ÉDOUARD DE WOODSTOCK, L’IMPITOYABLE PRINCE NOIR

Fils aîné du roi d’Angleterre Édouard III, Édouard de Woodstock a vécu au XIVème siècle et a eu divers titres de noblesse. Chevalier, Prince héritier de la couronne d’Angleterre, Prince de Galles, comte de Chester, duc de Cornouailles, Prince d’Aquitaine et enfin « Prince Noir ». Ce surnom ne lui fut attribué deux cents ans plus tard, en 1599, popularisé par William Shakespeare (Richard II).
Édouard de Woodstock est né le 15 juin 1330, à Woodstock, il décède le 8 juin 1376 à Westminster. Il avait 45 ans.
« Il déclare la guerre à la France et, pour affaiblir le roi qui a une armée bien supérieure sans toutefois l’affronter, il effectue des chevauchées punitives. Il brûle tout, y compris les récoltes, pour entraîner la disette. Il amasse aussi des biens » explique Lucien Ariès.

Édouard de Woodstock, en tant que fils aîné, est créé Prince de Galles en 1343.
Déjà formé aux tournois et aux armes, Édouard de Woodstock débarque le 12 juillet 1346 à Saint-Vaast-la-Hougue, le jour même il est fait chevalier par son père, le roi d’Angleterre Édouard III. Il a 16 ans. Il va guerroyer ensuite en Normandie aux côtés de son père et connaît sa première grande bataille à Crécy en 1346 où il commande l’aile droite de l’armée anglaise (à l’aide du comte de Warwick). En fin de journée, Édouard fait exécuter les soldats français blessés et ceux incapables de payer une rançon. Le lendemain matin, il fait massacrer les milices françaises venues en renfort, mais trop tard.
Le roi d’Angleterre, victorieux lors de la bataille de Crécy, souhaite pousser son avantage militaire jusqu’à Calais. Face à la résistance des Calaisiens, Edouard III choisit la méthode du siège. Il a la maîtrise de la mer, fait un blocus et affame la ville. Le siège de Calais va durer onze mois et les morts de faim et de maladies se comptent par millier. Les Calaisiens n’ont d’autre choix que d’accepter la reddition. Mais Edouard III y met le prix, six bourgeois de la ville doivent lui être livrés pour être exécutés. En contrepartie, il s’engage à laisser la vie sauve aux habitants qui doivent néanmoins quitter la ville. L’attitude des six condamnés va émouvoir la reine qui supplie son époux d’épargner la vie des six bourgeois. Le roi accède à sa demande et épargne les condamnés. Il prend alors possession de la ville qui devient officiellement anglaise le 3 août 1347, Calais le restera jusqu’au mois de janvier 1558 où elle sera reprise à la reine Marie Tudor par le roi Henri II.

Au cours de ce siège, le futur Prince Noir va sauver la vie de son père, menacé par un groupe de soldats français en action « commando ».
Il faut noter que particulièrement dans le Sud de la France, c’est une période de fléaux, où les guerres sont incessantes mais ce n’est pas le fléau le plus important. Il y a des périodes de sécheresse, de pluies diluviennes, d’hiver rigoureux. Les famines se multiplient, et les épidémies de peste. La plus importante, la Peste Noire, tue environ la moitié de la population, parfois davantage à partir de 1348, c’est la fin du « monde plein » comme on disait alors.
Le conflit entre les rois de France et d’Angleterre se cristallise autour du duché d’Aquitaine et de Gascogne, un héritage sous la suzeraineté du roi de France. Edouard III confie à son fils Le futur Prince Noir, son pouvoir en Aquitaine. Edouard de Woodstock débarque à Bordeaux le 20 septembre 1355 avec 1000 hommes d’armes et 11 000 archers, pour « réorganiser, recouvrer ses domaines et ses droits ». Il lance alors des raids, appelés « chevauchées » d’intimidation et son mot d’ordre est « brûler, piller, détruire « ».
Face à l’offensive du roi de France Jean le Bon, le Prince Noir lance une de ses chevauchées vers le Nord. Il rencontre l’armée français près de Poitiers, la bat, et fait prisonnier le roi Jean le Bon. De longs pourparlers aboutissent au traité de Brétigny, en 1360. Le roi de France renonce à la suzeraineté sur l’Aquitaine-Gascogne. Le roi d’Angleterre renonce à ses prétentions au trône de France.

