VISITE DE LA LIGNE MAGINOT… A NICE

Pour de nombreux Français, la Ligne Maginot est cet ouvrage de fortifications que les Allemands ont contourné en 1940 dans l’Est et le Nord de la France. Viennent à l’esprit, très rarement, les fortifications des Alpes, face à la menace des Italiens et de Mussolini.

Ce n’est pas la première fois que la France a recourt à ce système de défense. Notre longue histoire, très mouvementée, a nécessité la construction d’ouvrages de protection. Ce fut le cas sous Louis XIV avec les forts de Vauban, puis, après la guerre franco-prussienne de 1870/71, le système Séré de Rivières. La Ligne Maginot est donc historiquement, le troisième ensemble de fortifications pour la défense de nos frontières.

Les fortifications de Vauban

Les fortifications type Séré de Rivières

Collection Archives départementales du Nord
22, rue Saint-Bernard F-59000 Lille France

 

Blocs de fortifications Maginot (Alpes–Maritimes Sainte-Agnès)

 

.                                                               

                                                         Vauban                                             Séré de Rivières                                André Maginot

Si les ouvrages de Vauban restent encore debout, ce n’est pas le cas des fortifications du type Séré de Rivières. En effet, après la guerre de 1870, les forts ont été mis en place autour de Verdun, Toul, Épinal et Belfort, loin des frontières de 1918. L’Alsace et la Moselle, annexées par l’Allemagne en 1871, avaient repoussé les frontières vers l’intérieur. Les combats de 1914/18 ont ravagé les ouvrages et ont été techniquement dépassés par l’évolution de l’artillerie en particulier.

La Ligne Maginot porte le nom du Ministre, dernier en date au moment de la construction. En fait, depuis les premiers projets de 1920, de nombreux dirigeants politiques et militaires ont étudié différentes possibilités techniques de construction et le tracé géographique.

 

       A. Lefèvre                      Paul Painlevé                  Ph. Pétain                   A. Guillaumat                     Edmond Buat

Le 31 décembre 1925, le Ministre de la Guerre, Paul Painlevé, crée la « Commission de défense des frontières » avec comme président le général Guillaumat, et comme membres les généraux Berthelot, Debeney, Degoutte et Maurin, ainsi que deux spécialistes, le général Fillonneau, Inspecteur du Génie et le colonel Culman, artilleur. En 1926, un « rapport sur l’organisation défensive des frontières » sortira de cette commission, rapport de 105 pages sans compter les cartes. Dans ce rapport, pour la première fois, est prise en compte la fortification des Alpes, face à l’Italie. Mussolini, chef du gouvernement italien depuis octobre 1922, ne cache pas son intention d’annexer la Savoie et Nice. Aussi, priorité est donnée à la fortification des Alpes. Les hautes vallées des Alpes doivent être barrées au plus près de la frontière: Bourg-Saint-Maurice, Modane, Briançon, Tournoux. Enfin, pour le pays niçois, tous les axes du littoral et des vallées descendant vers Nice doivent être fortifiés par une ligne d’ouvrages (La Tinée, La Vésubie, Sospel et Menton).

De projet en projet, de restriction budgétaire en restriction budgétaire, les travaux démarrent en 1928. Les premiers plans concernaient l’ouvrage de Rimplas. Ouvrages prototypes dont les plans font la navette entre Nice, Metz et Strasbourg.

Le 22 octobre 1929, le gouvernement d’Aristide Briand tombe, il est remplacé par le gouvernement Tardieu, dans lequel André Maginot est nommé ministre de la Guerre. Très rapidement, les crédits alloués à la construction de la ligne fortifiée sont votés (28 décembre 1929). Enfin, la loi du 18 janvier 1930, dite loi Maginot, accorde 180 millions de francs (97 millions d’euros) pour la fortification des Alpes. Les chantiers démarrent aussitôt, mis à part Rimplas commencé en 1928 (les premiers incidents de frontière avec les Italiens datent de l’automne 1926).

 

                                                                                                                Blocs fortifications de Rimplas

On peut remarquer que ces ouvrages sont en grande partie creusés dans la roche, ceci pour une raison économique, deux à trois mètres d’épaisseur de béton représentent un coût très élevé. Les galeries sont naturellement protégées. Désormais, les Français font des fortifications à l’économie.

Malgré les obstacles, la fortification des Alpes-Maritimes prend forme. Ouvrages de Rimplas, de Fressinéa, de Valdeblore, de Gordolon, de Flaut, du col de Brouis, du Monte-Grosso, de l’Agaisen, de Saint-Roch, du Barbonnet, de Castillon, du Mont-Agel, de Sainte-Agnès, de Roquebrune et de Cap-Martin.

Les défenses du Sud-Est seront à nouveau mises en cause par le général Gamelin, le 7 août 1935, avec  l’arrêt des travaux dans les Alpes. La défense du Sud-Est n’est plus une priorité.

L’année 1936 sera l’année des bouleversements : le 7 mars 1936, l’armée allemande réoccupe la rive gauche du Rhin. Immédiatement, le général Gamelin fait mettre en alerte les troupes de forteresse qui occupent pour la première fois la totalité des ouvrages du Nord-Est. Le gouvernement de Léon Blum, en place depuis le 4 juin 1936, lance le réarmement de la France avec priorité aux blindés et à l’aviation. Un dixième du budget militaire est réservé aux fortifications. Le 1er novembre 1936, l’Italie s’allie avec l’Allemagne. En conséquence, les travaux reprennent dans le Sud-Est.

