Le wagon restaurant de la Compagnie Internationale des wagons-lits (CIWLT) N° 2419 D, va connaître une histoire peu commune. L’armistice de la Grande guerre y fut signé le 11 novembre 1918. Il entre dans l’Histoire une deuxième fois le 22 juin 1940 où cette fois les rôles sont inversés, pour la signature de l’armistice entre l’Allemagne vainqueur et la France vaincue.
Mais voyons comment les plénipotentiaires allemands sont arrivés dans nos lignes et le parcours jusqu’à Compiègne où se trouvait le wagon-bureau du maréchal Foch en 1918.
LES COULISSES DE L’ARMISTICE DU 11 NOVEMBRE 1918
En fait, depuis plusieurs jours, les Allemands avaient pris des contacts avec les autorités françaises. Le 5 novembre, la station radio de la Tour Eiffel avait capté la demande allemande de négociations. Mais auparavant, dans la nuit du 3 au 4 octobre 1918, le Haut commandement allemand sous l’impulsion de Ludendorff, une demande d’armistice est envoyée à l’ambassade allemande en Suisse afin de la transmettre à l’ambassade américaine, via les autorités suisse. Il faudra attendre plus d’un mois avant que cette demande n’aboutisse.
Nous sommes le 7 novembre, le commandant de Bourbon Busset de l’état-major de la 1ère Armée française doit accueillir la délégation allemande de l’armistice. À 20 H 20, drapeau blanc sur le marchepied, trois Mercedes-Benz se présentent devant les lignes françaises, au lieu-dit « Haudroy », sur la commune de Flamengrie. Ordre est donné au caporal-clairon Pierre Sellier de sonner le « cessez-le-feu ». Dix minutes plus tard, le convoi fait mouvement vers le quartier-général du général Debeney, à la villa Pasques sur la commune de La Capelle. Le convoi y arrive à 01 H 00 du matin.
Ils s’arrêtent à Homblières pour se restaurer, puis vont vers la gare de Tergnier où les attend un train affrété qui les mènera vers un lieu de rencontre jusqu’à là, tenu secret, la forêt de Compiègne, où les attend la délégation alliée, dans le wagon du maréchal Foch.
La suite est connue.
L’Allemagne cesse les combats le 11 novembre à 11 heures. L’armistice est conclu pour 36 jours (renouvelables). C’était le 1561ème jour de guerre.
Une dizaine d’États belligérants, représentant plus de 70 États actuels, se sont affrontés durant 4 ans ½. La mobilisation humaine a été sans équivalent dans l’Histoire des conflits. 70 millions de soldats ont été mobilisés, 10 millions ont été tués, auxquels on ajoutera entre 5 et 10 millions de morts du fait de causes indirectes (blessures, famines, maladies …). 10 millions de réfugiés parcourent les routes de l’Europe et il ne faudra pas moins de 16 traités internationaux pour régler une paix qui va transformer profondément la géopolitique européenne.
- Traité de Brest-Litovsk le 3 mars 1918 entre l’Empire allemand et la République bolchévique russe.
- Traité de Batoum le 4 juin 1918 entre l’Arménie et l’Empire ottoman.
- Traité de Versailles le 28 juin 1919, traité de paix entre l’Allemagne et les Alliés.
- Traité de Saint-Germain-en-Laye le 10 septembre 1919, traité de paix entre l’Autriche et les Alliés.
- Traité de Neuilly le 22 novembre 1919, traité de paix entre la Bulgarie et les Alliés.
- Traité de Tartu le 2 février 1920 entre l’URSS et l’Estonie.
- Traité de Trianon le 4 juin 1920, traité de paix entre la Hongrie et les Alliés.
- Traité de Moscou le 12 juillet 1920 entre l’URSS et la Lituanie.
- Traité de Sèvres le 10 août 1920, traité de paix entre l’ancien Empire ottoman et les Alliés (remplacé par le traité de Lausanne).
- Traité de Paris le 20 octobre 1920 qui rattache la Bessarabie à la Roumanie.
- Traité de Rapallo le 12 novembre 1920 entre l’Italie et la nouvelle Yougoslavie.
- Traité d’Alexandropol le 2 décembre 1920 entre l’Arménie et la Turquie.
- Traité de Riga le 18 mars 1921, entre la République socialiste fédérative soviétique de Russie et la Lettonie.
- Traité de Kars le 13 octobre 1921, entre la Turquie et les républiques soviétiques de Transcaucasie.
- Traité de Rapallo le 16 avril 1922, entre l’Allemagne et l’URSS.
- Traité de Lausanne le 24 juillet 1923, traité de paix entre la Turquie et les Alliés. Il révise le traité de Sèvres.
LE WAGON DE L’ARMISTICE
En octobre 1918, par réquisition, le wagon-restaurant fut transformé en wagon-bureau et incorporé dans le train d’état-major du maréchal Foch. L’état-major cherchait un endroit suffisamment isolé car le gouvernement craignait des manifestations. C’est donc dans la forêt de Compiègne, dans la clairière de Rethondes, que le wagon fut mis en place. Le 11 novembre 1918, l’armistice y est signé. La réquisition fut levée en septembre 1919. Le gouvernement de Georges Clémenceau va demander à la CIWLT de lui céder cette voiture historique pour l’exposer au Musée. La CIWLT va en faire don à l’État. Pendant six ans, du 28 avril 1921 au 8 avril 1927, le wagon de l’armistice sera exposé dans la Cours d’Honneur des Invalides. Le wagon sera mis sous abri en 1927, où il restera jusqu’en 1940.
Seule photo autorisée, le maréchal Foch après la signature de l’armistice.
Le wagon de l’armistice dans la Cour d’Honneur des Invalides.
1940, les rôles sont inversés.
Les Allemands avaient détruit l’abri-musée pour en extraire le wagon…
Le 20 juin 1940, l’organisation Todt sera chargée de démolir une partie du bâtiment qui abrite le wagon pour en extraire la voiture et la placer ensuite au même endroit que pour l’armistice du 11 novembre 1918. Le 21 juin commence les négociations d’armistice, le lendemain, le 22 juin 1940, à 18 H 52, celui-ci sera signé.
…Puis remettre le wagon au même endroit qu’en 1918.
Aussitôt, Hitler donne l’ordre de raser la clairière de Rethondes, démonter les monuments (sauf Foch) et labourer la zone.
Destruction de la clairière de Rethondes sur ordre d’Hitler.
Le wagon sera ensuite évacué sur Berlin…
… où il sera exposé durant une semaine devant la Porte Brandebourg puis au Lustgarten où la population peut le visiter en cotisant pour le Secours populaire allemand.
Contrairement à ce que nous avons cru durant des années, Hitler n’a pas donné l’ordre de destruction du wagon. Peu avant la fin du conflit, il a fait évacuer le wagon en Thuringe, à Krawinkel, où il a été en partie brûlé. Récupéré par les soviétiques, il a été donné à une usine est-allemande de matériel ferroviaire. Il va finir comme « bête de somme » pendant trente ans avant d’être détruit dans les années 70.
Après la chute du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne, à Ohrdruf, qui se trouvait en RDA, on découvre que certains vestiges de la voiture n’avaient pas brûlé, on retrouva le blason de la CIWLT, les lettres de la voiture et la main-montoire pour monter dans la voiture. Ces vestiges avaient été récupérés par des habitants et furent rendus à la France en 1992.
Un wagon appartenant à la même série, N° 2439 D, aménagé à l’identique l’a remplacé dans la Clairière de Rethondes depuis le 11 novembre 1950, date de l’inauguration du Musée.