ET LE CERF ARRIVA …
Nous sommes en août 1862, l’Isis, une frégate venant de France via l’île de La Réunion, accoste à Nouméa. De curieux personnages à chapeau débarquent et surveillent un déchargement tout aussi surprenant. En effet, sont mis à terre une douzaine de moutons, des paniers avec des cailles, d’autres avec des perdreaux. Puis cinquante tortues terrestres, et… un couple de cerf.
Cerf rusa mâle
et femelle
L’homme qui amène cette cargaison, c’est Adolphe Boutan, un agronome qui a désormais la charge de faire prospérer animaux et plantes, pour subvenir aux besoins croissants de la population sur la Grande île. Sur le quai, les badauds, avec étonnement et intérêt, étaient particulièrement attirés par ce couple de cerfs. Le mâle avec une fière allure, la tête haute et l’œil vif. La femelle, un peu plus craintive, aux yeux de biche apeurée, cherchant refuge près du mâle. Ils avaient tout deux un pelage brun magnifique. L’espèce était peu connue, ce sont des cerfs rusa ou cerfs de Java. En 1870, 12 cerfs viendront compléter le cheptel calédonien.
Ce cervidé est un mammifère herbivore, occasionnellement gourmand de fruits tombés de l’arbre. Il pèse environ 100 kg, d’une hauteur d’épaule de 90 à 110 cm. Les bois sont présents uniquement chez le mâle et comptent trois andouillers de 60 à 75 cm. La femelle, plus petite, pèse de 60 à 80 kg. Ce sont des animaux sédentaires, très fidèles à leur habitat dont ils ne changent jamais. Il boit très peu, se contentant de l’humidité des plantes qu’il consomme. Polygame, les mâles sont en compétition pour l’accès aux femelles réceptives. Les accouplements se font en septembre-octobre et les faons naissent en avril-mai après 8 mois de gestation, ils sont sevrés vers 6 à 8 mois. L’espérance de vie du cerf rusa, à l’état sauvage, est d’environ 15 ans. Le cerf rusa est très actif en début de journée et le soir, son instinct prudent fait qu’il est rarement vu à découvert. Mâles et femelles vivent séparément une grande partie de l’année, sauf pendant la saison des amours.
L’homme est son principal prédateur. En Nouvelle-Calédonie, les cerfs sont devenus un fléau pour la nature et pour les cultures du fait de sa surpopulation. Entre 250 000 et 370 000 cerfs, soit davantage que d’humains (250 000 hab.) vivent sur la Grande Terre. Le cerf a une place à part en Nouvelle-Calédonie malgré les dégâts. Il figure sur les billets de banque, a un aspect nourricier et pour le loisir, la chasse est très pratiquée en Nouvelle-Calédonie.
Mais qui était Adolphe Boutan ?
Il est né le 15 janvier 1828 à Sussac dans le Gers. Ancien élève à l’école d’agriculture de Grignon, il arrive en Nouvelle-Calédonie avec Eugène Vieillard et Ulysse de La Hautière. Il deviendra directeur de la ferme-école qu’il installera au Pont des Français. Il introduira également des chevaux qu’il ira lui-même choisir en Australie et lancera les courses à Nouméa (16 août 1865). Il sera le premier président de la Société des courses.