Autre fait important : en septembre 1938, l’annexion de la région des Sudètes a une conséquence sur les fortifications françaises. En effet, les fortifications tchécoslovaques ont été réalisées avec l’aide technique française, ce qui va permettre à l’armée allemande de faire des essais de perforation sur les ouvrages et de modifier leurs munitions d’artillerie.

                                                                  Casemate tchèque 1935, la ressemblance avec la Ligne Maginot est frappante.

Au moment de la construction de la Ligne Maginot, l’État-major estimait à 15 jours le temps de mobilisation des réservistes. Les fortifications doivent donc être opérationnelles, avec la totalité de ses effectifs, avant la déclaration de guerre. En conséquence, la Ligne est mise en alerte dès que la situation internationale se dégrade. L’échelon A, c’est-à-dire le personnel d’active, occupe en une heure les casemates. Ce fut le cas de mars à avril 1936 lors de la remilitarisation de la Rhénanie, de mars à mai 1938 au moment de l’Anschluss, de septembre à octobre 1938 lors de la crise des Sudètes, enfin, à partir du 21 août 1939, au moment de la crise du corridor de Dantzig.

L’échelon B1, c’est-à-dire les réservistes frontaliers, permet en une journée d’activer l’ensemble de l’armement de la Ligne. Les réservistes non-frontaliers affectés aux unités de forteresses, l’échelon B2, renforcent les positions sous trois jours.

Le 25 août 1939, l’Allemagne décrète la mobilisation générale. En France, le 27 août à minuit, commence l’application des échelons B1 et B2. Les Allemands attaquent la Pologne le 1er septembre 1939, la France décrète la mobilisation générale le 2 à minuit. Les frontières sont fermées, Strasbourg est évacué. Le 3 septembre 1939 à 17 heures, la France déclare la guerre à l’Allemagne.

Durant la « drôle de guerre », les travaux continuent, principalement au profit des troupes d’intervalles avec la mise en place de barbelés, de tranchées, de nettoyage des glacis, pose de mines, d’installation de lignes téléphoniques et de petits blockhaus. Les Alpes vont également bénéficier de l’aménagement du terrain. Pour avoir une idée de l’ampleur des travaux de 1939, 820 chantiers sont mis en place, 2 700 blockhaus vont sortir de terre, 248 000 militaires sont mis sur les chantiers, même les républicains espagnols réfugiés sont mis à contribution ainsi que 16 500 pionniers Nord-africains.

Le 10 mai 1940, c’est la campagne de France. Les Allemands passent à l’offensive à travers le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas, en contournant la Ligne Maginot. Les fortifications du Nord-Est sont finalement abandonnées pour éviter l’encerclement.

Le 10 juin 1940, l’Italie déclare la guerre à la France. L’armée des Alpes et les fortifications du Sud-Est empêchent toute intrusion des Italiens sur notre sol. Le Génie français fait sauter les ponts et les tunnels. L’offensive italienne débute le 20 juin. Dans les Alpes-Maritimes, les avant-postes sont dégagés par les tirs de soutien de Rimplas et de Flaut. Les Italiens tentent une percée par Menton. Là, ce sont les tirs du Mont-Agel et du Cap-Martin qui empêchent toutes progressions.

L’armistice entre la France et l’Allemagne sera signé le 22 juin 1940 et entrera en application le 25 juin, car il faut signer l’armistice avec l’Italie également. Ce sera fait le 24 au soir. Les Allemands prennent possession des fortifications du Nord-Est, les Italiens ceux du Sud-Est. Les forces militaires françaises de l’armée des Alpes sont obligées de déposer les armes sans avoir été vaincues.

La bataille des Alpes aura coûté cher aux Italiens : 631 tués, 2 631 blessés, 616 disparus.  Côté français, 40 tués, 84 blessés et 150 disparus.

Après la guerre, la Ligne Maginot n’est plus opérationnelle du fait des dégâts subis lors des combats de 1940, puis de 1944. De plus, les Allemands ont procédé au démantèlement de l’armement pour équiper le Mur de l’Atlantique. À partir de mars 1946 et après inventaire, le Génie entreprend une remise en état de certains ouvrages. Pour les autres, des mesures de conservation sont prise, ainsi que la fermeture des accès.

Au début de la guerre froide, en 1949, et face à la menace soviétique, la Ligne Maginot est remise en état avec priorité aux groupes électrogènes et aux tourelles d’artillerie modernisée, mais également une protection anti-nucléaire et des matériels nouveaux comme les missiles antichars. Les travaux s’étendent aux Alpes : deux ouvrages, un dans l’Est et un dans le Sud, sont cédés à l’Armée de l’air pour faire des bases radars. En 1960, le Mont-Agel devient la base 943 de Roquebrune-Cap-Martin.

Aujourd’hui, quelques ouvrages sont encore la propriété de l’Armée. Mais de nombreux ouvrages ont été rachetés par les communes pour en faire des musées et pour informer le public d’un pan de notre histoire largement méconnu.

Couloir d’ouvrage sous terre

Les cuisines