QUAND NOS SOLDATS PARTAIENT A LA GUERRE EN TAXI

Nous sommes au début de septembre 1914, l’aile gauche de l’armée française est en difficulté, ce qui fait craindre le pire à l’État-major. Paris est menacée. Une action inédite avec les taxis parisiens, en majorité des Renault AG 1 Landaulet, va être lancée les 6 et 7 septembre 1914, pour transporter environ 6 000 hommes vers le front de la Marne.

Cette action découle du fait de deux accidents sur les voies ferrées : un tamponnement et un déraillement entre Troyes et Montereau qui ralentissent les transports. Il y a donc urgence.

CONCENTRATION DE TAXIS SUR L’ESPLANADE DES INVALIDES

Cette idée originale vient du gouverneur militaire de Paris, le général Gallieni, ainsi que du général Clergerie et d’André Walewski, fondateur de la Compagnie française des automobiles de place.

Trois compagnies de transport se partagent la ville : le Kermina Métropole G2, la Compagnie Générale des voitures à Paris G3 et Auto place G7. Cette dernière compagnie existe toujours de nos jours. 85 % étaient des Renault AG1 Landaulet, mais il y avait aussi d’autres modèles, De Dion-Bouton, Brasier, Unic et Peugeot.

630 taxis parisiens sont rassemblés pour un premier convoi, pour transporter les soldats, sur l’esplanade des Invalides. Ils partiront au cours de la nuit vers Tremblay-lès- Gonesse (Tremblay-en-France de nos jours). Pour des questions de logistique, ce convoi redescend sur Servan-Livry. Pendant ce temps, un second convoi d’un millier de véhicules (beaucoup de bus) quitte les Invalides pour rejoindre Gagny. Pour charger les troupes et organiser les convois, taxis et bus sont rassemblés à Gagny et à Livry-Gargan, sur la grande place (place Foch de nos jours). Le général Gallieni se rend sur les lieux pour s’assurer du bon  déroulement du dispositif.

TAXI IMMATRICULÉ 2862-G7 A PARTICIPÉ AU TRANSPORT DES SOLDATS (MUSÉE DE L’ARMÉE)

JOURNAL DES MARCHES ET OPÉRATIONS DU 103ème R.I.
ITINÉRAIRES DES CONVOIS

Les 6 et 7 septembre 1914, l’armée allemande franchit la Marne, faute de trains, l’État-major français réquisitionne 1 300 taxis parisiens afin de transporter rapidement des renforts vers le front. Sur la rive gauche du fleuve, les armées françaises et anglaises font face à un grand nombre d’ennemis. Le front, d’une longueur de 300 km, voit s’opposer 900 000 soldats allemands à un million de soldats français et britanniques. La situation est critique. Le général Joffre, commandant en chef des opérations rédige, le 5 septembre au soir, un ordre du jour : « Au moment où s’engage une bataille dont dépend le sort du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et à refouler l’ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer, devra coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée ».

Alors que les ulhans allemands ont été signalés à seulement quelques kilomètres de Paris, le général Gallieni, le général Clergerie et le propriétaire de la Compagnie française des automobiles de place, ont une idée pour renforcer la 7ème armée du général Maunoury, à l’extrême gauche du dispositif qui est face à la 1ère armée du général von Kluck.

L’idée n’est pas nouvelle. Fin août 1914, des taxis avaient déjà participé au ravitaillement du camp retranché de Paris sous l’initiative de l’intendant général Burguet. Depuis, le général Gallieni possède une réserve de 150 taxis disponible en permanence. La capitale dispose environ de 10 000 taxis, mais 7 000 conducteurs sont déjà mobilisés aux armées.

Dans la nuit du 6 au 7 septembre 1914, le premier convoi de 630 taxis prend la direction de Tremblay-lès-Gonesse et Mesnil-Amelot avant d’atteindre Livry-Gargon et Servan-Livry. Chaque taxi emporte 5 soldats avec leur paquetage. Un peu plus tard dans la journée, un second convoi de 700 véhicules quitte la capitale pour rejoindre Gagny.

Au total, les taxis prennent en charge 6 000 fantassins de la 14ème brigade de la 7ème division d’infanterie sous les ordres du général de Trentinian. Le lundi 7 septembre dans la nuit, les deux bataillons du 104ème R.I. débarquent à Nanteuil-le-Haudoin, dans l’Oise, suivi par les trois bataillons du 103ème R.I. qui débarquent le 8 septembre à l’aube, à Silly-le-Long, au Sud de Nanteuil-le-Haudoin.

Une fois les soldats déposés à proximité du front de la Marne, les conducteurs de taxis rentrent à Paris, les compagnies de taxis sont payées 70 102 francs (223 850 €) par le Ministère de la guerre, soit le prix affiché au compteur pour une course habituelle.

L’épisode des taxis de la Marne ne fut pas décisif pour cette première bataille de la Marne, l’initiative a tout de même contribué à stopper l’avancée des troupes ennemies, mais l’Histoire a surtout marqué les esprits psychologiquement. Par son ampleur inédite et l’implication de la population, les taxis de la Marne sont devenus une légende, le symbole de la solidarité et de la détermination nationale. Comme toutes les légendes, les faits sont amplifiés et deviennent un exploit sensationnel. Mais soyons juste, ramenons à ses justes proportions le rôle des conducteurs de taxi, cela ne dépréciera en rien le mérite de ces modestes auxiliaires occasionnels, ni les services rendus.

Comme on dit dans nos armées : « l’intendance suit ». En effet, les conducteurs de taxis doivent être nourris. Le lieutenant Lefas a pu réquisitionner auprès de l’intendance des vivres auxquels les conducteurs de taxis affamés ont fait honneur, bien que quelques édentés se plaignent de la dureté du pain de guerre.

La logistique, elle aussi, doit être présente. Le général Laude, directeur des transports, met en place, des camions de vivres, huile, essence et pneus, ainsi que des voitures de dépannage avec mécaniciens et outillages. Il faut noter la réactivité de certains chefs.

Et depuis !

Le souvenir reste par les jeux, les maquettes, les livres et BD, le timbre poste et les Musées.

ARRIVÉE D’UN TAXI POUR LE MUSÉE DE L’ARMÉE AUX INVALIDES EN PRÉSENCE DE QUELQUES ANCIENS CONDUCTEURS DES TAXIS DE LA MARNE

…AU MUSÉE DE LA GRANDE GUERRE DE MEAUX