TIRAILLEURS

L’ARMÉE D’AFRIQUE ET L’ARMÉE COLONIALE : DEUX GRANDS CORPS MILITAIRES DISTINCTS

Il y a bien une différence entre les tirailleurs de l’armée d’Afrique d’origine maghrébine et l’armée coloniale, venues des quatre coins de notre empire. On confond les deux, alors qu’il s’agit de deux entités dont les recrutements, les lieux de garnisons et les traditions sont bien distinct. Un peu d’Histoire.

L’armée d’Afrique.

C’est sous cette appellation que l’on nomme le corps expéditionnaire français qui a débarqué à Sidi Ferruch en 1830. Il s’appliquera ensuite aux troupes qui ont conquis le territoire. L’armée va se doter des premières unités dites « indigènes », tirailleurs, spahis, zouaves… Les unités de Zouaves sont créées en 1830, les Chasseurs d’Afrique en 1831, les Tirailleurs Algériens en 1841, les Spahis en 1843, les Méharistes en 1843. Au Maroc, les goums sont créés en 1908.

Après les protectorats de la Tunisie (1881), puis du Maroc (1912), la Légion étrangère, les Chasseurs d’Afrique et les Bataillons d’infanterie légère d’Afrique, vont constituer l’Armée d’Afrique qui sera dissoute en 1962. Néanmoins, quelques unités de tradition vont subsister, le 1er régiment de Tirailleurs, le 1er régiment de Spahis, le 1er régiment de Chasseurs d’Afrique.

L’armée coloniale.

Les tirailleurs sénégalais sont créés en 1847. Avec l’extension des conquêtes, vont s’ajouter les tirailleurs indochinois, somalis et malgaches. Ces unités, dites coloniales, avec des effectifs mixtes, métropolitains et indigènes, servent en Indochine, en Afrique noire, en Côte de Somalis, à Madagascar, aux Antilles, à La Réunion, au Levant et dans le Pacifique.

Origine de la confusion.

Dans l’entre-deux-guerres, écrivains et journalistes ne parlent que de l’armée coloniale qui, à leurs yeux, réunit alors ceux de l’armée d’Afrique et ceux des troupes coloniales.

Les troupes dites « coloniales » (autrefois) ou de Marine (de nos jours) ont été créées en 1622 par le cardinale de Richelieu sous le nom de « Compagnies ordinaires de la mer ». Troupes embarquées, elles avaient pour mission principale les combats lors des abordages et les combats à terre lors des débarquements. Ils étaient placés sous l’autorité du ministère de la Marine. Les conquêtes coloniales ont fait que l’État a positionné des troupes permanentes à terre, pour assurer l’occupation, le commerce, la défense.

Au XVIIème et XVIIIème siècle, les combats d’abordage n’existant plus, les troupes de Marine vont rester à terre partout dans le monde.

En 1900, les troupes de Marine quittent le ministère de la Marine pour rejoindre le ministère de la Guerre. De ce fait, les troupes de Marine prennent le nom de troupes coloniales (loi du 7 juillet 1900). En 1905, les effectifs de l’armée coloniale stationnée en métropole ont été arrêtés à 2 123 officiers et 26 581 soldats. Les effectifs aux colonies se montent à 1 743 officiers, 21 516 hommes de troupes européens et 47 868 soldats indigènes.

En 1914, la France dispose du deuxième empire colonial mondial avec un peu plus d’une dizaine de millions de km² et peuplé de près de 55 millions d’individus locaux et de quelques centaines de milliers de colons. A la veille de la Grande Guerre, les troupes coloniales comptent 102 bataillons d’infanterie et 39 batteries d’artillerie, dont 36 bataillons d’infanterie et 12 batteries d’artillerie en métropole et 21 bataillons en Afrique du Nord. Au début de la guerre, les troupes coloniales vont s’organiser en deux corps d’armée qui regroupent sept divisions. Ils vont être engagés sur tous les fronts.

La méconnaissance de l’Histoire augmente la fièvre et les passions. Les troupes coloniales sont soumises aux « on-dit » et au mythe de « la chair à canon » et de soldats africains qu’on envoie mourir à la place des blancs. Tout nous dit le contraire.

Les morts au combat, sur les 130 000 qui ont réellement été au front, 30 000 sont morts soit un mort pour six mobilisés, c’est à peu près la proportion de décès que l’on observe parmi les « Poilus » métropolitain.

Voyons maintenant les chiffres des effectifs Métropolitains et Colonies.

