UNE HISTOIRE DE GARDE CHAMPÊTRE

Il faut remonter au Haut Moyen-âge pour trouver une trace de fonction analogue à celle de garde champêtre. Charles V dit « le Sage », crée le 19 juin 1369, les premiers gardes ruraux appelés « Gardes des Ablais » (blés, grains en terre). Ce garde avait pour mission la surveillance des moissons. Ils sont les ancêtres d’une longue lignée de gardes ruraux qui deviendront quelques siècles plus tard les Gardes Champêtres. Au  début du 15ème siècle, ces gardes sont appelés « Gardes Messiers » (celui qui garde les récoltes). On ignore par qui le blé fut introduit en Gaule, mais de tous, le blé est le plus important pour la nourriture de l’homme. Depuis l’antiquité, la surveillance des champs de blé était nécessaire pour la survie de l’homme et pour éviter la famine.

Garde champêtre surveillant les glaneuses. Tableau de Jules Breton 1827-1906

Jusqu’à la Révolution, le Garde Messier aide les échevins en surveillant les champs, leur récolte et en faisant respecter la banalité accordée par le droit féodal au seigneur. À l’époque féodale, les paysans qui habitaient sur les terres du seigneur devaient payer une taxe pour utiliser le moulin, le four, le pressoir, qui appartenaient au seigneur. Le Garde Messier avait pour mission d’interdire de ratisser le grain qui venait d’être semé, de le couper vert, de ramasser les gerbes avant le passage du terrageur (seigneur propriétaire du champ), de glaner avant l’aube et après le crépuscule, de marauder, de faire périr les arbres, de mutiler les greffes, d’abandonner les outils dans les champs, d’endommager les parcs à bestiaux et les cabanes de berger, de porter atteinte aux troupeaux.

Sous le règne de Louis XIV, les gardes avaient, en plus de la surveillance des récoltes, à surveiller le « droit exclusif de chasser » (ordonnance royale de 1669).  Appelés « Baugards », « Gardes Champs », « Gardes Messiers » ou d’une façon plus poétique « Sergents de Verdure », ces agents chargés de surveiller le territoire de chasse du seigneur, exerçaient une police impitoyable envers les braconniers et les glaneurs. Leur comportement leur vaut une totale impopularité et les États Généraux de 1789 demandent d’être délivrés des Gardes chasse.

Un garde champêtre rédige un procès verbal à un chasseur.

Les vœux des paysans seront pris en compte par la disparition du système féodal par les décrets d’août 1789. Les lois du 23 septembre et du 6 octobre 1791, vont définir le cadre et l’élaboration du code rural concernant les gardes champêtres. Mais, c’est la loi du 8 juillet 1795 (Messidor an III) prise par l’Assemblée qui va définir le statut du garde champêtre. Il doit avoir au moins 25 ans, doit savoir lire et écrire, avoir une bonne condition physique, faire partie des vétérans nationaux ou des anciens militaires pensionnés ou munis d’un congé pour blessures. Choisit par le maire, le garde champêtre doit prêter serment devant le juge de paix du canton. Il devient un agent de la force publique par son inscription au registre de la  Gendarmerie. Le garde champêtre n’est assujetti au port d’un uniforme, coiffé d’un bicorne, il doit porter une plaque de métal avec son nom, celui de la commune et les mots : « La loi ». Il a le droit de porter toutes sortes d’armes que le préfet juge nécessaire.

Plaque de garde champêtre

Sabre « briquet »

Le bicorne

Malheureusement, toutes ces conditions de recrutement limitent considérablement le nombre de candidat. De plus, la rémunération est faible et les maires utilisent les gardes champêtres comme « hommes orchestres » et on retrouve le garde avec un tambour faire office de « crieur ».

Garde champêtre « crieur » de nos campagnes.

L’une des premières préoccupations du futur Empereur Napoléon 1er, après son coup d’état du 18 brumaire an VIII (09.11.1799), fut le sort des braves soldats à la retraite n’ayant que leur maigre pension pour survivre. Aussi, le 25 fructidor an IX (12.09.1800), un arrêté déclarait que les gardes champêtres seraient désormais choisis parmi les vétérans.

La loi de 1803 qui instaure le permis de port d’arme et de chasse s’inscrit dans la lutte contre les infractions rurales. Afin d’améliorer l’efficacité des gardes champêtres, le 1er décembre 1809, on créé les brigadiers gardes champêtres qui surveillent les gardes champêtres du canton, leur transmettent les ordres de la gendarmerie, du juge de Paix, des procureurs impériaux, des maires et des préfets. Ces brigadiers ont également la charge de former les gardes champêtres qu’ils réunissent une fois par mois. Ce corps de brigadiers sera supprimé quelques années après sa création car beaucoup commettaient des abus. À partir de 1820, une certaine stabilité se met en place et les gardes champêtres restent plus longtemps en fonction.

