PARTIR À LA GUERRE AVEC UNE TENUE QUE MÊME UN BORGNE REPÈRE DE LOIN
Avant la Première guerre mondiale, et depuis près d’un siècle, l’armée française porte le pantalon garance. En effet, depuis 1829, le port du pantalon rouge est généralisé. Pour être plus précis, le pantalon garance du nom de la teinture rouge utilisée. Les raisons de ce choix sont multiples. Comme souvent avec l’État, la finance est un critère et cette teinture est peu chère à produire. De plus, le pantalon d’un rouge vif est également pratique pour rendre les soldats visibles dans les guerres du XIXème siècle où la poudre remplit le champ de bataille de fumée. Cet avantage n’en est plus un en 1914. Cette terrible couleur rouge va transformer nos soldats en cibles mouvantes lors des batailles.
Le débat sur le port du pantalon garance était ouvert depuis, plusieurs années, en la matière, la France avait un sacré retard. Bien avant la guerre, nos alliés et notre ennemi allemand avaient changé leurs tenues en kaki ou en gris.
Des voix s’élèvent avec des arguments pas très malin : « Nous avons perdu en 1870 avec ce pantalon. Nous devons nous venger avec nos couleurs historiques ».
Une réaction tout de même, un décret est signé par le Ministre de la guerre Messimy, le 27 juillet 1914, quelques jours avant le début du conflit. Ce qui signifie qu’au début du conflit, nos soldats engageaient le combat avec une cible rouge vif comme vêtement.
Lors des deux premiers mois de la guerre, la France a perdu plus de 300 000 hommes, une hécatombe. Il faut attendre 1915, pour enfin voir le pantalon garance remplacé par un pantalon bleu horizon.
Mettre cette hécatombe sur le dos d’un pantalon est trop facile. Voyons les « pilotes » politiques et militaires, qui ont donné des ordres complètement à côté de la réalité du terrain. La doctrine militaire française promeut à fond ce que l’on appelle « la guerre à outrance ». Cette stratégie n’est pas très discrète, ce n’est pas le style commando. C’est du n’importe quoi, n’importe où et n’importe quand. Cette stratégie idiote est davantage responsable de la mort de soldats français que le pantalon rouge. Il faudra attendre Pétain et Verdun pour devenir plus économe de la vie de nos soldats.
Il y a un ministre qui a des milliers de morts sur la conscience, un ministre de la guerre qui annonce en 1913 : « Le pantalon rouge, c’est la France ». Une phrase qui montre une cruelle absence de clairvoyance. Son nom : Eugène Napoléon ÉTIENNE.
Né à Oran le 15 décembre 1844, cet homme politique français fut l’un des chefs du « parti colonial ». Il organise en 1892 le Groupe colonial et des affaires extérieures à la Chambre des députés qui comptait près de deux cents parlementaires. Il a été Sous-secrétaire d’État à la Marine en 1887, Sous-secrétaire d’État aux Colonies de 1889 à 1892 ; Ministre de l’Intérieur en 1905. Ministre de la Guerre de 1905 à 1906 puis en 1913. Sénateur de 1920 à 1921. Il a été élu sans discontinuer à la Chambre des députés de 1881 à 1919 où il défend les intérêts de l’Algérie française, lui valant le sobriquet de « Notre-Dame des coloniaux ».
Cette longue carrière politique lui a valu de nombreux hommages. Par un arrêté du 15 août 1907, le gouverneur général de l’AOF, Ernest Roume, nomma en son honneur le port de la baie du Lévrier, en Mauritanie, « Port Étienne », aujourd’hui Nouadhibou.
Plusieurs rues des villes d’Algérie ont été baptisées à son nom. Une statue d’Eugène Étienne, financée par la Ligue maritime et Coloniale, est érigée dans le jardin d’agronomie tropical de Nogent/Marne.
Le bas de la statue porte l’inscription « À Eugène Étienne. Monument dû à une souscription de la Ligue maritime et coloniale française – Eugène Étienne 1844-1921. Homme politique français membre du parti colonial, sous-secrétaire d’État aux colonies en 1887 et 1889. A créé l’École coloniale ».
Comme quoi, les hommes et femmes politiques ne sont jamais coupables de rien.