  • Durant la Première guerre mondiale, 7,8 millions de Français furent mobilisés, soit 20 % de la population, parmi ces 7,8 millions de Français figurait 73 000 « Pied-noir ».
  • Les pertes de Français métropolitains furent de 1 300 000 morts, soit 16,67 % des effectifs.
  • Les pertes des Français d’Algérie furent de 12 000 morts, soit 16,44 % des effectifs.
  • Le Maghreb (Maroc-Algérie-Tunisie) va fournir 218 000 hommes, dont 178 000 Algériens, soit 2,65 % de tous les effectifs de l’armée française.
  • Les pertes des Maghrébins furent de 35 900 hommes, soit 16,47 % des effectifs.
  • Pour les troupes d’Africains, Tirailleurs « sénégalais », en fait, venant de toute l’Afrique, il faut parler d’estimation, entre 18,51 et 15,87%, soit 30 000 morts. Pourquoi une estimation ? Un tiers des pertes des Tirailleurs a été suite aux pneumonies et autres maladies dues au froid, et non au combat. Une grande confusion a toujours existé pour l’emploi du terme « coloniaux ». Le 2ème Corps colonial engagé à Verdun en 1916, était composé de 16 régiments de Français mobilisés, dont 10 régiments de Zouaves composés de Français d’Algérie, et du fameux RICM (régiment d’infanterie coloniale du Maroc), unité très majoritairement européenne.

Une autre affirmation prétend que durant ce conflit, la France a survécue grâce aux importations diverses de son Empire. En réalité, 6 millions de tonnes de marchandises venaient des colonies et 170 millions de tonnes du reste du monde.

La seule certitude, les « Tirailleurs sénégalais » ont courageusement combattu et même dans certains cas, héroïquement. Ils ont droit à notre respect.

LE RÉGIMENT D’INFANTERIE COLONIALE DU MAROC À DOUAUMONT

Vous remarquerez sur ces deux photographies que le terme « coloniale » ne signifie pas forcément « Africains ».

Nous allons faire le point de la situation. Nous sommes en 1914.

L’effort de guerre de l’Empire colonial français s’est traduit par l’apport de 800 000 hommes dont 600 000 combattants et 200 000 ouvriers. A ce moment-là, les forces françaises sont réparties en trois grands ensembles distincts : l’armée métropolitaine, les troupes coloniales et l’Armée d’Afrique. Dans la terminologie militaire, les Troupes coloniales sont des formations métropolitaines qui, depuis 1900, ont fusionné, infanterie et artillerie (Marsouins et Bigors) pour former l’Arme de la coloniale. A ne pas confondre avec l’Armée d’Afrique qui se compose de Tirailleurs, de Spahis, de Zouaves, de Chasseurs d’Afrique… Lors de la Première guerre mondiale, la mobilisation en grand nombre de troupes indigènes provenant de toutes les parties de l’Empire a fait que dans le langage commun les troupes coloniales et troupes africaines, ne faisaient qu’un.

On estime que l’Empire français a fourni en quatre années de guerre, 600 000 « Indigènes » dont 450 000 ont combattu en Europe. Sur 270 000 mobilisés au Maghreb, 190 000 ont été dans des unités combattantes. Sur les 180 000 Tirailleurs Sénégalais mobilisés, 134 000 ont été dans des unités combattantes. Les autres venant de toutes les parties de  L’Empire, Madagascar, Indochine, Côte de Somalis, Océanie … Cette présence des « indigènes » a représenté 7 % des 8 410 000 mobilisés de l’Armée française et près de 15 % des combattants.

Les chiffres recensés par le Parlement en décembre 1924 établissent le bilan suivant pour les combattants :

Algérie – Hommes incorporés : 173 019 – Venus en Europe : 172 800

Tunisie – Hommes incorporés : 80 339 – Venus en Europe : 60 000

Maroc – Hommes incorporés : 40 398 – Venus en Europe : 37 150

AOF/AEF – Hommes incorporés : 181 512 – Venus en Europe : 134 210

Indochine – Hommes incorporés : 48 922 – Venus en Europe : 43 430

Madagascar – Hommes incorporés : 41 355 – Venus en Europe : 34 386

Côte de Somalis – Hommes incorporés : 2 434  – Venus en Europe : 2 088

Pacifique  – Hommes incorporés : 1 007 – Venus en Europe : 996

Total – Hommes incorporés : 568 986 – Venus en Europe : 485 040

Total des morts et disparus : 75 512

TRAVAILLEURS INDOCHINOIS ARSENAL DE TARBES

… EN ATELIER …

… DANS L’AGRICULTURE …

La guerre qui dure et les pertes  en hommes, relancent le recrutement des troupes des colonies. En Algérie, puis en Tunisie, la conscription est généralisée en septembre 1916. Le volontariat est la règle au Maroc ainsi qu’en AEF, à Madagascar, en Indochine et dans le Pacifique. En AOF, le système de conscription est abandonné en 1915, après la révolte bambara (Mali).

Fin 1917, Clémenceau charge le général Mangin du recrutement le plus massif possible de contingents africains, mais ces nouvelles recrues sont encore à l’instruction quand la guerre prend fin.

Il faut ajouter un apport de main-d’œuvre considérable. A la fin de la guerre, l’Algérie a fourni 120 000 travailleurs, l’Indochine (l’Annam) près de 50 000 pour les ateliers mécaniques, les usines de guerre et les exploitations agricoles. Cet appel aux travailleurs de nos colonies s’explique par la mobilisation des Français métropolitains sur le front qui a provoqué une pénurie de main-d’œuvre dans les usines et dans les champs.

Bien entendu, ces chiffres, cette histoire-là, n’est pas enseignée dans nos écoles. C’est un tort, car les « anti » de tout bord se précipitent sur ce vide pour prôner mensonges, racisme et autres théories contre la France et la République.