LE 5ème BCCP EN INDOCHINE – suite –

Dans une page précédente, nous avons remémoré l’épopée du 5ème BCCP en Indochine et de son action collective sur ce théâtre d’opérations. Voyons maintenant l’action individuelle d’un parachutiste de cette prestigieuse unité.

8 mai 1945. La Deuxième guerre mondiale se termine en Europe. Pendant ce temps-là, à l’autre bout de la terre, une autre guerre éclate, la guerre d’Indochine. En 1945, les Japonais occupèrent l’Indochine française et désorganisèrent totalement l’administration coloniale. Le mouvement nationaliste fondé par le Parti communiste indochinois, avec à sa tête Hô Chi Minh, proclame, le 2 septembre 1945, l’indépendance du Viêt Nam. Le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) reprend progressivement le contrôle de l’Indochine. Un conflit larvé va s’en suivre contre le gouvernement indépendantiste vietnamien. En novembre 1946 éclate l’affaire d’Haiphong, l’artillerie française bombarde le port. La guerre va éclater au grand jour fin 1946, quand le Viêt Minh tente un coup de force contre les Français, puis prend le maquis. Plusieurs années de guérilla vont alors opposer le Corps expéditionnaire français et la Viêt Minh.

A ce moment de l’histoire, notre héros avait 18 ans. Que ce passe-t-il dans sa tête de jeune homme ? Personne ne le sait ; il a toujours était très discret sur le sujet. En tout cas, en 1947, il décide de faire une préparation militaire, qu’il fera à Grande Couronne. Avait-il une arrière pensée ?

Le 14 janvier 1948, il se lance pour un engagement de trois ans dans l’infanterie coloniale, et il fait ses classes entre Saint-Brieuc, Meucon et Vannes (3ème BCCP). Puis, il est dirigé vers Pau pour passer le brevet parachutiste.

Il va apprendre, s’instruire, dans un domaine qui lui est inconnu. Dans son inconscient, il a du comprendre que les chances de survie dépendent à 80 % d’une bonne formation. Cette formation d’exception lui sera dispensée dans les troupes d’élites que sont les parachutistes.

   Affiche de l’époque

             Notre héros, Michel B…  Sauts de brevet à Pau 15 avril 1948  

      

Pau 15 avril 1948. Les copains de promo

Il obtient le brevet parachutiste N° 22244. À l’issue du stage de sauts, il est à Meucon-Vannes pour effectuer le stage commando. Il obtiendra le brevet N° 5975/EP le 4 mai 1948 (stage jungle et stage amphibie).

Après une courte permission en famille, il rejoint Marseille avec son unité où il va embarquer sur le fameux transport le « S/S Pasteur » qui quittera le port le 5 juin 1948 à 07h00, destination : Saïgon, où il arrivera  le 23 juin suivant. Le 5ème BCCP (Bataillon colonial de commandos parachutistes) est créé administrativement à Saïgon le même jour.

 

                                                              Notre héros, en bas à gauche                         Sur le pont du « Pasteur »

 Embarquement à Marseille

 

Le S/S PASTEUR

 

 À chacun sa place

 

 

SAÏGON 14 juillet 1950, Cdt  Romain-Desfossés et le fanion du 5° BCCP

Dès leur arrivée, le 24 juin 1948, le 5ème BCCP est dirigé sur Thu Duc et Di An, en Cochinchine, au Nord-Est de Saïgon. Ils y resteront jusqu’au 21 août suivant. Acclimatation et patrouilles feront leur quotidien.

Le 22 août 1948, le 5ème BCCP fait mouvement par mer (S/S Henri Mouchot) sur Tourane, leur nouvelle base où ils stationneront jusqu’au 7 août 1949. C’est durant cette période que notre héros va se distinguer une première fois.

Lors de l’opération du dégagement de la région de Hué, opération du 28 août au 7 septembre 1948, les GC1 et GC2 sont engagés dans la plaine des Tombes royales. Au cours d’un accrochage, le héros de notre histoire est blessé à la jambe. Son action et son attitude lui vaudront une citation à l’ordre de la brigade dont voici le texte :

« Jeune engagé volontaire, soldat d’élite, voltigeur de pointe dans une unité de commandos parachutistes, s’est remarquablement distingué au cours des opérations du 4 et 5 septembre 1948 dans la plaine des Tombes royales (secteur de Hué, centre Annam). Le 4 septembre 1948, pour son baptême du feu, a entraîné son équipe avec le plus grand sang froid et un allant exceptionnel sur une crête battue par plusieurs armes automatiques, à proximité immédiate des rebelles, ce qui a permis au reste de son stick de poursuivre sa mission ».

