TAROUDANT C’EST LÀ QUE JE VIS

 

 Taroudant1

VOICI LA CARTE 

tarroudant remparts

 VOICI LA VILLE

 Tours et murailles font à la ville un bracelet

A petits pas trotte une mule chargée de rafia.

Ruelle où tout se vend ; couteaux, gâteaux,

Colliers, plateaux, petits pains cuit au four.

Ô rumeurs : les voix, les bruits de roues,

le cri du coq sous la voûte, l’écho.

Une femme en haïk bleu : à petits plis au bas du dos,

Le voile à peine levé dévoile la cheville et un soulier à talon noir et nu.

Déclin des lueurs, le soleil descend.

Arganiers, amandiers en fleurs, un acacia ?

Nuit de janvier fraîche : une étoile brille très haut, très loin.

Taroudant.

 

                                                                                                                   Pierre Lartigue, écrivain.

Taroudant ; une des villes les plus anciennes du Maroc, se situe dans le Sud marocain à 85 km d’Agadir. La ville est entre l’Oued Souss et l’Oued Ouaârr, sur les contreforts du Haut-Atlas au Nord et de l’Anti-Atlas au Sud. Si les oliviers et les vergers ont disparu dans l’enceinte des remparts, quelques palmiers subsistent, qu’une loi interdit d’arracher, et qui ont raciné au beau milieu des rues, rendant la circulation automobile souvent délicate.

La ville de Taroudant compte environ 100 000 habitants. Construite pour quelques milliers d’habitants intra-muros, elle abritait 5 000 âmes en 1949…quelques soixante années ont passé. 70 000 âmes vivent à l’intérieur des remparts et environ 30 000 dans les nouveaux quartiers de la périphérie. Oliveraie, vergers, jardins, ont disparu pour céder la place à une population toujours plus importante ; des commerces, des souks et des échoppes de toutes sortes. Dans les jardins de l’ancienne demeure du caïd, « Dar Baroud » (la maison de la poudre), les jacarandas, d’une taille respectable, vestiges d’un passé verdoyant, donnent un bleu superbe en contraste avec les murs ocre de la vieille bâtisse.

Panorama Dar El Baroud LRDJ

Dar Baroud

Le savoir-faire des artisans Roudanis a disparu en même temps, au profit de Marrakech. Les célèbres poignards retournés étaient un savoir-faire local et les bijoutiers juifs réalisaient de magnifiques fibules et parures…reste les artisans du cuir. Au cour de sa longue histoire, la ville a connu des hauts et des bas, gloire et déclin. Léon l’Africain a évoqué l’essor de Taroudant en la qualifiant de « magnifique et civilisé ». Indépendante de tout pouvoir central, elle avait alors une gouvernance assez originale. Hassan Al Ouazzane rapporte que la cité était gouvernée par quatre notables qui se relayaient tous les six mois pour diriger la ville.

Sous le règne de Mohamed Ben Idriss, Taroudant entra dans le giron des Idrissides. Son frère, Abdallah Ben Idriss, fut nommé gouverneur du Souss. Ce dernier fit d’Aghmat sa ville de résidence. Taroudant perdit alors son rôle de capitale régionale. Elle conserva toutefois son importance commerciale sur la route de l’or reliant à l’Afrique subsaharienne.

Taroudant, « perle du Souss » est également surnommée « la petite Marrakech » pour sa similitude avec ses remparts. En effet, 7,5 km de remparts entourent la ville, les 130 tours et 19 bastions en font un ensemble monumental et magnifique. Remparts millénaires, puisque c’est au XI° s, époque des Saadiens, que débuta la première phase de construction. Une étude archéologique décrit les remparts de Taroudant « non pas comme une seule muraille, mais deux murailles accolées l’une à l’autre, de deux époques différentes ». Annexée par les Almoravides en 1057, la ville va connaître une stabilité politique et économique et redevenir le centre administratif qui va contrôler tout le Souss. Dès lors, la ville de Taroudant reprit son rôle ancien de carrefour des routes commerciales venant du Sud, ce qui va attirer des gens d’origines diverses. C’est sous le règne du conquérant Youssef Ibn Tachafine que Taroudant fut fortifiée et que les terres agricoles furent mises en valeur.

Les Mérinides s’emparent de la ville en 1267. Ils vont réussir à neutraliser le rebelle Ibn Yedder sans pour autant assurer la sécurité dans la région du Souss, aussi Taroudant va demeurer indépendante de tout pouvoir central. En 1515, durant la période Saâdienne, Taroudant va entamer son âge d’or en devenant la capitale de l’émir Mohamed cheikh Saadi (on l’appela alors Mohammedia). Ce dernier va procéder à la fortification de la ville et la doter de grands bâtiments. Un essor commercial sans précédent aussi bien avec les Musulmans qu’avec les Européens et principalement les Anglais va s’opérer. La production locale d’ustensiles en cuivre, de tissus de laine, articles de cuir et particulièrement la production de sucre très appréciée par la cour d’Angleterre va enrichir toute la région. Un espion Anglais fait mention dans un rapport daté du 25 octobre 1596, que l’industrie sucrière rapportait au sultan Al Mansour Eddabhi plus de 800 000 mitkal* par an. A cette époque, Taroudant, avec ses bâtiments et son expansion économique, dépassée Fès et surtout Marrakech, sa rivale de toujours. Sur le plan culturel et scientifique, Jamâa El Kébir (la Grande Mosquée) fut l’une des plus grandes universités de l’époque où les plus grands érudits du XV° s. venaient dispenser leur science.

Comme sur tous les continents, la peste va frapper. Taroudant va subir une sévère épidémie au XVII°s. qui va décimer ses habitants. Le sultan Ahmed Al Mansour lui-même en périe en 1603. Les survivants prirent la fuite et la ville fut abandonnée. Ce fut le début de la chute des Saadiens. En 1670, Moulay Rachid mit définitivement fin à leur pouvoir en détruisant Iligh leur capitale. Taroudant passa alors sous l’influence Alaouite  en neutralisant les tribus. Commence alors le long chemin de l’unification du Maroc.

En 1685, le sultan Moulay Ismaël assiège Taroudant pour en chasser son frère Moulay Al Harane et son neveu Moulay Ahmed ; ils s’étaient mis en rébellion pour s’accaparer des richesses Roudanis. Deux ans plus tard, en 1687, la rébellion s’éteint. Après ces périodes de conflits du XVII° et XVIII° s. Taroudant perdit beaucoup de son influence et de ses richesses. La vieille ville va alors se tourner vers la culture de l’olivier et de l’arganier.

Au début du XX° s. el Hiba, va entrer en lutte contre les Français à partir de Taroudant. Il fut battu en 1913 et la ville sera occupée par les troupes françaises jusqu’au moment de l’Indépendance, en 1956.

 

* Mitkal = 4,50 g de poudre d’or. Monnaie supplétive du dinar ou dirham aussi appelée « monnaie des oasis ».