MEAUX, NUIT DU 16 AU 17 JUIN 1920
Dans la nuit du 16 au 17 juin 1920, un gigantesque brasier va détruire les Moulins du Pont du vieux Marché, à Meaux.
Établie au cœur d’une grande région céréalière, la ville de Meaux n’est pas seulement célèbre pour son fromage au lait cru, le « brie de Meaux », ou sa « moutarde de Meaux », mais aussi pour les onze moulins construits sur les bords de la Marne, depuis le XIIème siècle, moulins destinés au broyage des céréales. Deux de ces moulins étaient des minoteries isolées, quatre étaient établis au niveau de l’actuel Hôtel de Ville (les Moulins de l’Échelle), et cinq, accolés, sur le Pont du Marché.
D’après Georges Gassies, au XIIIème siècle, il y avait dix moulins à eau à Meaux. Dans son ouvrage, l’auteur date de l’an 627 le premier moulin sur le « Pont raide », ce pont appelé plus tard « Pont du Marché ».
Au fil des siècles, il y eut cinq moulins accolés les uns aux autres. Au moulin du Chapitre fut adossé le Moulin de Saint-Faron en 1262, puis, contre le mur de ce dernier, un troisième moulin fut ajouté par les Chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, en 1385 ; il prendra le nom de Moulin des Templiers. Contre ce moulin va être construit un quatrième ensemble au XVIème siècle, le Moulin de l’Hôtel-Dieu. Le cinquième moulin, également du XVIème siècle sera le Moulin Bonnet, du nom de son propriétaire.
Le Moulin du Chapitre : le sommet du pignon de ce moulin était de 14 m de haut, sur une base de 12 m de large, percé de fenêtres sur cinq niveaux, quatre ouvertures au deuxième niveau (rez-de-pont).
Le Moulin de Saint-Faron : le sommet du pignon de ce moulin se trouvait à 10 m de haut sur une base de 10 m de large. Des ouvertures sur trois niveaux, le deuxième niveau donnant accès sur le trottoir. La porte dite « farinière » se trouvait au troisième niveau. Une porte farinière est une porte spécifique s’ouvrant au ras du sol sur le vide. Elle se trouve un étage au-dessus du sol, au niveau de l’espace de stockage des sacs de farine, attendant l’expédition. Il fallait glisser les sacs sur la « planche à sacs » du moulin, vers le plateau de la charrette placée en-dessous.
Le Moulin des Templiers : le sommet du pignon de ce moulin se trouvait à 11 m de haut sur une base de 10 m de large, percé de fenêtres sur cinq niveaux.
Le Moulin de l’Hôtel-Dieu : le point haut du pignon de ce moulin se trouvait à 15,50 m, sur une base de 10 m de large, avec ouvertures sur quatre niveaux. La porte farinière se trouvait au troisième niveau.
Le Moulin Bonnet : le sommet du pignon, à 17 m de haut, établi sur une base de 13 m de large était percé de fenêtres sur sept niveaux. Le deuxième niveau donnait accès au trottoir avec la porte d’entrée. Le troisième niveau comprenait la porte farinière. Le septième niveau correspondait à des combles, éclairés par trois lucarnes.
Les toitures des cinq moulins étaient recouvertes d’ardoises. Les moulins étaient ancrés dans le fond de la Marne grâce à 15 rangées de pilotis, qui les soutenaient au-dessus du vide, d’où l’appellation de « moulins pendants ». Là, à l’abri des regards, était cachée sous chaque moulin, une roue à aubes d’environ 4 m de large et de 4 m de diamètre, le moteur du moulin.
Ce système de vérins permettait un maximum d’efficacité de la roue à aube, quel que soit le niveau du cours d’eau.
… 15 rangées de pilotis plongées dans la Marne …
Les moulins côté Pont du Marché
Ce fantastique ensemble technique et architectural va disparaître dans un incendie gigantesque, dans la nuit du 16 au 17 juin 1920. Huit siècles d’Histoire vont partir en fumée. Un photographe du nom de Meunier (ça ne s’invente pas) va prendre deux clichés de la façade Est, espacés d’une demi-heure, à 2 h et à 2 h 30, au petit matin du 17 juin. Ce sont les seules vues qui conservent la mémoire de cet événement.
Le foyer de l’incendie se développe sur 34 m de front et 15 m de profondeur. De ce groupe, une flamme de 35 mètres de hauteur, immense, puissante. Le feu va se déplacer, le brasier du Moulin de l’Hôtel-Dieu et du Moulin Bonnet prend de l’ampleur avec l’amas de poutres qui encombrent le lit de la Marne, ce qui génère des flammes à près de 60 m de hauteur.
Le 17 au matin, les cinq moulins du Pont du Marché ont disparu. Il ne reste qu’un squelette de poutres calcinées.
Dans les mois qui suivirent, il fallut dégager le lit de la rivière des vestiges de l’incendie ; poutres noircies, parties métalliques… En un mot, nettoyer le cimetière des moulins.
Voici la une du journal du lendemain :
Le résumé de cet événement a été fait grâce aux travaux de recherches de M. Jean-Pierre Azéma, Docteur en géographie, diplômé de Paris IV-Sorbonne. Site internet : www.patrimoine-industriel-et-moulins.eu