LES TROUPES DE MARINE, EX-COLONIALE

Pendant 28 ans, j’ai porté l’Ancre d’Or sur trois continents, en Europe, en Amérique du Sud, en Afrique et en Polynésie. L’Histoire de notre Arme nous racontait les faits d’armes de nos anciens et de nos origines. En regardant de plus près, j’ai remarqué que ce n’était pas le cardinal de Richelieu qui avait créé notre Arme, en effet, il n’était pas aux affaires à ce moment-là. Il démarre sa carrière politique en étant élu député du clergé poitevin et, aux États Généraux de Paris, en août 1614, il devient le porte-parole de cette Assemblée.

Il entre au service de Marie de Médicis, épouse du roi Henri IV, assassiné le 14 mai 1610. Son fils, Louis XIII, alors âgé de neuf ans, étant trop jeune pour gouverner, Marie de Médicis devient Régente. En novembre 1615, elle fait de Richelieu le Grand Aumônier de la jeune reine Anne d’Autriche. Le 25 novembre 1616, Richelieu est nommé ministre des Affaires étrangères au Conseil du roi. Le jeune roi, trouvant que Concini lui faisait de l’ombre, le fait assassiner. De plus, Louis XIII trouve que sa mère, Marie de Médicis, monopolise le pouvoir, et que Richelieu exerce une emprise tyrannique sur lui. Il les pousse à l’exil au château de Blois. Richelieu parviendra à réconcilier le roi et sa mère qui est autorisée à revenir à la Cour, mais sans siéger au Conseil. Le 12 décembre 1622, Richelieu est intronisé cardinal à Lyon par le pape Grégoire XV, grâce à Marie de Médicis. Celle-ci conseil à son fils Louis XIII, d’avoir Richelieu à ses côtés. Le cardinal de Richelieu n’entre donc de nouveau au Conseil du Roi que le 29 avril 1624. C’est-à-dire, deux ans après la création officielle de notre Arme. Mais qui a eu cette heureuse initiative alors ?

ORGANISATION ANCIENNE.

Rendons à César ce qui appartient à Richelieu. Le cardinal va mettre sur pied, sous la dénomination de « compagnies ordinaires de la mer », cent compagnies destinées à soulager les marins lors de combats terrestres en particulier. Jusqu’à lors, les marins s’occupaient non seulement de la bonne marche du navire, mais aussi du débarquement et des combats terrestres, mais aussi des canons du bord. Ces compagnies prirent le nom de « régiment de la Marine » quatre ans plus tard. Ces unités n’eurent qu’une existence éphémère, car elles disparurent presque toutes dans des naufrages. Puis, reformé en novembre 1635, ils prirent part à la plupart des conflits terrestres européens. Ce régiment va devenir à la Révolution, le 11ème régiment d’infanterie métropolitain.

CARDINAL-DUC ARMAND JEAN DU PLESSIS DE RICHELIEU DUC DE FRONSAC.

Puis, une succession de créations et de dissolutions. En 1636, création du « régiment du Havre » qui sera dissous fin 1649, et d’un « régiment des isles » qui durera jusqu’en 1663, puis d’un « régiment des galères » qui tiendra garnison à Antibes et à Toulon jusqu’à 1663. La même année, les régiments des isles et des galères vont fusionner pour former le « régiment des Navires », ayant comme garnison Lorient. Ce régiment passera à la compagnie des Indes.

En 1638, est formé à Bordeaux, le « régiment de la Couronne » et le « régiment des Vaisseaux ». Le 20 décembre 1669, sont formés le régiment « Royal-Marine » et le régiment « Amiral ». De 1686 à 1690, sont créées les « compagnies franches de la Marine », à Brest, Rochefort et Toulon, destinées à la garde des arsenaux et à l’armement des vaisseaux. Ils feront campagne sur terre et aux colonies. Une ordonnance du 24 septembre 1769, met sur pied un « corps royal d’infanterie et d’artillerie de marine », remplacé le 18 juin 1772 par le « corps royale de la marine », composé de huit régiments dits « des ports ». Ils se nomment Brest, Toulon, Rochefort, Marseille, Bayonne, Saint-Malo, Bordeaux et Le Havre. Leurs drapeaux portent pour la première fois l’ancre de marine. Cette organisation disparaîtra le 26 décembre 1774 pour être remplacé par un « corps royal d’infanterie de marine » constitué par cent compagnies de fusiliers, lequel sera dissous à son tour en 1786. Il n’y eu plus d’infanterie de marine jusqu’en 1822.

