NARBONNE, C’EST TOUTE UNE HISTOIRE !

Le peuplement de la région remonte à des temps très lointains. Les « chasseurs-cueilleurs-pêcheurs » ont marqué leur présence il y a 1 million 500 000 ans. L’homme de Tautavel dans les Corbières remonte à – 400 000 ans, la présence humaine à Fauzan à – 300 000 ans, Capestang à – 200 000 ans. Non loin de Fontfroide, à Fontlaurier, un habitat durable a pu être étudié, datant d’environ 10 000 ans avant J.C.

Mais nous allons commencer notre histoire avec un général romain et consul, du nom de Cnaeus Domitius Ahenobarbus. Il prend le commandement d’une campagne pour la conquête de la Gaule méridionale et vaincra les Allobroges. Il sera aussi l’instigateur de la via Domitia reliant l’Italie à l’Espagne.

Territoires au Sud du lac Léman.

La via Domitia, première route romaine en Gaule.

Ce sont donc les Romains  qui en 118 av. J.C. vont fonder sur la via Domitia, une colonie du nom de Colonia Narbo Martius. Selon la tradition, les fondateurs sont Lucius Licinius Crassus et Cnaeus Domitius Ahenobarbus, fils du pacificateur de la région (il portait le même prénom que son père). Narbonne est alors devenue un comptoir commercial rattaché à l’oppidum de Montlaurès (4 km au nord de la ville actuelle), la capitale des Élisyques, un peuple autochtone installé là depuis fort longtemps. Narbo Martius est choisie pour sa situation sur une lagune protégée par des îles à l’embouchure de l’Atax (Aude), situation qui permettra  rapidement de construire le système portuaire de la ville, qui va devenir le port le plus important, en Méditerranée, après Rome.

À l’époque, la Clape et Gruissan étaient des îles. Le niveau de la mer était plus élevé durant l’Antiquité. L’Aude (Atax durant l’Antiquité) n’avait pas le même cours qu’actuellement, et suivait en parti le tracé du Canal de la Robine.

La même zone au XXI° siècle. La Clape (en haut à droite) n’est plus une île.

Les ports antiques de Narbonne sont en fait, un ensemble d’installations portuaires. Il ne s’agissait pas d’un port unique, mais de ports fluviaux sur l’Atax, de ports maritimes, d’installations diverses, d’entrepôts, de zone de transformation. Le port permettait le commerce de l’Italie vers la Gaule narbonnaise, l’Hispanie et l’Aquitaine, notamment du vin. Ces installations vont subir plusieurs transformations durant le Moyen Âge, toutefois, Narbonne restera un port important jusqu’au XIV° siècle, période à laquelle le port ensablé est abandonné.

En 1316, une crue de l’Aude ravage Narbonne et détourne le fleuve vers le Nord, et le lit urbain à sec va priver la ville d’une de ses principales artères de communication. Les Narbonnais vont aménager l’ancien cours de l’Aude. Un canal d’une trentaine de kilomètres, appelé La Robine, joignait l’Aude par Narbonne et les étangs, au grau de la Nouvelle. Au XVII° siècle, l’état de La Robine, peu profonde, en partie ensablée, ne permettait plus aux tartanes de hautes mer de remonter jusqu’au port urbain. En 1681, l’ouverture du Canal des Deux Mers (Canal du Midi) portera un coup fatal à l’ancienne organisation portuaire.

Ces quelques lignes sur le passé de Narbonne vont nous faire comprendre la suite de notre histoire. Le développement de la cité romaine, sous le règne d’Auguste, va connaître une remarquable expansion. La superficie construite va s’étendre considérablement et le centre ville  va s’enrichir de nombreux monuments. Attirée par cette métropole économique, la population va augmenter sensiblement.

Pour les touristes à la recherche de monuments antiques, Narbonne est un désert. Rien de comparable avec Nîmes ou Arles. Par contre, le sous-sol, les textes anciens, viennent au secours de l’archéologie. Les travaux de voirie et d’urbanisme et les pelleteuses ont mis à jour des trésors. À chaque coup de pioche, une découverte.

En 1838, après des fouilles archéologiques c’est la découverte d’un Horreum. Ce dernier a une particularité, il est souterrain. Lors de la Seconde guerre mondiale, en 1944, il servira d’abri de défense et c’est à ce moment-là que l’Horreum est défini comme tel. C’était un entrepôt dont la partie intact mesure, côté Nord, 38 mètres de long, et côté Ouest, 51 mètres. Mais la construction, dans sa totalité, était beaucoup plus vaste. Le départ d’une galerie a été découvert mais n’a pu être fouillée en raison de l’effondrement de la voûte. En 1961, le site est classé Monument historique et depuis 1976, il est accessible au public et se visite toute l’année.

À travers les siècles, de nombreux bâtiments de l’époque romaine ont été déconstruits pour bâtir d’importantes murailles pour se défendre contre les invasions. Il reste néanmoins visible les vestiges de la Via Domitia, le Clos de la Lombarde, l’Horreum et le Musée Amphoralis à Sallèles-d’Aude.

Sur la Place de la Mairie, la Via Domitia. La rue Droite est entre les bâtiments dans le prolongement de la voie romaine.

Un coup de pelle mécanique fait surgir la voie romaine en 1997. Dans le godet de la pelleteuse, des gravats, mais aussi parfois, des trésors vieux de 2 000 ans.

Le Clos de la Lombarde.

Le site du Clos de la Lombarde est classé Monument historique, c’est un témoin de la splendeur passé du Narbonne antique. Un réseau de rues, des habitations de notables, un établissement thermal, des ateliers d’artisans et la première église chrétienne de Narbonne. La plus importante collection de fresques antiques de France (présenté dans le nouveau Musée Narbo Via). Le site date du I° siècle av.J.C. au V° siècle de notre ère.

