LA CEINTURE DE CHASTETÉ

Encore une histoire fausse bien ancrée dans les têtes. Ces preux chevaliers qui partaient en croisade, laissant leur belle dame dans le donjon humide d’un château, unCeinture truc dans le genre de « Sœur Anne ne vois-tu rien venir… ». Seulement voilà ! La ceinture de chasteté était inconnue aux temps des croisades et ce n’est que vers le XV° siècle que nos braves seigneurs, las d’être cornus, imposèrent cet instrument à la gent féminine.

Protection contre le viol ? Garantie de fidélité conjugale ? Jeu érotique ou instrument de torture ? En tout cas, cet instrument a fait le bonheur des serruriers de l’époque qui souvent, après avoir libéré la belle, se servaient en premier de « l’ouverture » qui se proposait. Histoires croustillantes et chansons à foison nous viennent de cette époque, dont les textes suffisent à eux-mêmes pour nous éclairer sur le sujet. Aussi, au lieu de « m’étendre » sur le sujet en question, voici le texte d’une vieille chanson :

Partant pour la croisade,

Un seigneur fort jaloux

De l’honneur de sa dame,

Et de son droit d’époux,

Fit faire une ceinture

Au solide fermoir

Qu’il attacha lui-même

A sa belle un beau soir.

 

Une fois la ceinture

Solidement bouclée,

Il partit triomphant

En emportant la clé.

Depuis, la tendre Yseult

Soupire nuit et jour

« Quand te rouvriras-tu ?

Prison de mes amours »

 

Or, elle fit connaissance

Le soir, au fond des bois,

D’un jeune troubadour,

Poète montmartrois.

« Voyons, lui dit Yseult,

Voulez-vous essayer

Si l’amour d’un poète

Peut faire un serrurier ».

Elle était si jolie,

Et belle et tant et tant,

Que le fermoir céda

Et qu’elle en fit autant.

Depuis près de trois ans,

Durait leur tendre amour,

Quand le seigneur revint,

Avec cors et tambours.

 

Notre belle était grosse

Environ de neuf mois,

S’écria « Sur ma vie,

Quel malheur j’entrevois !

Remettons la ceinture,

En la serrant un peu,

Ton jaloux, dit l’amant,

N’y verra que du feu »

 

Le sir s’en aperçut

Et se mit en courroux.

« De quoi vous plaignez-vous

Seigneur ? Il est à vous

Depuis bientôt trois ans,

Fermé à double tour,

Ce fils, noble seigneur,

Attend votre retour ».

 

Miracle ! cria-t-il,

Femme au cœur vertueux,

Ouvrons bien vite la porte

Au fils respectueux,

Et de joie aussitôt,

Yseult a enfanté.

Mais depuis, la ceinture,

C’est lui qui se la met.