SAINT-MALO 1767

BREST 1772

ROYAL ARTILLERIE DES COLONIES 1786

BORDEAUX 1772

Il fallait tout de même assurer une présence militaire dans nos lointaines colonies. Modifications, suppressions, transformations, vont se succéder pendant plusieurs années. Le 25 juillet 1781, les dépôts de recrues de l’île de Ré et de Lorient vont fusionner pour former un « bataillon auxiliaire des régiments des colonies ». Entre 1804 et 1808, Napoléon 1er va retirer tous les cadres qui se trouvaient aux colonies. Seul, le 66ème de Ligne restera en Guadeloupe jusqu’en 1812. On mettra en place aux colonies des milices locales organisées par les gouverneurs.

En 1814, la France pouvait reprendre possession des colonies que le traité de paix lui remettait. En 1816, des légions furent mises sur pied pour la Martinique et la Guadeloupe, puis un bataillon pour la Guyane, un bataillon pour l’île Bourbon et un bataillon d’Afrique de trois compagnies de 84 hommes pour le Sénégal. Ce dernier périt en partie en mer au cours du naufrage de La Méduse.

Une nouvelle ordonnance, du 7 août 1822, va créer deux régiments, un d’infanterie et un d’artillerie de marine pour le service des arsenaux et des troupes à bord. C’est à cette époque que l’on voit apparaître l’ancre dorée sur le boutonnage des tenues. Puis, en 1828, trois régiments sont mis sur pied, spécialement pour l’affectation aux colonies : Sénégal, Guyane, et Antilles. En 1831, nouvelle réorganisation de deux régiments de marine avec dépôt à Landerneau et mis sur pied d’un troisième régiment en 1838, la dénomination d’infanterie de marine est à nouveau adoptée. La durée du service colonial était de quatre ans.

En 1843, l’occupation de Nossi-Bé (île au nord de Madagascar), de Mayotte et des îles Marquises, nécessite une augmentation des effectifs. En 1845, l’uniforme est modifié, il se compose d’une tunique et d’une veste en drap bleu, d’un pantalon gris de fer bleuté, d’un shako et d’une casquette, d’épaulettes en laine rouge (jaune pour les troupes d’élite). En 1854, le corps de l’infanterie de marine tenait garnison à Cherbourg, Brest, Rochefort, Toulon, Cayenne, aux Antilles, au Sénégal, à La Réunion et en Océanie. L’effectif total était de 15 000 hommes. Mais en 1857, une réduction des effectifs va sensiblement réduire la composition des unités. Le 5 juin 1856, fut créé le bataillon de fusiliers-marins, destiné à assurer à bord des navires le service de mousqueterie et de débarquement. L’infanterie de marine était dès lors uniquement destinée à servir à terre.

Nouvelle réorganisation en 1868. Les effectifs étaient trop faibles pour satisfaire les missions d’outre-mer. La durée du service militaire de cinq ans ne correspondait pas aux exigences spécifiques des colonies, temps de voyage (aller-retour) etc… Le corps fut donc réorganisé. Les quatre régiments, maintenus, formèrent un total de 140 compagnies actives :

    • 1er régiment : 17 à Cherbourg, 5 en Cochinchine, 5 à la Martinique et 6 au Sénégal.
    • 2ème régiment : 21 à Brest, 10 en Cochinchine, 5 à la Guadeloupe.
    • 3ème régiment : 17 à Rochefort, 5 en Cochinchine, 4 à La Réunion, 5 en Nouvelle-Calédonie, 1 à Tahiti.
    • 4ème régiment : 21 à Toulon, 11 en Cochinchine, 5 en Guyane et 2 au Japon.

Le corps dispose désormais d’un état-major avec un général-inspecteur (de Vassoigne), deux généraux de brigade inspecteurs adjoints et deux généraux de brigade, un gouverneur de la Guyane, l’autre commandant supérieur des troupes en Cochinchine.

