LES AMAZONES DU DAHOMEY

colonel dodds

Avant de vous raconter cette histoire sur les Amazones du Dahomey, Il faut que je vous fasse connaître celui qui a conquis ce pays et qui a été confronté directement à ces guerrières hors normes. De plus, il est à lui seul un condensé de notre époque coloniale.

Il était le fils de Henri Dodds, négociant mulâtre et de Charlotte Billaud, mulâtresse de père français né à la Grenade et de mère issue d’une vieille famille franco-sénégalaise. Le grand père, John Dodds, était officier anglais, aide de camp du dernier gouverneur anglais de Saint-Louis, qui avait épousé une Sénégalaise, Sophie Feuilletaine, fille d’un officier d’origine lorraine et d’une femme peule.

Ce Saint-Cyrien, né à Saint-Louis du Sénégal, va connaître une très belle carrière dans la Coloniale. Lieutenant en 1865 à La Réunion, capitaine en 1869, il se distingue à Bazeilles en 1870. En poste au Sénégal de 1871 à 1878, puis en Cochinchine de 1878 à 1879. Chef de bataillon en 1879, il est de retour au Sénégal. Lieutenant-colonel en 1883, il participe aux opérations du Tonkin. En 1887, colonel, il pacifie le Fouta Djalon en Guinée. En 1891, il prend le commandement du 8ème Colonial à Toulon, puis il est nommé commandant supérieur du Bénin en 1892 et va diriger la campagne du Dahomey. Le 11 mai 1893 à son retour du Dahomey à bord du paquebot « Le Thibet », dans le port de Marseille, le Commissaire de la Marine Hanès remet la première médaille commémorative du Dahomey au général Dodds. Général de brigade en 1892, il est Inspecteur des Troupes de Marine. Général de division en 1899, il sera Commandant supérieur des Troupes de Marine de 1903 à 1907.

C’est cet homme qui va être confronté à des combats incroyables, face à des femmes guerrières, qu’il va vaincre, mais non sans mal.

DU MYTHE À LA RÉALITÉ.

amazone-dahomey

Les Amazones du Dahomey ont beaucoup frappé l’imagination dans les récits du XIXème siècle, mais elles ont surtout causé beaucoup de pertes dans les rangs des soldats français venus conquérir leur pays.

Le Dahomey du XVIIIème et XIXème siècle était l’un des pays les plus riches d’Afrique, également le plus puissant, grâce à une imposante armée. La richesse venait du commerce des esclaves principalement et sa puissance militaire venait du fait qu’ils possédaient des fusils et des munitions en quantité, obtenus par le commerce des esclaves (Danois, Hollandais, Allemands, payaient avec des armes).

En 1892, la France, prétextant un accrochage avec la canonnière « Topaze », le 27 mars 1892, arguant qu’au Dahomey les sacrifices humains, le cannibalisme, la polygamie, étaient en vigueur, va lancer une offensive. En fait, le gouvernement français veut étendre son empire colonial en A.E.F. (Afrique Équatoriale Française), éviter la progression des Allemands du Togo et couper la route aux Anglais du côté du Nigéria. Les troupes du colonel Dodds, environ 4000 hommes, dont 800 Légionnaires, quelques Marsouins mais principalement des Tirailleurs sénégalais, partent de Cotonou en direction d’Aboney, la capitale, située à 250 km à l’intérieur des terres.

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Le combat de la canonnière « Topaze » le 27 mars 1892

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Le roi Béhanzin possède une puissance militaire conséquente, environ 20 000 guerriers, dont 4000 Amazones ; il dispose aussi de 5000 fusils à tir rapide. Malgré les accords conclus le 30 octobre 1890, les escarmouches se multiplient. Au combat de Pokissa, le 4 octobre 1890, les Français capturent trois soldats allemands et un belge ; sans doute des « conseillers » comme on dit de nos jours. Les deux parties se préparent en fait à une guerre ouverte. Durant deux années, les Français feront face à une résistance acharnée et vont affronter un ennemi inattendu…des femmes ; les fameuses Amazones n’étaient pas un mythe.

Les Amazones sont minutieusement sélectionnées à l’adolescence et sont destinées aux métiers des armes pour toute leur vie. Elles doivent rester vierges, ne pas fonder une famille. L’entraînement est quotidien et physiquement très pénible. Elles excellent dans le « corps à corps » et recherche l’affrontement physique. Elles pratiquent une technique de « roulé-boulé » pour s’infiltrer en dessous des haies de baïonnettes des soldats français et si un malheureux soldat tombe entre leurs mains, il est décapité. En 1890, le roi Behanzin a négocié avec les Allemands, en échange de 400 esclaves, 26 000 fusils, 6 canons, 4 mitrailleuses et des munitions. Les Amazones vont s’adapter, elles se répartissent en cinq catégories :

  • Les « gulonentos » ou fusillères.
  • Les « gomentos » ou archères, de moins en moins nombreuses.
  • Les « nyekplohento » ou faucheuses, armées d’une lame de 45 cm au bout d’un manche de 60 cm.
  • Les « artilleuses ».
  • L’élite ou les « chassereuses » qui sont sélectionnées pour leur force physique et leur grande stature.

guerrieres dahomey

 A droite, une nyekplohento. A gauche, une gulonento

L’effet de surprise passé, les Amazones périront face aux techniques militaires des Français. En novembre 1892, lorsque les Français arriveront dans la capitale, elles ne seront plus qu’une cinquantaine. Le roi Behanzin, va fuir à l’intérieur des terres et poursuivra la lutte  jusqu’en 1894 ; il finira par se rendre et sera déporté à la Martinique, puis en Algérie où il meurt, à Blida, le 10 décembre 1906. Les Béninois d’aujourd’hui le nomment le « Vercingétorix de l’Afrique ».

 Behanzin-Goho-1895                                      Le roi Behanzin se rend aux Français à Goho en 1895

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 Behanzin, ex-roi du Dahomey exilé à Blida.