Non loin de Narbonne, à Sallèles-d’Aude, se trouve le site d’Amphoralis, la cité des potiers. Ce Musée s’étend sur trois hectares, il est construit directement sur les vestiges de l’atelier de poterie datant de 20-30 av.J.C. Ces potiers gallo-romains étaient spécialisés dans la fabrication d’amphores pour le transport du vin, et de la fabrication de tuiles, ces ateliers resteront actifs durant trois siècles.

Le Musée des potiers, Amphoralis

Un pont enjambe les vestiges de l’atelier et de part et d’autre, des passerelles permettent de contempler les installations de travail des potiers. À l’intérieur, le Musée évoque la fabrication et la cuisson des poteries. Sur le site, on découvre également une carrière d’argile, des bassins de décantation, des aires de stockage, les ateliers de tournage et 17 fours. Un quartier d’habitations est reconstitué pour rappeler la vie quotidienne des potiers et des tuiliers. Ce site a été mis à jour en 1976 et ouvert au public en 1992.

Le Musée Narbo Via

Ce musée restitue l’histoire romaine de Narbonne, longue de six siècles, de la fondation de la colonie Narbo Martius à la fin du II° siècle av.J.C. et qui s’achève en 462 lorsque la ville passe aux mains des Wisigoths.

Ce projet avait été imaginé, en 2010, par Georges Frêche. C’est la découverte de 15 000 pièces dont 1 000 sont des pierres qui composaient l’enceinte de l’ancienne ville. L’ouverture du musée a eu lieu le 19 mai 2021 après six ans de travaux. C’est un parcours de 2 600 m², une salle de 500 m² pour les expositions temporaires, un auditorium de 200 places, trois ateliers pédagogiques et une boutique-librairie.

Le musée Narbo Via regroupe les collections jusque-là exposées dans les deux musées du centre-ville ; le Musée Lapidaire de l’église Notre-Dame de Lamourguier et du Musée archéologique de Narbonne, au Palais des archevêques. Ce nouveau musée présente aussi des œuvres conservées jusqu’ici dans des réserves et des œuvres issues de fouilles récentes des sites des ports antiques de Narbonne.

Statue d’Hercule enfant

Statue de Silène

Narbonne est à bien des égards un paradoxe aux yeux des visiteurs. La cité qui joua un rôle politique et économique de premier plan pendant toute l’Antiquité, et ici réduite pratiquement à néant en termes de vestiges monumentaux. Mais les fouilles continues, et régulièrement de nouveaux trésors apparaissent.

Il faut donc que notre imagination se mette en route pour tenter de connaître ce passé. C’est chose faite. Gilbert Bénédicto et Jean Vernat ont associé crayon et plume pour raconter et visualiser l’histoire antique de Narbonne sur près de dix siècles. Une B.D. qui nous plonge dans le passé, dans « Narbo Martius, la cité disparue ».

Il y a pourtant un endroit que les touristes ne verront jamais ; l’égout romain. Cet égout romain se trouve sous la rue Droite, à 6 mètres de profondeur. Il se déverse dans un boyau central. Situé sous chaque rue de la cité antique, il a permis de reconstituer le plan de la ville antique. Large de 70 cm, la hauteur varie entre 1,80 m et 1,30 m.

Une précision concernant l’énorme collection de pierres antiques de Narbonne. Les pièces visibles au Musée Narbo Via ne proviennent pas toutes des fouilles, mais de l’enceinte fortifiée de la ville. En effet, pour se protéger des invasions périodiques, le pouvoir central décide de fortifier la ville. Jusque là, la Cité et le Bourg avaient leurs fortifications particulières, il y aura désormais qu’une seule enceinte. Les travaux débuteront sous Louis XII et s’achèveront sous François 1er. Dans l’urgence, on avait utilisé pour la construction des remparts, une grande partie des ruines des anciens monuments romains en groupant autour des portes, des bas-reliefs des plus curieux. Les portes étaient au nombre de quatre ; au Nord, la porte de Béziers, à l’Est, la porte Sainte-Catherine, au Sud, la porte de Perpignan et à l’Ouest, la porte Neuve. Les remparts, les ponts sur la Robine, ont été construits entre 1272 et 1380.

Les remparts, à droite de la Robine, le quartier du Bourg et à gauche, le quartier de la Cité.

Le 15 juin 1866, le Ministre de la guerre informe le Colonel Directeur des fortifications de Perpignan que la place de Narbonne sera abandonnée. Le 20 décembre 1868 à lieu un premier percement sur 35 mètres. Les années suivantes verront tomber, l’un après l’autre, les derniers vestiges des remparts et l’année 1884 marquera la fin des démolitions.

Durant les treize années qu’a duré la démolition des remparts, la Commission Archéologique et Littérature de Narbonne a heureusement joué un très grand rôle. Sa vigilance a permis de sauver les innombrables vestiges qui s’y trouvaient encastrés. 2 000 pièces gallo-romaines dont 500 avec inscriptions ont été entreposées dans le Musée Lapidaire (église Notre-Dame de Lamourguier).

Courtine du rempart François 1er.

« Visible de nos jours, une section du rempart datant du XVI° siècle, boulevard Dr Achille Lacroix. D’une longueur de 24 m, 4,50 m de hauteur, c’est une précieuse illustration, un témoin authentique des fortifications. Un grand nombre de blocs sont des réemplois. On y retrouve trois boulets en basalte, quatre inscriptions encore lisibles et quatorze figures représentant ; un buste de femme drapée, deux troncs d’hommes, une composition florale, deux décors en losange et divers autres sculptures abîmées ».

(Extrait de « Narbonne, vingt siècles de fortifications » de René Caïrou).        

Quelle histoire !