Une nouvelle tenue est adoptée. Elle consistait en une vareuse bleue, croisée sur la poitrine avec deux rangées de boutons de cuivre estampés en relief d’une ancre encâblée, un pantalon en toile gris bleuté, une capote en drap gris de fer bleuté. Le collet de la tunique était frappé d’une ancre écarlate. Le képi était du même drap que la tunique avec une ancre sur le devant. Épaulettes en laine jonquille. Pantalon de toile blanche aux colonies. Le 31 mars 1878, un casque en liège fut adopté pour toutes les colonies.

En 1888, les compagnies stationnées en Annam, au Tonkin et en Cochinchine vont former trois régiments de marche et, le 1er mars 1889, les quatre régiments de la métropole sont dédoublés. Les 1er et 5ème  sont stationnés à Cherbourg, les 2ème et 6ème à Brest, 3ème et 7ème à Rochefort, les 4ème et 8ème à Toulon. Quatre autres régiments vont être mis sur pied, numérotés de 21 à 24, dont deux vont tenir garnison à Paris (1901). En même temps, les trois régiments de marche du Tonkin, d’Annam et de Cochinchine prenaient les numéros 9, 10 et 11. Les éléments de Nouvelle-Calédonie prenaient le numéro 12. Trois bataillons étaient définitivement mis en place au Sénégal, à la Martinique et à La Réunion.

Depuis le milieu du XVIII° siècle, il existait des troupes indigènes aux Indes ; les « Cipayes ». Ce nom vient du persan sipahi, qui veut dire « homme de guerre ». Et donc naturellement la formation de corps similaires avec les indigènes des autres colonies se fait jour. Sous le Second Empire, une compagnie de soldats noirs (1853) est formée, suivi d’un corps d’infanterie, indigène sous la dénomination de « tirailleurs sénégalais », puis gabonais (1887), annamites (1884) … En 1857, un décret du 21 juillet, donna naissance à un bataillon de tirailleurs sénégalais. Un deuxième bataillon fut formé en 1880, les deux bataillons regroupés formèrent un régiment, auquel un troisième bataillon lui fut adjoint en 1890. En 1892, le régiment comprenait 15 compagnies : 6 au Sénégal, 6 au Soudan, 3 au Dahomey. L’extension  de la conquête du Soudan va imposer la création d’un régiment de marche à deux bataillons. Réorganisé en 1896 à 12 compagnies, il prendra le nom de 1er régiment de tirailleurs sénégalais le 7 mai 1900.

CIPAYES EN 1900

TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS

DRAPEAU DU 1er RÉGIMENT D’INFANTERIE DE MARINE.

Le drapeau du régiment porte le nom de quinze batailles dont les plus célèbres, Bazeilles et Bir-Hakeim.

BOMARSUND 1854

FORT DU PEI-HO 1860

KI-HOA 1861

PUEBLA 1863

BAZEILLES 1870

SONTAY 1883

LA MARNE 1914

CHAMPAGNE 1915

DODROPOLJE 1918

TOBROUK 1941

BIR-HAKEIM 1942

GARIGLIANO 1944

BELFORT 1944

AUTHION 1945

AFN 1952-1962

C’est dans le même esprit, soulager les marins à bord, que fut créée l’artillerie de marine. Le canon fut employé pour la première fois à bord d’un bateau par les Vénitiens, en 1381, pendant la guerre contre les Génois. En France, des « lieutenants d’artillerie de Marine » furent créés en 1645, mais la création de l’artillerie de la Marine remonte officiellement au 16 février 1692, quand deux compagnies voient le jour à Brest et à Toulon. Une troisième est créée à Rochefort en 1694.

Avec Colbert, la Marine va prendre un grand essor et, parallèlement, l’artillerie. De nombreuses fonderies voient le jour à partir de 1663, à Toulon, Lyon, Rochefort, Saintes … Des écoles d’artillerie sont créées dans les ports à partir de 1666.

Une ordonnance du 24 septembre 1769 met sur pied le « Corps royal de l’artillerie et de l’infanterie de Marine », à trois brigades, puis, en 1772, une autre ordonnance va les remplacer par celui de « Corps royal de la Marine ». 1786 voit apparaître un « Corps royal des canonniers matelots », enfin, en 1792, la Marine est dotée de deux régiments d’artillerie, trois compagnies d’ouvriers, et de quatre compagnies d’apprentis. Cette organisation restera inchangée jusqu’en 1900.