Le prince Noir va mener une campagne à travers tout le Sud-ouest. Le 5 octobre 1355, Édouard de Woodstock quitte Bordeaux avec une armée de 14 000 hommes (1 500 lances, 2 000 archers et 3 000 bidauts (soldat armée parfois simplement d’un poignard).
Il va modifier son ordre de marche, il divise son armée en trois colonnes, qui progressent en parallèle sur un large front, suffisamment espacés pour faire des ravages dans de nombreux villages, mais assez proches pour s’épauler en cas d’attaque.
La chevauchée de la première année, entre octobre et décembre 1355, vise essentiellement le Languedoc jusqu’à Narbonne et aux abords de Béziers en passant par Carcassonne.
Après avoir détruit l’Armagnac, le Prince traverse à gué la Garonne et l’Ariège et couche à Avignonet après l’avoir mis à sac. Le lendemain, 29 octobre, il pénètre dans l’Aude en direction de Mas-Saintes-Puelles, Castelnaudary, le 31 octobre 1355, où il fait incendier les archives de la collégiale et l’église Saint-Michel dans laquelle la population affolée s’était réfugié. Puis, les destructions font rage à Monclar, Saint-Martin-Lalande, Lasbordes, Villepinte, Alzonne et Alzau qu’il brûle et où il passe la nuit du 2 novembre. Il progresse ensuite jusqu’à Carcassonne qu’il atteint le 3 novembre.
Une résistance les y attend, les Carcassonnais ont tendu des chaînes à travers les rues. Les Anglais se contendant d’en brûler les faubourgs et le consul Davilla trouve la mort en défendant le Bourg. Après quelques jours de sac, sans parvenir à prendre la Cité, les Anglais lèvent le camp le 6 novembre.

LE CONSUL DAVILLA, UN HÉROS QUI N’A PEUT ÊTRE JAMAIS EXISTÉ

Le 7 novembre, il passe l’Aude et dévaste Trèbes, Puicheric, Castelnau d’Aude, Millan et Sérame et loge à Canet. Le 8, l’armée du Prince Noir atteint « la mer de Grèce » (Méditerranée) en arrivant à Narbonne, alors une ville de 30 000 habitants, qui comme Carcassonne est une cité fortifiée. Le vicomte Aymeri VI de Narbonne et 500 hommes d’armes lui opposent toute la nuit et la journée du 9 novembre une résistance telle que le Prince Noir n’insiste pas et se retire.
Le 11 novembre, après avoir pillé Ouveillan, les Anglais font jonction avec la colonne d’Arnaud-Amanieu d’Albert, occupée à assiéger Capestang. Ils vont rompre l’engagement à l’approche des milices françaises qui arrivent en renfort de Beaucaire. Les troupes anglaises rançonnent alors Homps et dévaste Pépieux, La Redorte et Azille, où le Prince passe la nuit du 12 novembre.
Pour éviter d’être pris en étau par la milice française qui n’est plus qu’à quelques jours de marche, le Prince dirige son armée vers le Nord. Il anéantit Siran, La Livinière et le château de Ventajou à Félines-Minervois. Le 14, il replonge vers la Montagne d’Alaric et saccage Peyriac-Minervois, Buadelle à Badens, Villepeyroux à Malves-en-Minervois, Conques, Pennautier, Villalier et Pezens. À la fin de cette première chevauchée, les Anglais repartent vers Bordeaux avec des chariots lourdement chargés de butin, laissant derrière eux les ruines fumantes de plus de 500 villes et villages. Il est temps de prendre le chemin du retour avant que les pluies d’automne ne gonflent trop la Garonne. Le 15, les colonnes se déploient et incendient Limoux, Routier, Montréal, Villar-Saint-Anselme, Fangeaux, Lasserre et Villa- savary. Le 16 novembre, la Prince prend d’assaut Belpech qui cède après une longue défense, le château est épargné. Le 17, le Prince Noir est reçu en ami par Gaston Phébus. Par égard pour le comte, Mazères, Calmont, Cintegabelle, et le château d’Auterive sont laissés indemnes. Le 18, les troupes anglaises qui escortent les chariots chargés de butin, passent la Garonne à gué et sur des ponts de fortune, à Montaut. La ville de Noé est détruite et son château livré à l’arrière-garde qui y passe la nuit.
Le 28 novembre enfin, l’armée anglaise rentre en Guyenne anglaise à Mézin.

