Touristes, croyants ou non, pénétrer dans une église c’est entrer dans un univers mystique. La basilique Saint-Paul-Serge de Narbonne ne déroge pas à cette règle. Le visiteur trouve devant lui, dès qu’il a franchi la porte, un bénitier de marbre. Rien d’étonnant, c’est ainsi dans chaque lieu de prières et de dévotions. Mais là, nous sommes à Narbonne ; il y a quelque chose en plus. En plongeant le regard au fond de cette cuvette de marbre, une forme attire l’attention, au milieu du bénitier se trouve une petite grenouille taillée à même la pierre.
Pendant très longtemps, je pensais qu’une « grenouille de bénitier » était une expression pour désigner ces vieilles bigotes acides qui viennent dans ces lieux saints se faire pardonner leurs vilaines pensées. Et bien non ! À Narbonne c’est une réalité ; la grenouille de bénitier existe vraiment.
Bien entendu, comme souvent devant ces cas insolites, les légendes fleurissent, d’autant plus que personne ne connaît ni l’auteur, ni l’âge de la grenouille. Une carte postale ancienne représente la grenouille au fond du bénitier et la légende nous explique que le petit batracien, venant du marais voisin, se réfugia dans l’église. Lors d’un office, la beauté d’un chant religieux poussa la bête à mêler sa voix à celle des chœurs. Malheurs ! Ce ne fut pas du goût de la divinité des lieux qui pétrifia sur place la grenouille.
Nous avons aussi la légende de la patte cassée que nous raconte le célèbre Frédéric Mistral. Cela se passe au XVIII° siècle. Un vieux tailleur de pierre demande à son fils Calisto, un jeune compagnon qui partait faire son tour de France, de s’arrêter à l’église de Narbonne pour y admirer la fameuse grenouille. Calisto oublia cette recommandation et revint quatre ans plus tard, sans avoir vu la sculpture. Son père l’obligea à reprendre la route, lui disant que celui qui n’avait pas vu la grenouille de Narbonne, n’avait rien vu. Calisto repartit donc et contre son gré. Une fois arrivé à Narbonne et pour se venger, il frappa la grenouille avec sa dague et lui cassa une patte. L’eau se changea alors en sang et un éclair suivi du tonnerre, retentit … L’apprenti s’effondra … Il était mort de peur. La patte est toujours manquante.
Saint-Paul-Serge aborda les côtes de la région du côté de Bages. Les habitants le rudoyèrent et voulurent l’obliger à traverser l’étang en pleine tempête. Paul se réfugia sur un rocher qui se transforma en nacelle. Une grenouille sauta alors dans l’embarcation et guida Paul jusqu’au rivage de la Nautique. Le bénitier représenterait donc symboliquement la nacelle avec la grenouille à l’intérieur.
Mais qui était donc ce saint ?
Paul de Narbonne (Saint-Paul-Serge) fut le premier évêque de Narbonne au III° siècle. C’est l’un des sept apôtres des Gaules, missionnés par le pape Fabien (236-250) pour ré-évangéliser le pays après des années de persécutions, avec Gatien de Tours, Trophime d’Arles, Saturnin de Toulouse, Denis de Paris, Austremoine de Clermont et Martial de Limoges.
Ce prénom, peu courant, vient en fait qu’à l’origine Saint-Paul-Serge n’était autre que le proconsul de Chypre, convertit à la foi chrétienne. Or, ce proconsul s’appelait « Sergius Paulus ». Il vint ensuite évangéliser le Narbonnais et Paul de Narbonne devint « Paul-Serge ».
Certains ricanent de ces légendes, d’autres sont sous le charme de l’imaginaire. Mais, avec un rosé de La Clape, bien frais …
Basilique Saint-Paul-Serge de Narbonne