Pendant la Révolution, l’artillerie de Marine va jouer un rôle prépondérant dans toutes les campagnes sur mer, mais aussi sur terre. En 1807, un bataillon fait partie de l’expédition au Portugal avec le général Junot. En 1809, est constitué un « bataillon du Danube ». En 1813, un décret fait passer les régiments de la Marine au département de la Guerre. L’artillerie de la Marine arrive à Mayence mi-mars et intègre le 6ème corps du maréchal Marmont. Elle va se distinguer à la bataille de Lützen dans la division du général Compans. L’histoire de la campagne de 1813, en Allemagne, est remplie par les exploits de cette division d’artillerie. Les régiments d’artillerie vont également participer à la campagne de 1814, combats de La Rothière, de Champaubert, de Vauxchamps.

Sous la Restauration, retour de nouveau à un « Corps royal ». Le nombre de régiment fut réduit à un seul. En 1825, le service des Colonies passa à la Guerre, avant de revenir à la Marine en 1829. Cette année-là, l’expédition de Madagascar aura dans ses rangs une compagnie d’artilleurs et deux compagnies de Sénégalais (Yoloffs), dont les cadres avaient été fournis par l’artillerie. Pour l’expédition d’Alger, en 1830, un bataillon d’artillerie de la Marine est mis à la disposition du département de la Guerre, et participe au débarquement de Sidi-Ferruch.

À partir de 1832, des détachements d’artilleurs sont embarqués sur les vaisseaux, en complément d’équipage, pour le service du canonnage. Les artilleurs vont participer à l’expédition du Mexique (1838-1839), à la prise du fort de Saint-Jean-d’Ulloa, le 27 et 28 novembre 1838. Ce fut une bombe lancée par les deux bombardes de nos artilleurs, qui fit sauter le magasin à poudre et le parc à bombes de Saint-Miguel, qui provoqua la reddition du fort. En 1840, deux compagnies participent à l’expédition de La Plata.

En 1842, par suite à la disparition de la tension politique avec l’Angleterre, les effectifs des artilleurs vont chuter à 30 compagnies. Cette année-là, les artilleurs reçurent un nouveau drapeau, ils étaient en effet privé d’emblème depuis la, chute de la Restauration. Le drapeau fut remis officiellement le 1er mai 1843, par le colonel Prayeux.

Les expéditions coloniales se succèdent, Sénégal, Tahiti, Maroc, Nossi-Bé, Montevideo … Sous le Second Empire, en 1854, c’est la guerre de Crimée qui met en ligne, ensemble, pour la première fois, l’infanterie et l’artillerie de Marine (Ce n’est donc pas à Bazeilles en 1870).

L’ÉTENDARD DU 1er RÉGIMENT D’ARTILLERIE DE MARINE

 Marsouins et Bigors.

« Marsouins » est l’appellation des militaires servant dans l’infanterie de marine, ex-coloniale. Destinée aux actions outre-mer, ces soldats étaient comparés au cétacé, le marsouin, qui suit régulièrement les bateaux qu’il croise.

« Bigors », c’est le surnom des artilleurs de marine qu’ils ont reçu lorsqu’ils ont quitté le service à bord des vaisseaux, au XIX° siècle, pour être affectés aux batteries portuaires, accrochés à leur rocher, tel le coquillage le bigorneau. Mot qui s’est transformé en Bigors.

Pendant la guerre franco-prussienne de 1870/71, Marsouins et Bigors sont regroupés dans la Division bleue du général de Vassoigne, qui va s’illustrer à Bazeilles par sa résistance acharnée, exploit qui devient en 1952, le fait d’armes fédérateur des Troupes de Marine.