ITINÉRAIRE DU PRINCE NOIR DANS LE DÉPARTEMENT DE L’AUDE EN 1355

31 octobre : MAS-SAINTES-PUELLES et CASTELNAUDARY
2 novembre : ALZONNE et VILLESÈQUE
7 novembre : TRÈBES, PUICHERIC, CASTELNAU, SÉRAME et CANET
8 novembre : VILLEDAIGNE et NARBONNE
10 novembre : CUXAC D’AUDE
11 novembre : OUVEILLAN et CAPESTANG
13 novembre : HOMPS, AZILLE, LA REDORTE et PÉPIEUX
14 novembre : COMIGNE, ALARIC, PEYRIAC Mvois, BUARDELLE, VILLEPEYROUX, CONQUES et PENNAUTIER
15 novembre : LIMOUX, FANGEAUX, LASSERRE et VILLASAVARY
16 novembre : BELPECH

Au cours de cette chevauché, près de 500 villes et villages ont été dévastés.
Le 9 décembre, Édouard de Woodstock est de retour à Bordeaux, avec un millier de chariots chargés avec le butin de cette chevauchée, et quelque 5 000 prisonniers. Cette campagne, tout comme la suivante en 1356, fait la fortune de Bordeaux, c’est une véritable manne dont profitent toutes les couches de la société : butin, rançon payées pour la libération des prisonniers, nombreux soldats à loger et à nourrir …

Le 10 octobre 1361, Édouard se marie en Angleterre à Windsor, avec sa cousine Jeanne de Kent. Les taxes qu’il impose sur ses territoires pour financer le luxe de la Cour de Bordeaux, va mécontenter la noblesse et la bourgeoisie. Le comte d’Armagnac, Jean 1er, fidèle au roi de France, prend la tête d’une révolte contre l’Anglais. Charles V de France s’empresse d’accepter son appel contre le Prince Noir le 30 juin 1368. Le roi de France se considère comme suzerain du prince d’Aquitaine, ce qui remet en cause le traité de Brétigny.
Édouard est nommé Prince d’Aquitaine par son père le 19 juillet 1362
Édouard de Woodstock semble avoir contracté une dysenterie, ce qui limite ses capacités physiques. Il met néanmoins Limoges à sac le 19 septembre 1370. Malade et exténué, il retourne définitivement en Angleterre en janvier 1371, laissant son frère Jean de Gand, duc de Lancastre, responsable de l’Aquitaine. Il amène avec lui son fils, né en 1367, né au Palais archiépiscopal de Bordeaux, le futur Richard II.
Le Prince Noir meurt en 1376, un an avant son père Édouard III. Il est inhumé dans la cathédrale de Canterbury en Angleterre où l’on peut voir son gisant en bronze, son surcot porte les armes d’Angleterre et de France.
Le 4 août 1356, départ de la seconde chevauchée. Cette fois-ci se sera plus au Nord. Le Périgord, le Limousin, le Berry, la Sologne, la Touraine et le Poitou seront la proie des troupes anglaises. Cette chevauchée se terminera par la bataille de Poitiers le 19 septembre 1356 avec la capture du roi de France Jean II le Bon qui mourra à Londres le 8 avril 1364.

JEAN II LE BON

À ce moment de l’histoire, il n’y a pas que la peste et les chevauchées du Prince Noir qui ravagent le Sud-ouest de la France. Les querelles entre les grands seigneurs gascons fait rage. Un litige oppose le comte de Foix au comte d’Armagnac. Depuis 1343, le comte de Foix, Gaston III, qui se fait appeler Gaston Phébus, veut casser l’essor du comte d’Armagnac Jean 1er , soutenu par le roi de France. Phébus se met au service des Anglais et harcèle les terres de son rival. Une ligue de seigneurs gascons se lève contre lui, mais il en est vainqueur à Launac le 5 décembre 1362. Le comte d’Armagnac est fait prisonnier et doit payer une énorme rançon. Ce n’est qu’en 1379 que Gaston Phébus sera vaincu à Cazères sur Adour et que le traité de Tarbes ramènera la paix entre les deux familles.

LE GISANT DU PRINCE NOIR