LES DEMOISELLES DU TÉLÉPHONE
Le 19 mars 1918, mademoiselle Hortense Lévy de Philadelphie reçoit un télégramme. C’est une convocation pour rejoindre son unité. Une unité d’opératrices standardistes du Signal Corps Female telephone Operators Unit de l’armée américaine. C’est la première unité féminine à servir dans les forces expéditionnaires américaines. C’est la guerre en Europe, elle va être affectée dans une des 200 antennes du Signal Corps, à Paris, ou une des dizaines d’autres endroits en France, mais également à Londres. Surnommées « Hello Girls » (Bonjour les filles), car elles accueillaient les appelants par le mot : « Hello ».
C’est à la demande du général américain, John Pershing, en 1917, pour améliorer les communications téléphoniques sur le front occidental. En effet, les bombardements et les combats du Nord de la France ont détruit de nombreuses infrastructures. Après cet appel, 7 600 candidates se sont présentées et environ 500 sont retenues. Parmi elles, 223 femmes ont été envoyées en Europe. La majorité d’entre elles avaient des pratiques professionnelles dans différentes compagnies de téléphone. Les autres faisant office de réservistes.
Parmi les critères de sélection, les opératrices doivent être bilingues anglais-français, avoir une bonne condition physique et plus de 25 ans. Parmi leurs obligations, figurent les mêmes que celles appliquées aux hommes. Elles doivent prêter serment et respecter le protocole militaire, et peuvent être traduites en cour martiale.
La première motivation de ces femmes est d’ordre patriotique, mais aussi le souhait de voyager et l’envie d’aventure. Parmi elles il y avait aussi des professeurs de Français (qu’il a fallu former au standard) et des personnels cléricaux (34 femmes).
L’opératrice en chef Grace Banker, a même obtenu la Distinguished Service Medal dont voici le texte de la citation : « Elle a servi avec une capacité exceptionnelle en tant qu’opératrice en chef dans les échanges du Signal Corps au Quartier Général des forces expéditionnaires américaines, et plus tard, avec une capacité similaire au Quartier Général de la 1ère Armée. Par un dévouement infatigable à ses tâches exigeantes dans des conditions éprouvantes, elle a beaucoup contribué à assurer le succès du service téléphonique lors des opérations de la 1ère Armée contre le saillant de Saint-Mihiel et au Nord de Verdun ».
DISTINGUISHED SERVICE MEDAL
MÉDAILLE INTERALLIÉS
À PORTÉE DE CANON PRÈS DE SAINT-MIHIEL
LES HELLO GIRLS À CHAMONT (HAUTE-MARNE) EN NOVEMBRE 1918
UNIFORME DES « HELLO GIRLS ». LES FEMMES ONT ACHETÉ LEUR UNIFORME, NON REMBOURSÉ PAR L’ARMÉE AMÉRICAINE
INSIGNE DU SIGNAL CORPS AMÉRICAIN
Les Hello Girls vont jouer un rôle actif dans les opérations militaires. Leur travail d’opératrice consiste à faciliter les communications entre les unités et à servir d’interprète lors des échanges avec des unités françaises. Deux types de standards téléphoniques sont utilisés, le premier est destiné aux appels logistiques entre Alliés, sur de courtes ou de longues distances, et le second aux messages entre les unités de commandement situées dans les ports de Bordeaux et du Havre et les unités combattantes. Les opératrices sont également tenues à utiliser des codes militaires. Aux plus forts des combats, les Hello Girls connectaient plus de 150 000 appels par jour.
À la fin de guerre, les Hello Girls sont rapatriées et leur unité est dissoute. Elles ne bénéficieront pas des avantages accordés aux vétérans masculins, comme l’assurance maladie ou le droit aux funérailles militaires. Parce que considérées comme simples volontaires… et femmes.
Situation injuste. Une longue bataille pour leur reconnaissance va être menée par Merle Egan Anderson qui aboutira soixante ans plus tard. Le statut de vétéran sera accordé aux dernières Hello Girls en 1977, par le président Jimmy Carter. Il ne restait que 19 d’entre elles encore en vie.