Après 1870, les Troupes de Marine sont à nouveau sur la sellette. La priorité du moment est la préparation à la revanche sur le continent européen. La III° République se méfie des troupes professionnelles qui, d’après elle, sont susceptibles de fomenter un coup d’État. C’est pourtant cette même République qui se lance, au début des années 1880, dans des conquêtes coloniales et pour cela les Marsouins et les Bigors sont indispensables. Les combats ne sont plus sur mer ni sur les côtes, il faut conquérir de vastes territoires. La France va envoyer des hommes comme, Borgnis-Desbordes, Archinard, Lamy ou encore Largeau, prendre possession de territoires immenses en Afrique. Il y aura aussi les grandes expéditions du Tonkin en 1883, à Madagascar en 1894. Les 15 000 Marsouins et Bigors dispersés dans le monde s’avèrent insuffisants. Il faut faire appel aux troupes métropolitaines. Très rapidement, on s’aperçoit que les pertes par maladies sont considérables parmi les appelés venant directement de France. Par exemple à Madagascar en 1895, 6 000 morts par maladie pour seulement 25 morts au combat. Le principe est alors acquis de ne plus envoyer outre-mer que des soldats engagés ou des volontaires acclimatés.

Il faut avoir à l’esprit les mentalités, politique et militaire, de l’époque. C’est une confrontation permanente entre les républicains qui veulent sortir la France de son isolement et les chefs militaires de la métropole qui ne tolèrent pas le grossissement démesuré des effectifs d’outre-mer. Le bleu des Vosges l’emporte sur le bleu d’outre-mer.

Je cite Jean-Charles Jauffret, Maître de conférences à l’École de Saint-Cyr : « … De cette constatation découle le plus long débat politique de l’histoire de la III° République ; pas moins de 102 projets de loi, dont 55 propositions parlementaires, entre le début des années 1880, date de la reprise de l’expansion coloniale, et le vote en 1900, au lendemain de la crise de Fachoda, d’une loi-cadre organisant les troupes coloniales et non l’armée coloniale par peur des prétoriens ». Tout est dit, dix-neuf ans de débats parlementaires.

Un corps d’armée colonial est donc formé en métropole et intégré dans les plans de mobilisation, soit 30 000 Marsouins et Bigors. Ces unités sont à recrutement métropolitain mixte, volontaires et appelés, mais seuls les premiers peuvent servir outre-mer. Simultanément, pour le service des colonies, on fait appel de plus en plus aux troupes indigènes, sous l’appellation de spahis, tirailleurs sénégalais ou annamites, tonkinois ou malgaches. Ces effectifs indigènes vont rapidement passer de 6 600 en 1900 à 31 000 en 1914. Ces bataillons qui étaient prévus à l’origine pour la sécurité de leur propre territoire, vont devenir très rapidement une réserve opérationnelle qui sera engagée au Maroc en 1907, puis en métropole lors de la Première guerre mondiale.

Lorsque la guerre débute, l’armée coloniale est forte de deux divisions d’infanterie coloniale (DIC), soit 30 000 hommes. Elles seront suivies de cinq autres et d’un deuxième corps d’armée. Les bataillons de Tirailleurs sont engagés dès 1914. Contrairement à une légende, ils ne seront pas plus engagés que les autres, mais il est vrai que nos Africains souffrent plus du climat et de maladies. On prend donc l’habitude de les retirer du front les mois d’hiver. À la fin de la guerre, les troupes coloniales représentaient 10 % des effectifs des combattants, avec une forte présence dans les Balkans et même en Ukraine en 1919 où des bataillons de Tirailleurs affrontent avec succès les troupes bolchéviques.

Nos États-majors vont découvrir à cette occasion que les troupes professionnelles sont plus fiables que les troupes d’appelés métropolitain pour le service outre-mer. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi on leur demande de combattre si loin de la Patrie, c’est après le risque de maladies tropicales, le deuxième argument pour ne plus engager hors de métropole que des soldats professionnels. On va également conserver l’idée que les Troupes de Marine est un corps à double mission ; garde de l’Empire et réserve métropolitaine.

À la veille de la Première guerre mondiale, les Troupes coloniales comptaient 102 bataillons et 39 batteries, dont 36 bataillons en métropole et 21 bataillons en Afrique du Nord. Au total, la « Force Noire » représentait le quart de l’armée. À la fin de la Première guerre mondiale, il, y eu une profonde réorganisation des Troupes coloniales suite aux pertes effroyables de 14/18, un ralentissement du recrutement et les rigueurs budgétaires imposées par l’effort de reconstruction. Les Troupes coloniales virent alors près de 80 % des régiments dissous. Seuls vont subsister en temps que régiments blancs, les 3ème, 21ème, 23ème RIC en métropole, les 9ème et 11ème RIC en Indochine et le 16ème RIC en Chine.