 

    1ère citation T.O.E.                  1ère blessure

Il fera un séjour à l’hôpital de Tourane et rejoindra son unité faisant abstraction d’une période de convalescence.

     Médaille coloniale

L’année 1949 sera aussi mouvementée. Au mois de mai, il obtient la Médaille coloniale avec agrafe « Extrême-Orient ». À Saïgon, l’administration militaire a un peu de retard dans la mise à jour de leurs tablettes. En effet, le diplôme daté du 15 mai 1949, concerne le 1ère classe Michel B…., alors qu’il est caporal depuis le 1er avril 1949.

Durant le mois de janvier 1949, le GC1, (groupe commando N°1) va principalement faire des patrouilles, des reconnaissances, des embuscades, de jour comme de nuit, dans la région de Cuan-Hoa-Troc-Bong. Le 24 janvier il s’installe à Ly Hua. Le 30 janvier débute l’opération « Jacques III » dans la région de Troc, qui se terminera le 1er avril suivant (2 blessés par mine au GC1). Le 3 avril, le GC1 fait mouvement sur Hué. Le 5ème BCCP se regroupe à Hanoï où il est en « alerte 24h » sauf le GC1.

Avec son unité, il va guerroyer au Tonkin du 10 août 1949 au 26 juin 1950. Déplacement vers Haïphong, au Tonkin, par mer.

Au passage, il a du apprécier la beauté sauvage de la Baie d’Along.

Le 23 décembre 1949, le GC1 du capitaine Picherit saute à Sah Neua au Laos où ils vont opérer des actions locales jusqu’au 2 avril 1950, date à laquelle ils entameront le mouvement retour. Ils arriveront à Nasan le 5 après plusieurs accrochages.

Durant cette période, il passe au grade de caporal-chef, le 31 décembre. Il sera à nouveau cité à l’ordre de la Division le 11 octobre 1949. Voici le texte :

« Jeune volontaire pour venir servir en Indochine a, depuis son arrivée au Tonkin, montré à plusieurs reprises son cran, son sang froid et sa compréhension dans le commandement. Au cours d’une mission parachutée dans le Nord Tonkin, a maitrisé l’ennemi et capturé des agents de renseignements. Blessé le troisième jour de l’opération, a refusé les premiers soins. Le soir même, malgré ses souffrances et les pertes dans son stick, a demandé à partir avec les six derniers hommes lui restant et s’est emparé d’un poste rebelle d’une très haute importance, ce qui a permis au commandement d’éviter une forte embuscade contre des éléments de la Marine ».

     2ème citation                    2ème blessure

 Ce texte se passe de commentaire.

 

Pour l’opération au Laos, il obtiendra également la médaille de l’Ordre royal du Million d’Éléphants et du Parasol blanc, du roi du Laos , sa majesté Sisavangvong.

 

 

 

 

 

 

L’intervention du GC1 au Laos Saut opérationnel sur Sam Neua

 

Le Viêt Minh, en pratiquant la guérilla au Laos et au Cambodge avait pour but la dispersion des forces militaires françaises. Le 20 mars 1950, notre héros va obtenir une citation à l’ordre de… l’Armée de l’Air. C’est une histoire peu banale pour un parachutiste de la coloniale qui mérite d’être dans les annales de l’Arme. De plus, il sera nommé « Caporal d’Honneur ». Voici le texte d’origine :

 

ORDRE GÉNÉRAL N° 1 416 EN DATE DU 20 MARS 1950

Le Général de Corps d’Armée Vallin, commandant en chef des Forces Aériennes Françaises en Extrême-Orient

CITE

À l’ordre de l’Armée de l’Air et à titre exceptionnel

B… Michel, caporal-chef, 5ème Bataillon Colonial Commandos Parachutistes SAS

« Jeune gradé qui depuis son arrivée sur le sol ensanglanté de l’Indochine, a toujours laissé sur son passage la marque, la grandeur et le cran de ceux qui servent dans les commandos parachutistes SAS.

