et de leurs coutumes. Les rebelles, notamment au Nord, furent de rudes guerriers, bien armés de fusils Stati provenant de Libye, et d’armes prises à l’armée Tchadienne.

Quelques opérations

D’une façon générale, la mobilité opérationnelle et la logistique reposèrent autant sur l’aérotransport que sur la voie routière. L’armée de l’air, par ses chasseurs bombardiers, et les hélicoptères nous assurèrent la supériorité du feu. Les déplacements tactiques furent accélérés par les héliportages.

En 1968, la 6ème CPIMa intervient d’août à novembre pour défendre Zouar et Bardaï au Tibesti. En 1969, la situation se dégrade à nouveau, et le général Cortadellas prend la direction des opérations de septembre 1969 à août 1972. Son chef d’état-major est le chef de bataillon Dominique, ancien commandant de la CAPIMa. Cet officier connaît bien le Nord du Tchad, où il commanda, à Faya-Largeau en 1961, une compagnie saharienne motorisée. Engagé à N’Gourma, au nord-ouest de Faya-Largeau, la CPIMa déplore son premier tué au Tchad, le parachutiste Desrue, le 7 septembre 1969. La décision est alors prise par le gouvernement de renvoyer les appelés en France et de les remplacer par des engagés.

En décembre 1969, la CPIMa, aux ordres du capitaine Soissong, est aéroportée à Goz Beïda dans l’est du Tchad, à la suite d’une embuscade où la garnison locale a perdu du monde et du matériel : 56 rebelles sont mis hors de combat et un armement important est récupéré.

Au début de 1970, lors des opérations pour reprendre le poste d’Ounianga Kébir, la CPIMa est à nouveau engagée. À Gouro, le 24 mars 1970, les rebelles perdent 84 tués et 63 armes. De notre côté, 5 parachutistes, dont le médecin de 1ère classe Garcia, sont tombés au champ d’honneur.

Début août 1970, une section de la CPIMa est mise en place à Ounianga Kébir. Lors d’une opération vers Gouro, le lieutenant Chaussin est tué le 8 août. En octobre, au retour d’une opération dans la région de Bedo, au nord de Faya Largeau, la CPIMa est prise dans une embuscade tendue par une centaine de rebelles. Ce sera l’affaire la plus coûteuse de cette campagne. Nous déplorons 12 parachutistes tués et 26 blessés. Les rebelles laissent sur le terrain au moins 40 hommes et une douzaine d’armes. Une trentaine des leurs, blessés, se sont échappés. Des actions permettent de porter des coups très durs à l’infrastructure rebelle, notamment le 27 octobre à Goubone. Lors des opérations dans le Tibesti du 11 janvier 1971 au 31 mars 1971, la CPIMa participe à la réduction d’une bande très active vers Moyounga, au nord-est de Gouro. Les rebelles laissent sur le terrain 10 morts, un blessé, des armes. Chez nous, le sergent-chef Cortadellas, fils du général, meurt le 23 janvier, et 3 parachutistes sont blessés. Du 17 au 19 juin 1971, une importante bande est détruite à Kouroudi, dans le Borkou, à 100 kilomètres au nord de Faya-Largeau, à l’issue d’une manœuvre inter-armée impeccable. En février 1972, la région de Mangalmé connait un accès de fièvre. La CPIMa abat 3 rebelles lors d’un premier accrochage, mais la bande parvient à s’échapper. Le 18 février, à Am Dagachi, la CPIMa accroche la bande qui perd 49 tués, 7 prisonniers et 30 armes.

Ce fut la dernière opération importante de la CPIMa. Le coup d’état du 13 avril 1975 entraîne la mort de Tombalbaye et son remplacement par un Comité supérieur militaire dirigé par le général Maloum.

Conclusion

Pendant près de trente ans, une petite unité parachutiste fut le fer de lance de la présence française en AEF, au Cameroun et au Tchad. Son épopée rappelle qu’il suffit parfois de quelques combattants manœuvriers et décidés pour modifier le cours de l’Histoire. La décolonisation en AEF et surtout au Tchad fut menée de façon aberrante, ces pays furent confiés à des dirigeants incompétents. Le Tchad, de surcroît, était entouré d’états malveillants, Libye, Soudan, Nigéria. Fallait-il être grand clerc pour comprendre que les premiers pas de ce nouvel État tchadien seraient difficiles, fragilisé qu’il était par l’antagonisme entre le Nord musulman et le Sud chrétien ou animiste ? 27 parachutistes, dont 2 officiers de la CAPIMa ou de la CPIMa sont tombés au champ d’honneur, un au Gabon, les autres au Tchad, pour pallier les incertitudes et les maladresses de nos gouvernements.

Ne les oublions pas.

Sur cette photographie, nous pouvons reconnaître :

  • Le capitaine Soissong (nu-tête, 2ème en partant de la gauche),
  • Le sergent Durdan (au centre avec moustache),
  • Le sergent-chef Jacky HEIM, chef d’atelier auto,
  • Le caporal-chef Bedel, infirmier de la commandement (avec les lunettes sable sur la casquette),
  • Le « radio » du 1er commando (dernier à droite de face).

LES ÉLÉPHANTS NOIRS

Le Groupement Colonial  de Commandos Parachutistes d’Afrique Équatoriale Française

Le GCCP-AEF est créé le 11 novembre 1948 à Brazzaville (Congo). Après plusieurs changements d’appellation, il devient, le 1er octobre 1964, la 6ème Compagnie Parachutiste d’Infanterie de Marine. Elle est rattachée au 6ème Régiment interarmes d’Outre-mer, d’abord à Bouar, (République Centrafricaine), puis, à partir de 1965, à Fort-Lamy (Tchad). Elle fut dissoute en 1975.

L’insigne de l’unité se compose de l’Ancre de Marine en métal doré supportant une sphère formée de trois coupoles de parachutes en métal argenté, sur laquelle figure une tête d’éléphant, en émail noir, dont les défenses sont blanches.

La 6ème CPIMa a perdu au combat 27 des siens « Morts pour la France », et eut à déplorer plus de 60 blessés. Ces parachutistes furent les oubliés de la France et de nos institutions.

Aujourd’hui encore, beaucoup de militaires ignorent que ce combat fut le plus meurtrier depuis la fin de la guerre d’Algérie.


Note de l’Auteur : Vous venez de lire quelques courts extraits du livre “HISTORIQUE DE LA 6ème CPIMa”.

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Et vous pouvez lire la critique rédigée par le Général (2S) Jean-Marc Marill, ancien Directeur du Centre historique des Archives de la Défense à Vincennes, et Docteur en histoire de l’université Paris I Sorbonne, et parue dans le numéro 438 de la revue “L’Ancre d’Or – Bazeilles” de septembre-octobre 2020, en cliquant sur ce lien.