En Afrique Occidentale Française (AOF), les soldats européens, en petit nombre, tenaient des emplois de spécialistes et étaient destinés aux pelotons d’élèves gradés. Il n’en demeure pas moins que de nombreux indigènes devinrent eux-aussi des caporaux et des sergents. Le service outre-mer avait repris régulièrement dès 1927. Cette période de réorganisation va s’accélérer après la réoccupation de la Rhénanie en 1936.

Lors de la Seconde guerre mondiale, de 1939 à 1945, la France va faire appel à son Empire et à ses troupes coloniales et particulièrement aux Tirailleurs Sénégalais. Les Troupes de Marine forment environ un quart du total des forces françaises. Une bonne partie reste basée dans les colonies.

Après la défaite de 1940, les coloniaux étaient présents dans un Empire qui n’avait pas entièrement fait allégeance au maréchal Pétain et au régime de Vichy. L’Afrique Équatoriale Française (AOF) fut parmi les premiers à reprendre les armes. Certains vont rejoindre le général de Gaulle à Londres. En Afrique, Leclerc va constituer la 2ème DB qui comptait parmi ses unités le Régiment de Marche du Tchad et le 3ème Régiment d’Artillerie coloniale. Leclerc va remonter du fin fond du Tchad vers la Libye et la Méditerranée.

Les campagnes d’Erythrée, de Crète, de Tripolitaine, de Libye et du Levant verront les Troupes coloniales s’illustrer sur tous les champs de bataille. Il en fut de même pour la 1ère Division de la France Libre avec le 1er Régiment d’Artillerie coloniale et le Bataillon du Pacifique. Quelques pages de gloire vont s’ajouter au Livre d’Or des Troupes de Marine. Ce sera Bir-Hakeim, en mai 1942, jusqu’en Allemagne le 8 mai 1945. Ce sont ces mêmes troupes qui participeront au débarquement en Italie, des combats de Monte Casino, de l’île d’Elbe, en Corse et du débarquement de Provence en 1944. Après la Deuxième guerre mondiale, d’autres combats attendent les coloniaux. Presque tous les régiments actuels des Troupes de Marine, à l’exception des parachutistes, sauf le 1er RPIMa héritier des SAS français, sont issus de cette armée de libération. Sur les six corps de l’Armée de Terre faits « Compagnons de la Libération », six régiments sont de l’armée coloniales.

Immédiatement après la Seconde guerre mondiale, des mouvements indépendantistes se font jour. Ce sera Madagascar en 1947, mais surtout l’Indochine où, dès 1946, débarque un corps expéditionnaire avec un groupement de la 2ème DB, la 9ème DIC et la 3ème DIC. Aux côtés de l’Armée d’Afrique et des volontaires métropolitains, les coloniaux vont fournir, à partir de 1948, huit groupements de commandos coloniaux parachutistes (GCCP), ils deviendront par la suite les Bataillons parachutiste coloniaux (BPC).

INSIGNE DU CORPS EXPÉDITIONNAIRE FRANÇAIS D’EXTRÊME-ORIENT.

Lors du coup de force japonais en Indochine, en 1945, le Japon va prendre le contrôle total de l’Indochine française. Après avoir détruit l’administration coloniale française, ils poussent le Viêt Nam, le Laos et le Cambodge vers l’indépendance. Des actions de guérilla s’ensuivent. La reddition du Japon mi-août 1945, empêchera une action de grande ampleur du Corps Expéditionnaire français. Il en résulte une situation chaotique au cours de laquelle le Viêt Minh s’empare d’une partie du territoire vietnamien et proclame l’indépendance du Vietnam le 2 septembre 1945.

Deux évènements vont marquer le début de la guerre. Le 23 novembre 1946, les Français bombardent le port d’Haïphong et le 19 décembre, les milices du général Giap attaquent les quartiers européens d’Hanoï. Hô Chi Minh appelle le peuple vietnamien à la guerre. Cette guerre va opposer le CEFEO à une armée révolutionnaire. La chute de Diên Biên Phû, le 7 mai 1954, marquera la fin de cette guerre. Les Français se retirent d’Indochine, mais bientôt, l’armée française va être confrontée à une nouvelle guerre d’indépendance sur un autre continent, en Afrique du Nord.

