ET SARREGUEMINES RESTERA FRANÇAIS !

Depuis l’époque de Louis XIV, la région sarroise faisait déjà l’objet de querelles entre l’Allemagne et la France. La ville de Sarrelouis fut fortifiée par Vauban et de nombreux Français y firent souche. Mais, c’est surtout après la Première Guerre mondiale, suite aux conditions du Traité de Versailles, que l’affaire se complique. En effet, le Traité donne la pleine possession des mines du Territoire de la Sarre à la République française, en compensation des destructions allemandes du bassin houiller du Nord de la France durant le conflit. Le sous-sol sarrois est très riche en charbon et, en théorie, la Sarre est administrée par la Société des Nations, mais, en réalité, les Français vont contrôler le territoire durant 15 ans.

bassin houiller

Après cette décennie et demie, le 13 janvier 1935, un référendum est organisé afin de définir si la Sarre sera rattachée à la France ou si elle veut rejoindre le giron de l’Allemagne hitlérienne. Avec plus de 90 % des suffrages, la Sarre choisit l’Allemagne et, par conséquent, perd son autonomie.

retour vers l'Allemagne« Heimkehr der Saar »  Retour de la Sarre

Après la Seconde Guerre mondiale, le problème se pose une nouvelle fois. La Sarre, détachée de l’Allemagne vaincue, possède un gouvernement autonome, mais placé sous le contrôle d’un Haut-Commissaire français. À partir de 1947, la Sarre, avec son charbon, entre dans l’espace économique, douanier et monétaire de la République française. La monnaie devient le franc sarrois et les timbres-poste sont édités en francs.

Franc sarrois« Zwanzig Franken »  Vingt francs

 

timbre sarre 1950 Timbre 1er jour 1950 Saarbrûken  15 francs + 5 francs surtaxe

Dès le début des années cinquante, et sous l’impulsion du chancelier Adenauer, l’Allemagne fédérale va vivre ce qui sera appelé « le miracle allemand ». Konrad Adenauer cherchera aussi à faire revenir le Saarland au sein de la mère patrie. Une bataille diplomatique s’engage alors entre les partisans du rattachement à l’Allemagne d’une part, et la collaboration avec la France et de l’autonomie d’autre part.

Face à la dégradation de la situation économique de la France, les Sarrois n’hésitent pas. En octobre 1955 ils diront « non » à 66% au statut européen et s’expriment clairement pour un retour au sein de l’Allemagne.

La méfiance de la France, qui se souvient de la perte de la Sarre en 1935 et de ses conséquences, se demande si l’histoire peut se répéter. Certains personnages du gouvernement allemand ont eu un passé trouble à l’heure du nazisme, et la crainte d’un renouveau nationaliste plane sur la fête du rattachement, le 1er janvier 1957.

Le Chancelier rend visite aux Sarrois, les rues sont pavoisées de drapeaux allemands, des timbres-poste sont édités et des cartes postales célébrants le retour vers la mère patrie sont vendues dans les rues.

carte postale saar

Ce sont ces cartes postales qui vont poser problème. On remarque que l’Allemagne ne récupère pas seulement la Sarre allemande, mais aussi une partie de la Sarre française : Sarreguemines, Saargemünd en allemand, se retrouve à l’intérieur du tracé de la frontière. Sarreguemines a souffert de l’occupation et a été massivement bombardée durant la Seconde Guerre mondiale. Pour les Français, il s’agit bien d’une propagande nationaliste. Stupeur des sarregueminois qui réclament le retrait de ces cartes offensantes. Les autorités sarroises et allemandes accèdent à la demande des frontaliers, mais le mal est fait. Le journal « Le Monde » met l’affaire sur la place publique. L’incident diplomatique provoqué par les cartes postales est clos, l’heure est à la réconciliation franco-allemande, également, nous sommes en pleine négociation des Traités de Rome. Alors ! …

Pour les Sarregueminois, il s’agit de mettre un point final à cette affaire et de laver cet affront. Ce sera fait à l’occasion de la journée nationale du timbre le 17 mars 1957. Les Éditions de l’Europe, installées à Sarreguemines, vont rétablir la vérité en éditant une nouvelle carte postale. Le ton est assez rude, on parle d’annexion sur la partie gauche de la carte. La partie droite retrace la frontière et Sarreguemines se trouve à l’intérieur des frontières françaises. Il est mentionné aussi « en attendant l’Europe ». Sarreguemines reste en France. Comme quoi, une carte postale peut être le début d’un conflit mais aussi une réponse d’un peuple vigilant, comme le furent les habitants de Sarreguemines.

carte postale saar rectifiéeUne histoire de carte postale peu commune