Blessé et cité plusieurs fois, a voulu montrer à ses chefs, ses hommes et aux aviateurs du Tonkin, combien on pouvait être fier et compter sur un stick de commandos.

Le 6 mars 1950, à 21 heures, le premier stick du GC 1 du 5ème BCCP-SAS, sous les ordres du caporal-chef B…. Michel, se trouve parachuté à la frontière sino-tonkinoise avec pour mission de retrouver, protéger et ramener à Hanoï, un officier aviateur abattu par l’ennemi au cours d’une mission de reconnaissance.

Après un atterrissage dans des conditions difficiles et sous le feu violent de l’adversaire, le premier stick repère les V.M., les disperse et leur reprend le pilote blessé et prisonnier.

Après une marche assez longue jusqu’au poste frontière, le stick revient à la DZ pour enterrer ses morts, retourne seul au poste, soigne le pilote et se trouve rapatrié par avion officiel à Hanoï le 16 mars 1950.

Exemple d’un chef et d’un soldat qui montre partout que la mission compte plus que sa propre vie et celle de ses hommes.

Esprit de commandos, âme de parachutistes, qui a, dans tout le Tonkin et le Laos, fait preuve de servitude et de bonté pour ceux qui l’entourent.

« Caporal d’Honneur du Groupe de chasse « Béarn » »

Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre des T.O.E. avec palme.

Doit être décoré officiellement par l’officier auquel il a sauvé la vie.

Hanoï, le 20 mars 1950

Signé Vallin

 

Le 5ème BCCP n’a plus que quelques mois à vivre. Il a fait son temps dans un conflit difficile dans ce pays lointain. Au cours de ses 25 mois d’existence, le 5ème BCCP aura été cité deux fois et aura droit au port de la fourragère des T.O.E..

Notre parachutiste, Michel B…,  a fait son devoir de soldat et même au-delà. La médaille des T.O.E. avec une palme et deux étoiles, deux fois blessé, 5 sauts opérationnels, ce n’est pas rien.

 

Le retour au bercail va se faire au rythme des vagues. Il embarque le 27 juin 1950, à Haïphong, sur le S/S Espérance puis débarque à Saïgon le 2 juillet. « Touriste » jusqu’au 22 juillet, date à laquelle il embarque sur le S/S Jamaïque à destination de Marseille, où il débarquera le 20 août.

Ces 29 jours de traversée lui ont sans doute permis de décompresser après cette longue période de stress et de combats. Aujourd’hui nous avons des psychologues spécialisés pour traiter les effets post-traumatiques. A cette époque, le soldat était livré à lui-même et ces 29 jours de mer lui ont sans doute vidé la tête, vague après vague, douleur après douleur, les mauvais moments partant au gré de la houle de l’Océan Indien.

Mais, il avait un grand secret : sa marraine de guerre. Avant de se rendre dans sa famille, il va la rejoindre à Corbeil-Essonne. Elle s’appelait, à ce moment-là, Liliane D…, avant de devenir madame B… .

Pour se réaccoutumer à la vie civile, il va profiter d’un CFC (congé de fin de campagne) du 21 août au 23 novembre 1950. À l’issue de celui-ci, il retourne à Vannes pour les dernières formalités militaires. Il obtient alors une permission de fin de contrat jusqu’au 18 janvier 1951. Durant cette dernière permission, il retourne au sein de sa famille et leur présente sa marraine de guerre, qu’il épousera le 7 avril 1951 à Corbeil-Essonne.

Une nouvelle vie va commencer.

 

 

J’étais un soldat de marine,

J’venais d’m’engager pour cinq ans,

J’avais vingt ans belle poitrine,

Comme dans l’refrain du régiment,

Dans les bistrots près de Lourcine,

Les anciens m’ont faisaient un plat,

Tu verras c’que c’est l’Indochine,

Écoute la chanson d’un soldat :

Refrain

Marie, Marie-Dominique

Que foutais-tu à Saïgon ?

Ça ne pouvait rien faire de bon,

Marie-Dominique,

Je n’étais qu’un cabot clairon

Mais je me rappelle ton nom,

Marie-Dominique,

Est-ce l’écho de tes prénoms

Ou le triste appel du clairon,

Marie-Dominique.

(Musique de Victor Marceau – de son vrai nom Marceau Verschueren – et Paroles de Pierre Mac Orlan)