Vers 1840, les gardes champêtres sont reconnus par toute la population rurale, apprécié par certains, décrié par d’autres. Le garde abandonne le bicorne au profit du képi. Dès 1822, les gardes champêtres sont dotés de fusils ou de pistolets, comme la gendarmerie, une ordonnance du 24 juillet 1816 leur permet d’avoir un fusil de guerre. Le code d’instruction criminelle comprend les règles de compétences du garde champêtre pour la constatation des délits ruraux, l’article 16 le classe au rang d’officier de police judiciaire. Le garde champêtre se voit attribuer d’autres tâches résultants de lois spéciales dont la plupart sont toujours en vigueur.

    • Police de la pêche. (Loi du 15 avril 1829)
    • Cartes à jouer. (Loi du 28 avril 1816)
    • Chemin de fer. (Loi du 15 juillet 1845)
    • Circulation des boissons. (Loi du 21 juin 1873)
    • Contributions indirectes.
    • Douane.
    • Epizooties. (Loi du 27 janvier 1815)
    • Gendarmerie- Ordre public. (Décret du 11 juin 1806, confirmé par l’ordonnance du 29 octobre 1820)
    • Huissiers.
    • Plantation d’arbres. (Décret du 16 décembre 1811)
    • Poudre à feu. (Ordonnance du 17 novembre 1819, Loi du 25 juin 1841, Ordonnance du 5 octobre 1842)
    • Roulage. (Loi du 12, 30 avril et «30 mai 1851)
    • Saisie-brandon. (Article 628 du Code de procédure civile)
    • Sel. (Ordonnance du 19 mars 1817)
    • Tabac. (Loi du 28 avril 1816)
    • Voirie. (Conseil d’État-, le 1er mars 1842)

Le garde champêtre relève les contraventions et les délits constatés par procès verbaux adressés au Procureur de la République par l’intermédiaire de la gendarmerie. Une nouvelle loi municipale du 5 avril 1884, n’a pas maintenu l’obligation d’avoir un garde champêtre dans chaque commune rurale de la République. La Loi du 3 brumaire an IV, article 38 est modifiée : « Toute commune peut avoir un ou plusieurs gardes champêtres ».

En 1884, la France comptait 28 589 gardes champêtres.

Les gardes champêtres de nos jours.

En 1958, la disparition du Code d’instruction criminelle au profit de l’actuel Code de procédure pénale va faire perdre la qualité d’officier de police judiciaire aux gardes champêtres. Depuis cette même année, les communes rurales n’ont plus l’obligation de nommer un garde champêtre, ce qui va provoquer une lente disparition des 20 à 30 000 gardes champêtres de l’époque, qui, pour la plupart, ne sont pas remplacés à leur départ à la retraite. Aujourd’hui, il reste environ 1 500 gardes champêtres. Mais, la tendance est la hausse.

Ils souffraient d’une image désuète. Le temps du garde champêtre qui jouait à coups de roulement de tambour le rôle de crieur public est révolu. En effet, depuis cinq ans, une quarantaine de postes supplémentaires sont ouverts chaque année. De plus en plus de collectivités rurales recrutent à nouveau des gardes champêtres. Il faut noter que leurs compétences sont plus larges que celles des policiers municipaux.

Les attributions sont nombreuses, le garde champêtre a notamment le droit de suite, de perquisition et d’audition. C’est la police des campagnes, de la forêt, de l’environnement, de la chasse, des parc nationaux et des réserves naturelles, de la faune et la flore, des bruits et nuisances sonores, des foires et marchés, police funéraire, ivresse publique, des OGM et il a même des compétences douanières.

Cette polyvalence est le résultat de la qualité du recrutement, de la nécessité de la présence de la loi dans le milieu rural. C’est un métier qui couvre 150 domaines de compétences avec des pouvoirs judiciaires important.

Le responsable de la brigade de Petit-Caux en Seine-Maritime, (18 communes, 350 agents), nous raconte : “Nous nous occupons des dépôts sauvages, des tailles de haies, de la chasse, de la sortie des écoles, des conflits de voisinage…” Le maire de Petit-Caux, une nouvelle commune de 9 600 habitants, dispose de 5 gardes champêtres : “Le garde champêtre a des pouvoirs importants en matière d’environnement. C’est cet aspect qui est particulièrement intéressant”.

Dans le Haut-Rhin, la Brigade verte à 30 ans.