LA LIGNE DE DÉMARCATION

En application de l’article 2 de la Convention d’armistice du 22 juin 1940, la France est divisée en deux zones. La zone non occupée au Sud (surnommée zone nono) et la zone occupée au Nord.

Ce tracé arbitraire, de 1200 km de long, morcelle treize départements, parfois des communes, des champs … Cette ligne de partage, connue dans l’Histoire sous le nom de « Ligne de démarcation », est entrée en vigueur le 25 juin 1940.

Il faut se rappeler aussi que l’Alsace et la Moselle ont été annexées dès août 1940 par les nazis. L’Alsace a été rattachée au Gau (circonscription administrative allemande) de Bade, et la Moselle, au Gau de Sarre-Palatinat. Le Nord et le Pas-de-Calais ont été placés sous l’autorité du Militärbefehlshaber (gouverneur militaire) de la Hollande et de la Belgique. Une zone allant de l’embouchure de la Somme jusqu’au Lac Léman était devenue zone interdite aux retours des réfugiés exilés, en vue d’une implantation de colons allemands (la zone marron foncé sur la carte ci-dessus). Les Italiens vont occuper une zone allant du Lac Léman à la Méditerranée en passant par Chambéry, Grenoble, Gap et Nice. Enfin, à partir de l’automne 1941, la construction du Mur de l’Atlantique va interdire une zone de 10 km de large, tout le long de la Manche et de l’Atlantique. Dans cette zone il sera interdit de téléphoner ou de télégraphier.

Jusqu’en septembre 1940, aucun courrier ne pourra circuler d’une zone à l’autre. A cette date, une carte pré-imprimée interzone sera mise en place. Cette carte ne permettra que de donner des nouvelles brèves.

Les Allemands vont envahirent la zone Sud le 11 novembre 1942, considérant comme une menace le débarquement allié en Afrique du Nord. L’Italie va profiter de cette occasion pour étendre son occupation dans le Sud-est de la France, cela va entraîner, le 27 novembre 1943, le sabordage de la flotte française à Toulon et la dissolution de l’Armée de Vichy. La Ligne de démarcation fut supprimée par les Allemands le 1er mars 1943. Il ne restera en place sur la ligne que 14 points de contrôle principaux.

Il n’était possible de franchir légalement la Ligne de démarcation qu’en obtenant un Ausweis (carte d’identité) ou un Passierschein (laissez-passer) délivré par les autorités allemandes. L’Ausweis permettait aux populations frontalières, paysans, médecins, prêtres, sages-femmes, domiciliés dans un rayon de 10 km de part et d’autre de la Ligne de la franchir quotidiennement pour leur travail.

 

LES DOUANIERS ALLEMANDS VONT REMPLACER LES SOLDATS DE LA WERMACHT EN 1941

POSTES DE CONTRÔLE ET LAISSER-PASSER POUR FRONTALIERS

DE L’AUTRE CÔTE, LE POSTE DE CONTRÔLE FRANÇAIS (1941 PHOTO SERGE COMPIN)

Dès l’armistice, la zone Sud va connaître un afflux de réfugiés dont de nombreux Alsaciens et Mosellans et des Juifs. Le statut des Juifs s’applique en zone dite libre comme en zone occupée. Par la loi du 4 octobre 1940, les Juifs  sont assignés à résidence, ont des interdits professionnels, et à partir de l’été 1941, les fonds de commerces, puis les immeubles, sont cédés à des « administrateurs aryens ». Le tampon « JUIF » est imprimé sur les cartes d’identité fin 41 en zone Nord et en décembre 42 en zone Sud. En zone Sud, on n’est pas soumis aux horaires de sorties (20 heures/6 heures du matin), il est possible de faire des achats et on ne porte pas l’étoile jaune. La Gestapo n’est pas présente.

Mais à partir de décembre 1942, tout va changer. Le recensement des Juifs, l’étoile jaune, les cartes d’identité et les camps d’internement sont mis en place par Vichy (Gurs, Rivesaltes, Noé, Récébédou …). Les rafles en zone occupée et le début des déportations feront du franchissement de la Ligne de démarcation, l’ultime espoir. Le règne des passeurs va se mettre en place.

Le camp de Noé, au Sud de Toulouse, a été créé en 1941. Y sont interné les républicains espagnols et les Juifs victimes de la politique antisémite de Vichy. Ce camp sera délivré par les maquisards le 19 août 1944. Il sera utilisé par la suite pour l’internement des collaborateurs … mais avec les mêmes gardiens.

Les baraques du camp de Rivesaltes ont vu défiler les réfugiés espagnols, les Juifs, des tziganes, des harkis, des Guinéens. Ensuite devenu camp de prisonniers de guerre allemands, puis des prisonniers nord-vietnamiens et du FLN. Ce camp est le reflet des déplacements forcés de populations suite aux conflits et aux mouvements de décolonisation du XXème siècle.

Le camp de Récébédou était un camp d’internement pour les Juifs et les républicains espagnols, créé en février 1941. Il était situé à Portet-sur-Garonne, près de Toulouse. Initialement destiné aux ouvriers de la Poudrerie nationale, la cité était composée de 87 bâtiments en brique. La guerre va changer la destiné de cette cité. Elle est d’abord affectée, en 1940, aux réfugiés du Nord de la France, puis aux républicains espagnols, ensuite aux Juifs fuyant la zone occupée. En 1941, la cité devient un camp hôpital pour 1400 personnes. Plusieurs convois vont partir de Portet-sur-Garonne vers Drancy d’où est mentionné le départ de trois convois vers Auschwitz avec 349 Juifs venant de Récébédou.

Pour ceux qui fuient la zone occupée, il y a les Juifs, mais aussi les soldats évadés, les pilotes alliés abattus, les réfugiés belges et hollandais … Il y aura malheureusement des malhonnêtes qui profiteront de la situation et livreront les fuyards aux Allemands. Les premiers passeurs apparaissent dès 1940, actions isolées, c’était souvent un acte d’entraide. De faux passeurs au service des Allemands opèrent partout, les malheureux qui tentent de passer la Ligne de démarcation ne se doutent pas des pièges tendus par ces collaborateurs. Il faut surtout se souvenir des passeurs bénévoles qui au risque de leur vie ont sans aucun doute sauvé de nombreuses personnes.