Une guerre oubliée, celle de Corée, du 25 juin 1950 au 27 juillet 1953 qui oppose la République de Corée, soutenue par les Nations Unies, à la République populaire  démocratique de Corée, soutenue par la République populaire de Chine et de l’Union soviétique.

La France, malgré la guerre d’Indochine et ses obligations en Europe (occupation en Allemagne), dans les territoires Africains et nos DOM-TOM, va mettre sur pied un bataillon de volontaires : le Bataillon français de l’ONU. Ce bataillon sera aux ordres du général Raoul Magrin-Vernerey dit «Monclar » qui abandonne momentanément ses quatre étoiles pour le grade de lieutenant-colonel afin de pouvoir commander le bataillon qui est rattaché à une unité américaine. Il devient le 4ème Bataillon du 23ème Regiment combat Team de la 2ème division d’infanterie américaine, surnommée « Indianhead ». C’est la première fois qu’une unité française sert sous le drapeau de l’ONU.

 «  MONCLAR », de son vrai nom : RAOUL MAGRIN-VERNEREY

L’Algérie est par définition le territoire de l’Armée d’Afrique. Sous le commandement du général Salan, de 1956 à 1958, les tentatives de pacification et le contrôle des populations ne vont pas porter les fruits escomptés. Malgré les résultats positifs sur le terrain des régiments parachutistes en particulier, la politique, une fois de plus, échoue à trouver une issue favorable au conflit.

Nous arrivons dans une période de bouleversements, nos anciennes colonies accèdent à l’indépendance, l’Algérie devient indépendante le 5 juillet 1962, de nouvelles lois changent les missions de l’ancienne armée coloniale. Mais la fin de l’empire ne signifie pas pour autant la fin de cette armée « coloniale ». Par un décret d’avril 1958, le qualificatif de « coloniale » disparait pour devenir d’ « outre-mer » puis, définitivement « Troupes de Marine ». Le service outre-mer demeure, et la loi du 20 décembre 1967 précise la vocation de l’arme pour le service outre-mer.

Dans les TOM-DOM, le service outre-mer prend la forme de troupes de souveraineté, mais aussi avec le Service Militaire Adapté (SMA), c’est-à-dire une formation professionnelle encadré e par des militaires. Dans nos anciennes colonies, la présence des TDM, se concrétise par des conseillers, des bases permanentes et des forces d’intervention venues de métropole. Ce service prend une tournure imprévue à partir de 1969 lorsqu’il faut mener une campagne de contre-insurrection au Tchad. Puis, à partir de la fin de 1970, en Afrique, mais aussi au Liban, en Nouvelle-Calédonie, ou dans le Golfe en 1990. C’est la période des OPEX.

La fin de la guerre froide et la décision, en 1996, de professionnaliser entièrement les forces armées françaises entraînent la fin de la distinction entre armée métropolitaine et armée d’outre-mer. L’existence des Troupes de Marine est une nouvelle fois menacée. Un projet court un temps d’un nouveau rattachement à la Marine, qui n’est pas suivi d’effet. Le poids des Troupes de Marine tend à augmenter en métropole alors qu’il se réduit outre-mer où les bataillons deviennent des unités d’accueil des compagnies tournantes venues de toute l’armée de terre. Les Troupes de Marine, comme la Légion étrangère, n’ont plus le monopole des opérations extérieures. Pour autant, les Marsouins sont encore très engagés. Plus d’un tiers des soldats français tombés en OPEX portaient l’Ancre de Marine alors qu’ils ne représentent, avec 18 000 hommes et femmes, que 15 % des effectifs de l’armée de terre.

Marsouins et Bigors sont plus que jamais les soldats voyageurs au quatre coins du monde.

Sur le front de l’opération Barkhane.
Reportage réalisé dans la zone des trois frontières, au nord du Burkina Faso du 5 au 14 avril 2021.
SUR LA PHOTO : Un hélicoptère Chinook britannique ravitaille le détachement français sur le terrain