SALIMONDE DE LASTOURS

Sur les flancs de la colline où s’élève le château de Quertinheux, l’un des quatre châteaux de Lastours, se trouve le légendaire « trou de Salimonde ». C’est sa demeure. Selon la légende, la jeune femme a un corps de chèvre et de longs cheveux blonds. Si, pour la chandeleur, elle verse des larmes au bord du torrent du Grésilhou, le froid de l’hiver sera mordant ; en revanche, si elle joue de la flûte, une belle saison s’annonce. Cette histoire fantastique nous vient de la nuit des temps, car, il y a bien longtemps …

CHATEAU QUERTINHEUXLe château de Quertinheux

… Le Dieu de la Lumière avait chargé deux Naïades, Salimonde et Brune, de veiller sur une source près de l’Argent-Double. La blonde Salimonde avait la charge de regarder couler l’eau durant les douze heures du jour pour en assurer la limpidité. Sa sœur, Brune, aux cheveux noir d’ébène, assurait la même surveillance durant les douze heures de la nuit. Salimonde et Brune étaient à l’opposé l’une de l’autre. La belle Salimonde avait un corps de déesse et sa gentillesse n’avait d’égale que sa grande beauté. Brune, au visage taillé à la serpe, n’était que haine et méchanceté.

les sorcières

Un jour, dans les belles forêts de la Montagne Noire, les hommes s’affrontèrent et s’entretuèrent. Une guerre entre les Wisigoths envahisseurs et les Burgondes habitants de nos régions, fit rage. Nos deux Naïades ne prêtèrent pas une attention particulière aux affaires des hommes et restèrent concentrées sur leur mission.

Un après-midi, le calme revint dans la forêt ; les combats semblaient avoir cessé et Salimonde jouait avec l’eau limpide de la source. Elle puisait avec une main et faisait couler par fines gouttelettes les petites perles cristallines dans l’autre, cela l’amusait, elle était heureuse. Soudain, de faibles gémissements lui parvinrent d’une grotte qui se trouvait à quelques pas de là. Un animal blessé peut-être ? Elle décida de satisfaire sa curiosité et pénétra dans la grotte. Après quelques pas, elle s’arrêta net… surprise. Un guerrier gisait dans la poussière, les bras en croix, une large blessure à l’épaule. Sans réfléchir, elle retourna à la source pour y puiser de l’eau à l’aide d’un récipient, revint à la grotte et tenta de faire boire le malheureux. Avec des gestes très doux, elle dégrafa le corselet de cuir et lava la plaie avec beaucoup de délicatesse. Ensuite, des bois voisins, elle ramena des feuilles d’une plante bénéfique dont elle avait le secret, en fit un pansement qu’elle appliqua sur la plaie. Elle nettoya ensuite le visage du guerrier et découvrit un très beau jeune homme, malgré la pâleur de son visage et une barbe de plusieurs jours. Elle traîna ensuite le moribond vers la grotte qui était sa demeure et le coucha avec beaucoup d’attention sur une épaisse fourrure d’ours qui lui servait de couche. Les heures s’écoulèrent.

Salimonde avait fait plusieurs fois le trajet entre la grotte et la source pour surveiller à la fois la source et le blessé.  Brune fit son apparition pour prendre son tour de garde. Dans son regard cruel, Salimonde comprit que sa sœur avait deviné. Qu’importe ! Elle retourna dans sa grotte, impatiente de retrouver son blessé. Il était conscient et murmura faiblement :

couple salimande

– Qui es-tu ?

– Je m’appelle Salimonde.

– Je… suis… Acco.

Épuisé par cet effort, le moribond retomba dans l’inconscience. Pour la première fois de son existence, Salimonde se trouvait aussi près d’un mortel ; elle en était bouleversée. Toute la nuit, elle resta à son chevet pour le soigner. Au fond d’elle, quelque chose venait de se passer, une chose merveilleuse que les femmes appellent l’Amour. Le jour se levait, son tour de garde arrivait et elle s’arracha avec beaucoup  de difficulté au charme qui la retenait près de ce Burgonde.

Toute la journée, elle fit des navettes entre la source et la grotte, abandonnant sa mission. Petit à petit, Acco se remit de sa blessure et, une nuit, le désir s’empara d’eux. Salimonde venait de découvrir le plaisir charnel. Les deux amants ne se quittèrent plus, et pendant qu’ils s’aimaient, la surveillance de la source était négligée. L’eau coulait moins limpide et le débit de la source faiblissait. Brune s’en rendit bien vite compte ; sa sœur n’était pas à son poste. Une grimace de haine déforma son visage.

– Salimonde ! Tu as perdu ton pouvoir. Tu as eu une relation coupable avec un mortel.

Elle se cacha pour attendre le retour des amants. Salimonde arriva, tendrement enlacée par Acco. Brune vit dans le miroir des eaux, les deux amants unir leurs lèvres dans un tendre baiser. Elle ramassa alors une pierre, murmura quelques mots étranges, et la lança dans l’eau où se reflétait l’image des amoureux. L’eau se rida et l’image s’évanouit. Le tonnerre se mit à gronder, un éclair traversa l’air dans un fracas terrible, la voûte de la grotte s’effondra sur les amants qui disparurent sous un amas de rochers. Le Dieu de la Lumière venait de punir la servante indigne et puisqu’elle aimait un humain, elle sera un jour réincarnée dans le corps d’une femme mortelle.

Épilogue.

Cette histoire fantastique nous a été merveilleusement racontée par Joseph Dovetto dans son livre « Salimonde de Lastours, la Naïade cathare ». Enchanté par la finesse de l’écriture et la subtilité du récit, j’ai succombé au charme de cette Naïade. Comme le demande monsieur l’instituteur, auteur de cet ouvrage, je laisse mon imagination s’en emparer et créer ainsi ma propre histoire. Je ne manquerai pas de retourner vers les châteaux Lastours pour écouter la voix de Salimonde murmurer dans le vent, et peut-être qu’un jour …

Lastours 1Les châteaux Lastours.