LE VOYAGE DE LA CIGOGNE

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Vous avez sans remarqué que les cigognes étaient de retour à Taroudannt. Une pause avant l’Espagne et la France, où elles passeront l’été. Taroudant est sur la route migratoire de nos amis échassiers, Europe-Sénégal.

Enfant, dans mon lointain pays de l’Est, dès que le printemps pointait son nez, je voya   is revenir les cigognes. C’était un véritable spectacle l’arrivée du premier échassier au long bec, emmanché d’un long cou, comme aurait pu dire monsieur de La Fontaine pour un animal semblable. Les enfants criaient, les gens s’arrêtaient dans la rue, et ceux qui avaient la chance d’avoir un nid sur leur toit, attendaient le couple printanier avec impatience. Car fidèle à leur compagne, les cigognes reviennent aussi chaque année dans le même nid.

Les vieilles femmes se mettaient à chantonner un vieil air, connu de tous. Le bonheur était sur tous les visages…

« C’est la chanson que l’on entend

Quand le printemps sourit

Dans le pays d’Alsace

Aux mille villages fleuris

Chanson joyeuse

Qui renaît au cœur des amoureux

Quand les cigognes familières

Tournoient dans les cieux ».

« Les cigognes sont de retour

Sur les clochers des alentours

Égayant de leurs ailes blanches

Les toits qui penchent

Des vieux faubourgs

Les cigognes sont de retour

Avec le soleil des beaux jours

Amis, chantons la ritournelle

La vie est belle, chantons l’amour ».

C’était une renaissance, le village se transformait, les gens aussi d’ailleurs. Après le long et rude hiver, le manteau neigeux avait disparu. Un léger réchauffement avait fait fondre la neige, les ruisseaux, qui avaient perdu leur pellicule de glace, gonflaient par le ruissellement de l’eau. Les gens aussi se transformaient, fourrures et manteaux, chapeaux et casquettes, étaient remisés dans les placards. Les visages à découvert, ont ne croisait plus des ombres furtives qui se précipitaient vers la chaleur de la cheminée, mais des sourires d’hommes, de femmes, d’enfants…

  • Bonjour madame Schmitt !
  • Bonjour monsieur Bauer !
  • …Fait beau aujourd’hui …
  • Normal ! Les cigognes sont de retour.

Les cigognes, dès leur arrivée, se mettaient au travail. Il fallait bien retaper le nid qui avait subit le vent d’hiver, le poids de la neige et autres bourrasques. Alors c’était les allers retours des mâles qui revenaient avec de petits branchages. Les femelles avaient en charge la réfection du nid ; il fallait bien un logement douillet pour accueillir les futurs cigogneaux, car c’était également le temps de la reproduction. Satisfait du travail de sa compagne, le mâle, en retournant sa tête vers l’arrière faisait son CLAP ! CLAP !

Le bruit émis par la cigogne a d’ailleurs donné une expression en usage chez les humains. Pour dire à quelqu’un de se taire on dit : « ferme ton clapet ! ». En fait, la cigogne craquette.

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Plaisir renouvelé chaque année que l’arrivée des cigognes. Pourtant, un jour j’ai quitté le pays des cigognes pour voyager à travers le monde. En Afrique, au Tchad, pas de cigogne. A Djibouti, il y avait bien une variété de la famille ; la cigogne noire. Cette dernière est sédentaire et donc ne voyage pas. En Amérique du Sud, en Guyane, rien…Puis la Polynésie, Tahiti, là, à part le merle des Moluques… Mais un jour, me voici au Maroc, en Afrique du Nord. A ma grande surprise, lorsque le premier hiver c’est installé en Europe, j’ai vu…de mes yeux vu…des centaines de cigognes qui tournoyaient au-dessus de Taroudannt, la ville du Maroc où j’habite désormais.

Extraordinaire ! A trois mille kilomètres de chez-moi, je voyais des cigognes. J’avais oublié que c’était un oiseau migrateur qui pour se nourrir lorsqu’il fait froid dans l’Est de la France, va en vacances au soleil pour chercher sa pitance. Elles traversent la France, l’Espagne, le Détroit de Gibraltar et le Maroc pour se mettre au chaud au Sénégal ou le sud marocain.

Les histoires anciennes me reviennent en mémoire. C’est vrai : ceux qui ont le bonheur d’être élus par un couple de cigognes, pour nicher sur le toit de leur maison, ont de la chance toute l’année. Ont dit aussi que se sont les cigognes qui apportent les enfants.

Une histoire que racontent les vieux, le soir au café, avec un verre de schnaps, dit ceci :

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Trois cigognes se rencontrent et bavardent.

  • Tu vas où, toi ?
  • Je vais chez un couple qui essaye d’avoir un enfant depuis dix ans…Je leur apporte une petite fille.
  • C’est cool ! Et toi ?
  • Je vais chez une dame qui n’a jamais eu d’enfants. Je lui apporte un petit garçon.
  • Oh ! C’est bien, je suis sûre qu’elle va être heureuse.
  • Et toi ? Demandent les deux premières à la troisième.
  • Moi ! Je vais juste à côté, au couvent.
  • Au couvent ???
  • Je ne leur apporte jamais rien, mais j’adore leur foutre la trouille.

Lors de mon dernier voyage, dans mon pays d’autrefois, j’ai remarqué que les enfants avaient des cigognes. Ce sont des cigognes sédentaires. Peut être pour avoir de la chance toute l’année ??? image4

Type de cigogne sédentarisée.